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06/10/2016 | FRANCE | N°15PA01424

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 octobre 2016, 15PA01424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...épouse E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 7 août 2012 par lesquelles le ministre de la défense a, après avis de la commission des recours des militaires, rejeté son recours préalable dirigé contre les décisions du 8 février 2012 lui refusant le bénéfice de la prime de haute technicité.

Par un jugement n° 1208593 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 7 août 2012 du ministre de la défense et lui

a enjoint d'octroyer à Mme E...la prime de haute technicité à compter du 17 juillet 2007...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...épouse E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 7 août 2012 par lesquelles le ministre de la défense a, après avis de la commission des recours des militaires, rejeté son recours préalable dirigé contre les décisions du 8 février 2012 lui refusant le bénéfice de la prime de haute technicité.

Par un jugement n° 1208593 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 7 août 2012 du ministre de la défense et lui a enjoint d'octroyer à Mme E...la prime de haute technicité à compter du 17 juillet 2007 et de lui verser cette prime à titre rétroactif, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 7 avril 2015, le ministre de la défense demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208593 du 5 février 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- ses décisions du 7 août 2012 refusant l'octroi de la prime de haute technicité à Mme E... n'ont pas méconnu l'autorité de la chose jugée par le Tribunal administratif de Melun le 29 septembre 2011, dès lors qu'il s'est prononcé au vu des circonstances de fait existant à la date à laquelle ces décisions ont été prises ;

- elles précisent les motifs ayant conduit au rejet de la demande de l'intéressée ;

- elles ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que Mme E... dispose de notations inférieures à celles des autres sous-officiers sur la période allant de 2003 à 2007, qu'elle n'a suivi aucune formation spécialisée et n'a acquis que peu d'expériences en unité opérationnelle, que l'ensemble de sa carrière ne démontre pas un niveau d'expertise et de responsabilité dans un domaine particulier du métier " système d'information et de communication ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2015, Mme D...E..., représentée par MeA..., conclut au rejet du recours, à ce que le versement de la somme de 1 560 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que cette somme porte intérêts à compter du dépôt de la demande.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de la défense ne sont pas fondés ;

- l'auteur des décisions contestées n'était pas compétent en l'absence de délégation de compétence visée par lesdites décisions ;

- l'administration n'a pas procédé au réexamen de sa situation dès lors qu'elle n'a pas été entendue par la commission consultative avant que celle-ci procède à l'examen des demandes et que le ministre n'a pas indiqué précisément les motifs pour lesquels il a rejeté sa demande ;

- pour lui refuser le bénéfice de cette prime, l'administration a ajouté au décret n°54-539 du 26 mai 1954 une condition tenant à la nécessité d'avoir suivi des formations en dehors de la qualification du bénéficiaire ;

- elle justifie de cette haute technicité qui a été reconnue par le tribunal ; elle remplit ainsi les conditions pour bénéficier de la prime de haute technicité et, par suite, les décisions contestées sont entachées d'erreur de droit, d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'administration a méconnu le principe d'égalité des sexes ;

- elle a commis un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 54-539 du 26 mai 1954, modifié ;

- l'arrêté du 22 juin 2012 portant délégation de signature du ministre de la défense (cabinet) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour MmeE....

1. Considérant que MmeE..., entrée en service dans l'armée de l'air le 23 avril 1976, major du personnel non navigant de l'armée de l'air depuis 2003, alors affectée à la direction interarmées d'infrastructures et des systèmes d'information de la défense au Kremlin-Bicêtre, a sollicité du Tribunal administratif de Melun l'annulation des décisions en date des 8 avril 2008 et 19 juin 2008, prises après avis de la commission des recours des militaires, par lesquelles le ministre de la défense a rejeté ses recours administratifs préalables dirigés contre les décisions des 17 juillet 2007 et 21 décembre 2007 portant attribution de la prime de haute technicité à des sous-officiers de l'armée de l'air ; que, par un jugement n° 0805518 et 0806423 du 29 septembre 2011, le tribunal a annulé les décisions des 8 avril 2008 et 19 juin 2008 et a enjoint au ministre de la défense de procéder au réexamen de la situation de Mme E...; qu'après avoir réexaminé la situation de l'intéressée, le ministre de la défense a, par deux décisions n° 1423 et 1424 du 8 février 2012, réitéré son refus de lui octroyer le bénéfice de la prime de haute technicité ; qu'à la suite du recours administratif préalable introduit par l'intéressée et après avis de la commission des recours des militaires, le ministre de la défense a confirmé ses décisions de refus par deux décisions n° 8485 et 8486 du 7 août 2012 ; que, par un jugement n° 1208593 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé les décisions du ministre de la défense du 7 août 2012, et, d'autre part, lui a enjoint d'attribuer à Mme E...le bénéfice de la prime de haute technicité à compter du 17 juillet 2007 et de lui verser cette prime à titre rétroactif, assortie des intérêts au taux légal et leur capitalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'il ressort des termes du jugement du 29 septembre 2011 du Tribunal administratif de Melun que celui-ci a estimé que Mme E...était fondée à demander l'annulation des décisions des 8 avril 2008 et 19 juin 2008 aux motifs que le ministre s'est contenté de justifier le refus opposé à l'intéressée par le nombre de postulants éligibles au versement de la prime litigieuse (10 131) et par le mérite supérieur des sous-officiers de l'armée de l'air retenus et s'est abstenu de produire devant le tribunal les éléments qui permettraient d'apprécier les motifs pour lesquels il a estimé que MmeE..., qui remplissait les critères d'ancienneté, ne satisfaisait pas aux conditions requises pour bénéficier du versement de la prime de haute technicité ; que ces motifs, qui constituent le support nécessaire du dispositif du jugement, se trouvent par suite revêtus de l'autorité de la chose jugée ; qu'il appartenait dès lors au ministre de la défense de statuer à nouveau sur la demande dont il demeurait saisi, après une nouvelle instruction ordonnée par le tribunal, en opposant le cas échéant à cette demande un nouveau refus fondé sur un motif autre que ceux retenus dans le jugement devenu définitif ; qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir procédé à un nouvel examen de la situation de MmeE..., le ministre, pour justifier son refus d'attribution de la prime de haute technicité, soutient que l'intéressée n'a suivi aucune formation spécialisée, n'a acquis que peu d'expérience en unité opérationnelle et que l'ensemble de sa carrière ne démontre pas un niveau d'expertise et de responsabilité dans un domaine particulier du métier " systèmes d'information et de communication " ; que le ministre produit, en outre, devant la Cour les éléments permettant de comparer le " niveau de technicité " des sous-officiers de l'armée de l'air bénéficiaires de cette prime et celui de MmeE... ; que, par suite, le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a annulé ses décisions du 7 août 2012 au motif qu'il avait méconnu l'autorité absolue de la chose jugée par le tribunal le 29 septembre 2011 ;

3. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...devant le tribunal administratif et la cour ;

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme E...:

4. Considérant que les décisions du 7 août 2012 sont signées " pour le ministre et par délégation " par M. F...B..., directeur adjoint du cabinet civil et militaire du ministre de la défense, qui a reçu délégation de signature permanente du ministre de la défense, par un arrêté du 22 juin 2012 publié au Journal officiel de la République française du 27 juin 2012, à l'effet de signer, au nom de celui-ci, à l'exclusion des décrets, tous actes, arrêtés ou décisions en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'est pas donnée aux personnes mentionnées à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. B...n'aurait pas été compétent pour signer les décisions contestées doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, en vigueur à la date des décisions contestées : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; -infligent une sanction ; -subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; -retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; -opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; -refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; -refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. " ;

6. Considérant que l'attribution de la prime de haute technicité ne constitue pas un droit et que, par suite, les décisions refusant le bénéfice de cette prime n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en tout état de cause, les décisions contestées comportent l'énoncé circonstancié des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elles sont, par suite, suffisamment motivées ;

7. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à la " commission consultative chargée de procéder à l'examen des dossiers des militaires de l'armée de l'air conditionnant à la prime de haute technicité ", mise en place par la direction des ressources humaines de l'armée de l'air, d'entendre les demandeurs avant de rendre son avis, au demeurant purement consultatif ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, le ministre de la défense a procédé à un nouvel examen de sa situation avant de prendre les décisions contestées ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4123-1 du code de la défense : " Les militaires ont droit à une rémunération comportant notamment la solde dont le montant est fixé en fonction soit du grade, de l'échelon et de la qualification ou des titres détenus, soit de l'emploi auquel ils ont été nommés. (...) Peuvent également s'ajouter des indemnités particulières allouées en raison des fonctions exercées, des risques courus, du lieu d'exercice du service ou de la qualité des services rendus. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 bis du décret du 26 mai 1954 susvisé, dans sa rédaction issue du décret n° 2004-1278 du 25 novembre 2004 : " Dans la limite des crédits inscrits à cet effet, une prime de haute technicité peut être allouée, par décision du ministre de la défense, à certains majors et sous-officiers classés à l'échelle de solde n° 4, qui comptent au moins vingt ans de services militaires. Elle se cumule avec la prime de qualification instituée par le décret n° 76-1191 du 23 décembre 1976 modifié portant création d'une prime de service et d'une prime de qualification en faveur des sous-officiers. La prime de haute technicité est exclusive de la prime de technicité créée à l'article 3 du présent décret. " ;

9. Considérant qu'il est constant que Mme E...remplissait les conditions de grade, de qualification et d'ancienneté lui permettant de prétendre au bénéfice de la prime de haute technicité ; qu'elle se prévaut de sa qualité d'expert des systèmes de détection et de la technicité de ses fonctions qui la conduisent notamment à prendre en charge des programmes satellitaires et le soutien de ces matériels en métropole et en Outre-mer dans un cadre interarmées ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que si Mme E...a eu une carrière exemplaire et a obtenu en 2012 le grade de major à l'échelon exceptionnel, les fonctions qu'elle exerçait ne requéraient pas un haut niveau d'expertise et de responsabilité dans un domaine particulier du métier " système d'information et de communication ", ni une compétence critique dans son domaine d'activité ; que si Mme E...fait valoir que le ministre ne pouvait se fonder sur la circonstance qu'elle n'a suivi aucune formation spécialisée sans ajouter un critère à ceux prévus par les dispositions précitées, ce critère n'est pas étranger à l'appréciation de la haute technicité des fonctions exercées par l'intéressée ; qu'en tout état de cause, il ressort des écritures du ministre que celui-ci aurait pris les mêmes décisions en se fondant uniquement sur le niveau d'expertise et de responsabilité dans un domaine particulier du métier " système d'information et de communication " de Mme E... ; qu'au vu de ces éléments, et alors que l'attribution de la prime de haute technicité ne constitue pas un droit et reste limitée par les contraintes budgétaires, le ministre de la défense n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'attribuer à Mme E... le bénéfice de la prime de haute technicité ;

10. Considérant que Mme E...soutient que les refus successifs du ministre de la défense de lui octroyer la prime de haute technicité malgré les annulations de plusieurs de ses décisions par le Tribunal administratif de Versailles et le Tribunal administratif de Melun attestent d'une atteinte au principe d'égalité des sexes et d'un détournement de pouvoir ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment aux motifs d'annulation retenus par les jugements des 25 mai 2007, 30 janvier 2009 et 4 mai 2009 du Tribunal administratif de Versailles et par le jugement du 29 septembre 2011 du Tribunal administratif de Melun, que les décisions en litige méconnaîtraient le principe d'égalité des sexes, ni qu'elles seraient entachées d'un détournement de pouvoir ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé ses décisions du 7 août 2012 et lui a enjoint d'attribuer à Mme E...la prime de haute technicité à compter du 17 juillet 2007 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme E...demande au titre des frais qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 février 2015 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de Mme E...devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense et à Mme D...E....

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Formery , président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 octobre 2016.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

S.-L. FORMERY Le greffier,

S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01424


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : LE BAUT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 06/10/2016
Date de l'import : 27/12/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15PA01424
Numéro NOR : CETATEXT000033236551 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-06;15pa01424 ?
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