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03/03/2016 | FRANCE | N°15PA02995

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 03 mars 2016, 15PA02995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 août 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté

du 7 juillet 2000 prononçant son expulsion.

Par un jugement n° 1501076/7-2 du 3 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 28 juillet 2015 et

18 janvier 2016, M.A..., représenté par Me B..., d

emande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501076/7-2 du Tribunal administratif de Paris en date du 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 août 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté

du 7 juillet 2000 prononçant son expulsion.

Par un jugement n° 1501076/7-2 du 3 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 28 juillet 2015 et

18 janvier 2016, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501076/7-2 du Tribunal administratif de Paris en date du 3 juillet 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 4 août 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger son arrêté d'expulsion du 7 juillet 2000 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion du 7 juillet 2000 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de la décision est incompétent ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'il ne présente aucun risque de récidive et ne constitue donc pas une menace à l'ordre public ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et ce en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les faits qui lui ont été reprochés sont anciens, qu'il n'a pas fait l'objet de condamnation pénale depuis lors, qu'il était dans l'impossibilité de se réinsérer professionnellement au Maroc comme en France, qu'il établit à l'aide de nombreuses pièces être socialement intégré sur le territoire français, que l'ensemble de sa famille vit en France, qu'il ne dispose d'aucune attache familiale au Maroc où il lui serait par ailleurs impossible de recomposer sa cellule familiale et que sa mère est dans l'incapacité de voyager au Maroc en raison de son état de santé ; que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interdit en outre toute peine à caractère définitif ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M.A....

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 1er février 2016 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Noirez, avocat pour M.A....

1. Considérant que M.A..., né le 13 juillet 1968 à Ait Brahim au Maroc, pays dont il a la nationalité, est entré en France, selon ses déclarations, en 1970 ; qu'il a été condamné, entre 1988 et 1991, à des peines d'emprisonnement ferme d'une durée cumulée de dix-neuf mois pour avoir commis des faits de vol avec violence, de violation de domicile, de violences volontaires et de conduite de véhicule en dépit de la suspension de son permis de conduire ; qu'il a également été condamné par une cour d'assises, dans un arrêt en date

du 17 octobre 1991, à une peine de quinze ans de réclusion criminelle pour viol, vol avec port d'arme et escroquerie ainsi qu'à une peine de six mois d'emprisonnement pour tentative d'évasion par bris de prison ou violence ; que le ministre de l'intérieur a, par un arrêté en date du 7 juillet 2000, prononcé son expulsion du territoire français ; que, le 24 avril 2014, M. A... a sollicité l'abrogation dudit arrêté d'expulsion ; que, par une décision du 4 août 2014, le ministre de l'intérieur a rejeté cette demande, aux motifs, d'une part, qu'elle était irrecevable, en application des dispositions de l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, que la circonstance que les faits à l'origine de cette mesure d'expulsion soient anciens ne suffisait pas à établir que la présence en France de l'intéressé ne constituait plus une menace grave pour l'ordre public, ni que cet arrêté porterait, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale; que, par ordonnance n° 1501086 du 27 janvier 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A...tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 4 août 2014 ; que M. A...après avoir en vain demandé audit tribunal administratif d'annuler cette décision, relève régulièrement appel du jugement n° 1501076/7-2 du 3 juillet 2015 de ce tribunal rejetant sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 524-2 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites (...) " ; qu'enfin, l'article L. 524-3 du même code dispose que : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : / 1° Pour la mise en oeuvre de l'article L. 524-2 ; / 2° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d'emprisonnement ferme ; / 3° Lorsque l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 523-5 " ;

3. Considérant que M. A...reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision du 4 août 2014, par laquelle le ministre de l'intérieur rejette sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il a fait l'objet le 7 juillet 2000, est entachée d'incompétence ainsi que d'erreur d'appréciation ; qu'il est néanmoins constant que cette demande d'abrogation a été présentée plus de deux mois après la notification de la décision litigieuse, alors que l'intéressé ne résidait pas hors de France et ne soutenait pas que sa situation répondait aux critères fixés aux 1° à 3° précités de l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en vertu des dispositions précitées dudit article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ministre de l'intérieur était tenu de rejeter la demande de M.A... ; que, par voie de conséquence, les moyens susindiqués, invoqués à l'encontre de cette décision ne peuvent qu'être écartés comme inopérants ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que M. A...reprend également en appel le moyen tiré de ce que la décision du 4 août 2014 porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'à l'appui de ce moyen, il soulève de nouvelles allégations, en faisant valoir, d'une part, qu'il ne peut lui être reproché l'absence d'une insertion professionnelle sérieuse au Maroc, dès lors qu'il s'est retrouvé dans son pays d'origine alors qu'il n'en parlait pas la langue, qu'il n'en partageait pas la culture et qu'il n'y avait aucune attache et, d'autre part, que, s'il n'a pu s'insérer professionnellement en France en raison de l'irrégularité de sa situation, il justifie toutefois de son insertion sociale et familiale sur le territoire français ; que, si M. A...produit en appel de nouveaux éléments, à savoir notamment des attestations, des certificats médicaux et des documents établissant son mariage le 28 avril 2015, soit postérieurement à la décision contestée, ces documents ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué ; qu'en effet, et ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, M. A... a fait l'objet de plusieurs condamnations pour des faits graves ; qu'après que l'arrêté d'expulsion pris à son encontre a été exécuté le 1er octobre 2000, M. A...s'est, en méconnaissance de la mesure d'éloignement dont il savait être l'objet, réintroduit en France en 2011 selon ses déclarations, et s'y est maintenu irrégulièrement ; que M. A...ne présente pas de gages sérieux de réinsertion sociale et professionnelle, ni depuis son retour en France, ni durant la période où il a séjourné au Maroc et qui s'est étendue, selon ses propres déclarations, de 2000 à 2011, soit une durée suffisante pour lui permettre d'avoir surmonté les difficultés culturelles et linguistiques auxquelles il prétend avoir été confronté ; que, dès lors, eu égard à l'ensemble de la situation de M.A..., et en dépit de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français, qui doivent être appréciés à la date du 4 août 2014, le ministre de l'intérieur, en estimant que la présence de ce dernier sur le territoire français constituait toujours une menace pour l'ordre public et en refusant en conséquence d'abroger l'arrêté d'expulsion, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par cette décision ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article mentionné ci-dessus font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. A...d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 février 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2016.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02995


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : BOYANCÉ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 03/03/2016
Date de l'import : 16/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15PA02995
Numéro NOR : CETATEXT000032153909 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-03;15pa02995 ?
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