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11/02/2016 | FRANCE | N°14PA04095

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 février 2016, 14PA04095


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 septembre 2014 et le 2 juin 2015, la société Allianz vie, représentée par le cabinet Letang et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 17 juin 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a, d'une part, annulé, à la demande de la SAS Distrisèvres, la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de Paris, du 4 février 2014, autorisant la création d'un magasin de commerce de détail à prédominance alimentaire à l'enseigne

Carrefour Market, d'une surface de vente de 3 000 m², au 40-42 rue de Sèvres à Paris...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 septembre 2014 et le 2 juin 2015, la société Allianz vie, représentée par le cabinet Letang et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 17 juin 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a, d'une part, annulé, à la demande de la SAS Distrisèvres, la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de Paris, du 4 février 2014, autorisant la création d'un magasin de commerce de détail à prédominance alimentaire à l'enseigne Carrefour Market, d'une surface de vente de 3 000 m², au 40-42 rue de Sèvres à Paris 7ème arrondissement, d'autre part, refusé cette autorisation ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande d'autorisation dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- la décision a été rendue au terme d'une procédure irrégulière car il ne ressort pas de la décision attaquée que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial avaient reçu l'ensemble des documents visés par l'article R. 752-49 du code de commerce ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le projet ne porte pas atteinte à l'animation de la vie urbaine mais complète utilement l'offre commerciale existante ;

- le projet n'aura pas d'impact sur les flux routiers ;

- la commission ne peut lui imposer une certification en matière de développement durable ; le projet répond à des exigences élevées en matière énergétique ;

- le projet architectural a répondu aux exigences élevées des autorités ayant délivré le permis de construire et le projet architectural ne peut être modifié à l'occasion de la demande d'autorisation d'aménagement commercial.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2015, la SAS Distrisèvres, représentée par le cabinet Wilhelm et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société Allianz vie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 752-49 du code de commerce n'ont pas été méconnues ;

- la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est suffisamment motivée ;

- une décision d'autorisation d'exploitation commerciale placerait la société Carrefour en situation d'abuser de sa position dominante dans ce quartier ;

- le projet en litige ne satisfait pas aux critères définis par l'article L. 752-6 du code de commerce tant en termes d'aménagement du territoire, car il aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine ainsi que sur les flux de circulation automobile, qui n'ont même pas fait l'objet de l'étude demandée, qu'en termes de développement durable, compte tenu notamment du non-respect de la norme thermique BT 2012 et de l'insuffisance de l'insertion architecturale et paysagère.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le décret n° 2012-1530 du 28 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pellissier,

- les conclusions de Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Encinas, avocat de la société Allianz vie.

1. Considérant que par la décision contestée du 17 juin 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a annulé, à la demande de la SAS Distrisèvres exploitant un magasin à l'enseigne Franprix à proximité du projet litigieux, la décision du 4 février 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de Paris avait autorisé la création au

40-42 rue de Sèvres d'un magasin de commerce de détail à prédominance alimentaire à l'enseigne Carrefour Market, d'une surface de vente de 3 000 m², et a refusé cette autorisation ;

Sur l'appréciation portée par la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;

4. Considérant, en premier lieu, que la commission a estimé que le projet est de nature à " porter préjudice à l'animation commerciale de ce quartier de Paris qui accueille de très nombreuses supérettes et petits commerces de proximité, tant dans le secteur alimentaire que non alimentaire " ;

5. Considérant cependant que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères à prendre en compte par la Commission nationale d'aménagement commercial ; qu'il ressort des pièces du dossier d'instruction, et notamment des avis favorables des deux ministres consultés et du commissaire du gouvernement devant la commission, que le projet, compatible avec les orientations du schéma directeur d'Ile de France en matière d'équipement commercial, permettra de renforcer et diversifier l'offre de proximité pour les zones d'habitation et de bureaux alentour, dont l'important programme d'aménagement du site anciennement occupé par l'hôpital Laennec dans lequel le projet s'inscrit ; que par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la Commission nationale a fait une appréciation erronée de l'impact du projet sur l'animation de la vie urbaine ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de sa localisation, de sa nature ou de son ampleur, le projet, dévolu principalement au commerce alimentaire de proximité, ainsi aux produits d'hygiène, d'entretien et de petit équipement et qui n'est pas doté d'un parc de stationnement propre, serait susceptible d'attirer une clientèle motorisée ; que la zone de chalandise, dont la délimitation n'a pas été pas contestée par les services instructeurs, a ainsi été établie sur la base d'un temps de trajet à pied de dix minutes maximum ; que dès lors la réalisation d'une étude de trafic, notamment dans la rue de Sèvres, n'était pas utile ; que le site, à proximité de plusieurs stations de vélos en libre service, est desservi par trois lignes de métro et trois lignes de bus ; que le magasin sera approvisionné par des utilitaires légers, tôt le matin et tard le soir, sur une aire de livraison privative en sous-sol de l'immeuble ; qu'ainsi la commission nationale a fait une appréciation erronée de l'impact du projet sur les flux de transports ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne peut être fait grief au projet litigieux, qui s'installe dans un bâtiment dont le permis de construire a été obtenu en 2006, de ne pas respecter la réglementation thermique 2012 ; que si la commission nationale a estimé que le projet " présente des insuffisances en termes de qualité architecturale et d'insertion dans son environnement ", il ressort des pièces du dossier que le magasin s'installe, en rez-de-chaussée et sous-sol, dans un immeuble dont la construction a été approuvée par un permis de construire délivré, en secteur sauvegardé, après accord de l'architecte des bâtiments de France et que toute modification de la façade de l'immeuble est exclue ; que, par ailleurs, la société Allianz vie qui s'est engagée dans une démarche de développement durable en visant une certification environnementale " BREEAM " a prévu la réalisation d'aménagements permettant l'optimisation de la gestion des déchets, des eaux pluviales et la maîtrise des consommations énergétiques ; que dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que la commission nationale a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que le projet compromettait l'objectif de développement durable ;

8. Considérant enfin que si la SAS Distrisèvres soutient qu'une autorisation d'exploitation commerciale renforcerait la position dominante du pétitionnaire dans la zone de chalandise et entraînerait, dès lors, un risque d'abus de position dominante, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorisation aurait, par elle-même, pour effet d'entraîner un abus de position dominante dans la zone de chalandise du projet par la société Carrefour ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Allianz vie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, la commission nationale a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que la Commission nationale d'aménagement commercial procède à un nouvel examen de la demande dont elle se trouve à nouveau saisie ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société Distrisèvres au titre des frais de procédure qu'elle a exposés soit mise à la charge de la société Allianz vie, qui n'est pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 17 juin 2014 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer la demande de la société Allianz vie dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la société Distrisèvres tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Allianz vie, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la Société Distrisèvres.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, président de chambre,

- M. Gouès, premier conseiller,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2016.

L'assesseur le plus ancien,

S. GOUESLe président rapporteur,

S. PELLISSIER

Le greffier,

E. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04095


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation des installations et travaux divers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : LETANG ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 11/02/2016
Date de l'import : 20/02/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14PA04095
Numéro NOR : CETATEXT000032039239 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-11;14pa04095 ?
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