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26/05/2015 | FRANCE | N°14PA03386

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 26 mai 2015, 14PA03386


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2014, présentée pour M. A...B..., alors retenu au Centre de rétention administrative de Vincennes, par Me C... ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1410483/8 du 27 juin 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2014 du préfet de police de Paris l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, et le plaçant en c

entre de rétention pendant le temps strictement nécessaire à son départ du...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2014, présentée pour M. A...B..., alors retenu au Centre de rétention administrative de Vincennes, par Me C... ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1410483/8 du 27 juin 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2014 du préfet de police de Paris l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, et le plaçant en centre de rétention pendant le temps strictement nécessaire à son départ du territoire ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B...soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une personne n'ayant pas reçu délégation régulière à cette fin, et ne peut dès lors qu'être annulé pour incompétence de l'auteur de l'acte ;

- il est entré en France le 20 décembre 2000, et a été interpellé par les services de police le 23 juin 2014, ceux-ci constatant qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour, alors même que, comme il l'a précisé lors de son interpellation, il s'était rendu le 12 mai 2014 dans les locaux de la préfecture des Yvelines afin d'y déposer un dossier de régularisation de sa situation, en se prévalant de sa présence en France depuis plus de 10 ans, un rendez-vous lui ayant été fixé pour le 8 septembre suivant ;

- ainsi, le préfet de police a commis une erreur de fait, puisque qu'il avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour à la date de son interpellation, et que les documents qui lui ont été remis indiquent implicitement et a contrario que dans l'attente du rendez-vous fixé, il ne pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2015, présenté par le préfet de police, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir que :

- M.B..., de nationalité turque, entré irrégulièrement en France en 2000 et 2009, a été interpellé une première fois le 21 mai 2012, ayant alors déclaré une dernière entrée sur le territoire en 2010 et être célibataire sans enfant à charge, puis une seconde fois le 23 juin 2014, ayant alors fait l'objet d'un nouvel arrêté l'obligeant à quitter le territoire français, le plaçant en rétention administrative et fixant son pays de destination ;

- s'il s'est rendu le 12 mai 2014 à la préfecture des Yvelines, soit avant cette seconde interpellation, aux fins de solliciter un titre de séjour, et s'être alors vu fixer un rendez-vous pour le 8 septembre suivant, il pouvait cependant se voir également notifier la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français, celle-ci étant fondée sur une entrée irrégulière en France et sur l'absence de production d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'interpellation du 23 juin 2014 :

- en tout état de cause, s'il produit un document de rendez-vous pour le 8 septembre 2014, émanant de cette préfecture, et indiquant sa présence le 12 mai 2014, une telle circonstance est sans incidence sur la mesure d'éloignement critiquée ;

- il est en effet constant, selon la jurisprudence, qu'un étranger en situation irrégulière peut se voir éloigner même en cas de dépôt d'une demande de régularisation, les termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposant pas dans tous les cas au préfet de délivrer un récépissé de dépôt d'une demande, hors les cas de première demande et de renouvellement de titre de séjour ;

- en l'occurrence, M. B...ne justifie pas avoir déposé un dossier complet le 12 mai 2014 à la préfecture des Yvelines, et en outre il est constant qu'il ne s'agissait pas d'une première demande de titre, ayant attendu 2014 pour solliciter un titre à son retour en 2010, l'intéressé n'étant pas ainsi fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Privesse, premier conseiller,

- et les observations de Me Fournier, avocat de M.B... ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant turc né le 1er janvier 1969, déclarant résider en France depuis le 20 décembre 2000, a fait l'objet d'une interpellation par une patrouille de police, le 23 juin 2014 à 3 heures 15, à laquelle il n'a pu présenter un titre de séjour en cours de validité, non plus que des documents d'identité ; qu'après constat que l'intéressé faisait l'objet d'une fiche de recherche, M. B...a été conduit dans un centre de rétention, et le préfet de police a pris à son encontre l'arrêté contesté du 23 juin 2014, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, et fixant le pays de destination tout en le plaçant en rétention administrative ; que M. B...relève appel du jugement du 27 juin 2014 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, que M. B...se borne à reprendre dans sa requête, le moyen relatif à l'incompétence de la personne signataire de l'arrêté contesté, du 23 juin 2014, dans les mêmes termes que ceux déjà exposés dans sa demande présentée devant le tribunal administratif ; qu'il y a donc lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, qui ne sont pas critiqués en appel, de rejeter ledit moyen ;

3. Considérant en second lieu, que M. B...se borne dans sa requête, à mettre en cause la légalité interne de la décision d'éloignement contenue dans l'arrêté susmentionné, en se prévalant de la circonstance qu'il se serait rendu le 12 mai 2014 à la préfecture des Yvelines, afin d'y solliciter la régularisation de sa situation administrative ;

4. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance (...) d'un titre de séjour, autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour.(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 311-4 du même code : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les récépissés délivrés ont pour objet de constater le dépôt d'un dossier complet de demande de titre de séjour et de régulariser la situation du requérant pendant la période d'instruction de sa demande ;

5. Considérant que M. B...fait état de son déplacement à la préfecture des Yvelines, le 12 mai 2014, pour solliciter un titre de séjour, qu'il se serait alors vu fixer un rendez-vous pour le 8 septembre 2014 et remettre à cette occasion un récépissé de demande de carte de séjour ; que toutefois il n'a pas produit un tel document aux services de police lors de son interpellation, pas davantage qu'il ne l'a fait devant le Tribunal administratif ou la Cour dès lors que la pièce n° 3 jointe à sa requête, dont il se prévaut, se borne à mentionner l'état de la demande de régularisation en fonction des déclarations du demandeur et fournit les indications propres à constituer le dossier nécessaire pour obtenir un titre de séjour ; qu'elle ne saurait par elle-même établir qu'il aurait présenté un dossier complet en préfecture ; qu'en outre, les termes susmentionnés de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposent la remise par le préfet d'un récépissé de dépôt d'une demande, que dans les cas d'une première demande ou d'un renouvellement de titre de séjour, alors qu'il est constant que M. B... avait déjà présenté au moins deux demandes de titre avant le 12 mai 2014 ; qu'ainsi, le moyen fondé sur l'erreur de fait que le préfet de police aurait commise en ne retenant pas la démarche de régularisation préalablement effectuée par M. B..., doit être écarté ;

6. Considérant d'autre part, que l'arrêté litigieux est fondé sur les dispositions de l'article L. 511-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (... ) : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ; que, si M. B... soutient être entré en France le 20 décembre 2000, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence de production d'un document transfrontière, qu'il justifie d'une entrée régulière en France ; qu'en outre, il est constant qu'à la date de l'arrêté litigieux, M. B... était dépourvu de tout titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ; que dans ces conditions, eu égard à ce qui a été précisé au point 5, M. B...était au nombre des étrangers que l'autorité administrative pouvait obliger à quitter le territoire français en vertu des dispositions susvisées ;

7. Considérant par ailleurs que M. B...ne peut se prévaloir utilement de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2014, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par M.B... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Privesse, premier conseiller,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

Lu en audience publique le 26 mai 2015.

Le rapporteur,Le président,J-C. PRIVESSEE. COËNT-BOCHARDLe greffier,A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03386


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : FELDMAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 26/05/2015
Date de l'import : 13/06/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14PA03386
Numéro NOR : CETATEXT000030675409 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-26;14pa03386 ?
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