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07/04/2015 | FRANCE | N°14PA01211

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 07 avril 2015, 14PA01211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 21 décembre 2012 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de sa filleE....

Par un jugement n° 1306277 du 28 janvier 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué et a, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une autorisation de regroupement familial au bénéfice de sa fille.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2014, le préfet de police demande à la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 21 décembre 2012 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de sa filleE....

Par un jugement n° 1306277 du 28 janvier 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué et a, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une autorisation de regroupement familial au bénéfice de sa fille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306277 du 28 janvier 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à bon droit qu'il a rejeté la demande de regroupement familial de M. B... au bénéfice de sa fille E...sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que celle-ci, irrégulièrement entrée en 2007, résidait déjà sur le territoire français à la date de la demande ;

- en tout état de cause, la fille de M. B..., entrée en France avant l'âge de 13 ans, est titulaire d'un document de circulation pour étranger mineur et a vocation à obtenir de plein droit à sa majorité la carte de séjour temporaire prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code précité ;

- la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la fille de M. B... de ses parents et ne fait pas non plus obstacle à la poursuite de sa scolarisation en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2014, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 5 mars 2013, maintenue le 17 juillet 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé le 23 septembre 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Bernard a présenté son rapport.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " renouvelée depuis 2010, a sollicité, le 19 décembre 2011, l'admission au séjour de sa filleE..., née au Sénégal le 18 août 2001, au titre du regroupement familial. Par arrêté du 21 décembre 2012, le préfet de police a rejeté cette demande au motif que l'enfant était présente sur le territoire français et que M. B... ne faisait valoir aucun élément de nature à justifier une exception à la règle selon laquelle la présence hors de France du bénéficiaire de la procédure de regroupement familial constitue un préalable à la mise en oeuvre de cette procédure. Le préfet de police relève appel du jugement du 28 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux et lui a enjoint de délivrer à M. B... une autorisation de regroupement familial au bénéfice de sa fille.

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Le préfet dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il serait porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale ou qu'un refus méconnaitrait l'intérêt supérieur de l'enfant au profit duquel l'autorisation de regroupement familial est demandée.

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la jeune E...B...est entrée en France en 2007 à l'âge de six ans et réside depuis lors sur le territoire français auprès de ses parents, tous deux titulaires de titres de séjour, et de sa soeur et de son frère, nés en France en 2008 et 2011. Elle a en outre été scolarisée en cours préparatoire dès septembre 2007 et était inscrite en classe de sixième à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, le refus de regroupement familial en litige n'a pas pour effet de la contraindre à retourner vivre dans son pays d'origine et donc de la séparer de ses parents résidant en France. En effet, le statut de mineur ne fait pas obligation de détenir un titre de séjour pour pouvoir séjourner sur le territoire français et y être scolarisé. A cet égard, la jeune E...B...a été mise en possession d'un document de circulation lui permettant de résider en France et de voyager. Dans ces conditions, l'arrêté du 21 décembre 2012 n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... et de sa fille et n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, ledit arrêté n'a pas non plus été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il en résulte que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 21 décembre 2012 pour l'ensemble de ces motifs.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

6. Par arrêté n° 2012-00493 du 8 juin 2012, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 12 juin 2012, le préfet de police a donné délégation à M. Christophe Besse, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 6ème bureau de la direction de la police générale, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité administrative supérieure. D'une part, l'absence de mention sur l'arrêté contesté de l'absence ou de l'empêchement des supérieurs hiérarchiques de son signataire est sans incidence sur sa régularité. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que lesdits supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. A..., signataire de l'arrêté contesté, doit être écarté comme manquant en fait.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 21 décembre 2012. Par voie de conséquence, les conclusions que l'avocat de M. B... a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1306277 du 28 janvier 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions présentées en appel par son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Marino, président,

- Mme Dhiver, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 avril 2015.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

Y. MARINO

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01211


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BOUYSSOU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 07/04/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14PA01211
Numéro NOR : CETATEXT000030547678 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-07;14pa01211 ?
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