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06/05/2014 | FRANCE | N°13PA03686

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 06 mai 2014, 13PA03686


Vu la décision en date du 17 juillet 2013 par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé à la Cour, après cassation de son arrêt n° 11PA02364 du 15 mars 2012, la requête présentée par M. C...A... ;

Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2011, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905812/7-2 en date du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 3 décembre 2008 par laquelle le procureur de la Républ

ique près le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté sa demande d'effaceme...

Vu la décision en date du 17 juillet 2013 par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé à la Cour, après cassation de son arrêt n° 11PA02364 du 15 mars 2012, la requête présentée par M. C...A... ;

Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2011, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905812/7-2 en date du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 3 décembre 2008 par laquelle le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté sa demande d'effacement des mentions le concernant figurant dans le système de traitement des infractions constatées (STIC), ensemble le rejet de son recours hiérarchique par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, en date du 10 février 2009 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au procureur près le Tribunal de grande instance de Paris de procéder à l'effacement desdites mentions ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris de procéder à l'effacement des mentions le concernant figurant au STIC, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la déclaration des droits de l'homme et des citoyens du 26 août 1789 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ;

Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

Vu le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001 pris pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création du système de traitement des infractions constatées ;

Vu la décision du conseil constitutionnel n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 ;

Vu la décision du conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2014 :

- le rapport de Mme Vrignon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Chaufour, avocat de M.A... ;

1. Considérant que, par décision du 3 décembre 2008, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris a refusé d'effacer du système de traitement des infractions constatées (STIC) la mention concernant M.A..., relative à des faits commis le 28 janvier 2007 et qui ont donné lieu à un rappel à la loi le 16 mars 2007 ; que cette décision a été confirmée par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales le 10 février 2009, sur recours hiérarchique de l'intéressé ; que M. A...relève régulièrement appel du jugement du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, alors en vigueur : " I. Les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en oeuvre des applications automatisées d'informations nominatives recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l'autorité de l'Etat, afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs (...) / III. - Le traitement des informations nominatives est opéré sous le contrôle du procureur de la République compétent qui peut demander qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit lorsque la personne concernée la demande. En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention. Les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles " ; que l'article 25 de la même loi, qui rétablit l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, définit les conditions et finalités de la consultation, dans le cadre d'enquêtes administratives préalables aux décisions administratives qu'il mentionne, des données nominatives recueillies dans ces fichiers ; que l'article 1er du décret du 5 juillet 2001 pris pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi n° 78-17 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création du système de traitement des infractions constatées, dans sa rédaction alors en vigueur, autorise le ministère de l'intérieur à " mettre en oeuvre une application automatisée d'informations nominatives dénommée "système de traitement des infractions constatées " (STIC) " ; qu'en application de l'article 2 de ce décret, les données à caractère personnel relatives aux personnes mises en cause ainsi que la qualification des faits, telles qu'elles sont enregistrées dans le STIC, sont transmises au procureur de la République territorialement compétent en même temps que la procédure ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret, " le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent conformément aux dispositions du III de l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les données nominatives figurant dans le STIC portent sur des informations recueillies au cours d'enquêtes préliminaires ou de flagrance ou d'investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que certaines contraventions de cinquième classe, les décisions en matière d'effacement ou de rectification, qui ont pour objet la tenue à jour de ce fichier et sont détachables d'une procédure judiciaire, constituent des actes de gestion administrative du fichier et peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif ;

4. Considérant que la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris tendait à l'effacement des mentions le concernant figurant dans le STIC ; qu'il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige ainsi soulevé ; que M. A...est dès lors fondé à demander l'annulation du jugement en date du 31 mars 2011 par lequel le tribunal a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande ;

Sur la légalité des décisions du 3 décembre 2008 et du 10 février 2009 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 40-1 du code de procédure pénale : " Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun : / 1° Soit d'engager des poursuites ; / 2° Soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ; / 3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. " ; que selon l'article 41-1 de ce même code : " S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République : / 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi (...) " ;

6. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes des dispositions de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. / Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des enquêtes administratives qui donnent lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la nation. Il détermine les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de cette consultation. (...) : La consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 précitée peut également être effectuée, y compris pour des données portant sur des procédures judiciaires en cours, pour l'exercice de missions ou d'interventions lorsque la nature de celles-ci ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se dérouler comportent des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu'au titre des mesures de protection ou de défense prises dans les secteurs de sécurité des installations prioritaires de défense visés à l'article 17 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. Cette consultation est effectuée par des agents de la police et de la gendarmerie nationale spécialement habilités à cet effet. " ;

7. Considérant qu'il est constant que les faits mentionnés au STIC concernant M. A...ont donné lieu à un rappel à la loi le 16 mars 2007, en application des dispositions précitées du 2° de l'article 40-1 et du 1° de l'article L. 41-1 du code de procédure pénale ;

8. Considérant que les dispositions précitées du III de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure susvisée font la distinction entre les données collectées à l'occasion d'une procédure ayant donné lieu à un classement sans suite motivé par une insuffisance de charges, qui font l'objet d'une mention sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles, et les données collectées à l'occasion d'une procédure ayant donné lieu à un classement sans suite pour un autre motif, notamment lorsque ce classement intervient après la mise en oeuvre, visée au 2° de l'article 40-1 du code de procédure pénale, d'une procédure alternative aux poursuites ; qu'ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, à l'occasion de l'introduction de ces dispositions aux articles 230-6 à 230-8 du code de procédure pénale, cette distinction, qui est dénuée de toute ambiguïté, est fondée sur l'absence d'intérêt qu'il y a, dans le premier cas, à conserver de telles données ; que, compte tenu, d'une part, de leur finalité et, d'autre part, des garanties prévues s'agissant en particulier de la durée de conservation des données nominatives contenues dans le système, du contrôle de leur traitement et des conditions et modalités selon lesquelles elles peuvent être communiquées aux personnes intéressées, les dispositions litigieuses ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de ces personnes ; qu'à ce titre, le conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, que l'ensemble des garanties prévues par la loi " est de nature à assurer, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée " et que dans ces conditions, les dispositions de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 ne sont pas contraires à la Constitution ; que, dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande au motif que des faits qui n'ont pas donné lieu à une relaxe, un non-lieu ou un classement pour insuffisance de charge, ne peuvent pas être effacés, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris et le ministre de l'intérieur auraient commis une erreur de droit, ni que cette décision aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, par ailleurs, que le refus d'effacer des données nominatives contenues dans le STIC ne porte, par lui-même, aucune atteinte au principe de la présomption d'innocence ni à la liberté d'aller et venir garantis par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 1, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens ;

10. Considérant, enfin, que si M. A...fait valoir que les informations le concernant ne pouvaient pas être conservées au-delà du délai de cinq ans prévu au I de l'article 7 du décret du 5 juillet 2001 précité, ce délai n'était pas expiré à la date à laquelle il a fait sa demande d'effacement et à celle à laquelle cette demande a été rejetée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions contestées ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0905812/7-2 du Tribunal administratif de Paris en date du 31 mars 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 13PA03686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03686
Date de la décision : 06/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-03-02-02 Outre-mer. Droit applicable. Lois et règlements (hors statuts des collectivités). Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie. Nouvelle-Calédonie.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CAYOL-CAHEN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-06;13pa03686 ?
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