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30/05/2011 | FRANCE | N°10PA05327

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 mai 2011, 10PA05327


Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2010, présentée pour M. Modibo A, demeurant chez ..., par Me Bouyssou ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1012531/12-2 en date du 29 septembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 juin 2010 par lequel le préfet de police a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour

excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer ...

Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2010, présentée pour M. Modibo A, demeurant chez ..., par Me Bouyssou ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1012531/12-2 en date du 29 septembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 juin 2010 par lequel le préfet de police a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un réexamen de sa situation administrative dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-597 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2011 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouyssou représentant M. A ;

Considérant que M. A, né le 19 novembre 1968 et de nationalité malienne, a sollicité en janvier 2010 un titre de séjour ; que, par un arrêté en date du 2 juin 2010, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ; que M. A relève régulièrement appel de l'ordonnance en date du 29 septembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné, pris notamment sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date de l'ordonnance attaquée : Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent par ordonnance : / (...) 7°) Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...), les requêtes ne comportant que (...) des moyens qui (...) ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a soulevé devant le tribunal plusieurs moyens à l'appui de sa contestation de la décision litigieuse, notamment relatifs à la circonstance que son enfant bénéficie du statut de réfugié, et qu'il lui a été refusé un titre de séjour en qualité de réfugié, alors qu'il demandait sa régularisation dans le cadre de sa vie privée et familiale ; que les termes dans lesquels ces moyens étaient exprimés, permettaient d'en saisir le sens et la portée, et étaient suffisants pour permettre au juge d'exercer son office en en appréciant le bien-fondé au regard des pièces déjà produites ou de celles qui viendraient à l'être ; que dès lors, il y a lieu d'annuler l'ordonnance querellée en raison de la composition irrégulière de la formation de jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité externe du refus de titre de séjour :

Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le titre de séjour est délivré (...) à Paris, par le préfet de police ; qu'en application de l'article 77 du décret du 29 avril 2004 susvisé : Le préfet de police peut donner délégation de signature : (...) / 2° Pour toutes les matières relevant de leurs attributions : (...) / c) Aux agents en fonction à la préfecture de police (...) ;

Considérant que par arrêté n° 2010-00225 du 12 avril 2010, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris n° 30 du 16 avril 2010, le préfet de police a donné délégation à Mme Cécile B, agent à la direction de la police générale à la préfecture de police, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ladite décision doit être écarté ;

Considérant d'autre part, que la décision litigieuse qui cite notamment les articles L. 741-4 2° et 4°, et L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et se réfère aux éléments du dossier du requérant, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait ainsi aux prescriptions de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit dès lors, être écarté ;

Sur la légalité interne du refus de titre de séjour :

Considérant en premier lieu, que si M. A fait valoir qu'il aurait en réalité sollicité auprès de l'autorité préfectorale la régularisation de sa situation personnelle sur le fondement de sa vie privée et familiale, en se prévalant notamment du placement de sa fille unique Ramata, née le 18 juin 1999, sous la protection juridique de l'OFPRA, et que cette demande de titre de séjour a été, à tort, instruite par le préfet en tant que demande d'asile politique, l'intéressé ne justifie ni du fondement de sa demande, dont il ne verse pas copie au dossier, ni de tout autre élément susceptible d'établir le fondement de celle-ci ; qu'au demeurant, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur un autre fondement que celui invoqué dans sa demande, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas sa demande en tant que principalement fondée sur les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / [...] ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / [...] ; / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. / [...] ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. / [...] ;

Considérant d'une part, que M. A, ayant fait l'objet d'une décision de refus d'admission au séjour en date du 1er février 2010 au titre des dispositions des 2° et 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'application n'est pas sérieusement contestée, ne bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français que jusqu'à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en application des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que d'autre part, sa demande ayant été rejetée par ledit office par une décision en date du 19 avril 2010, le préfet de police qui, de ce fait, était de nouveau saisi de la demande de M. A, a pu à bon droit refuser de délivrer au requérant un titre de séjour en cette qualité et l'obliger à quitter le territoire français ; que par suite et en tout état de cause, la décision litigieuse en tant qu'elle refuse à l'intéressé son admission au séjour au titre de l'asile politique, ne peut être contestée en sa légalité ;

Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il serait arrivé en France le 8 novembre 2004, étant suivi quelques jours plus tard de sa compagne, Mme C, ayant ensuite obtenu l'asile politique en France, puis en mars 2008 de leur fille Ramata, ensuite scolarisée en France ; qu'il contribue financièrement à l'entretien de cette dernière et veille à son éducation ce qui, selon lui, est attesté par des virements réguliers de sommes d'argent et des déplacements fréquents pour lui rendre visite, versant en outre une pension alimentaire à la mère de l'enfant ; qu'il justifie d'une bonne intégration dans la société française de par ses activités professionnelles, ses enseignements par correspondance et l'intensité de ses liens familiaux ; que cependant, il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans, ni avoir conservé des liens réels avec son ancienne compagne Mme C, laquelle réside dans les Bouches-du-Rhône, même s'il indique être encore en bons termes avec celle-ci, alors qu'il ne dispose d'aucune autre attache familiale en France ; qu'également si, par un jugement du 19 décembre 2008 du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, l'exercice de l'autorité parentale a été confié conjointement aux parents de la jeune Ramata, celle-ci résidant chez sa mère, les quelques pièces versées en nombre insuffisant au dossier, relatives à des billets de train et à des mandats postaux représentatifs de versements effectués à l'attention de cette dernière, et ayant essentiellement trait à l'année 2010, ne permettent pas de conclure qu'il participe effectivement à l'éducation de sa fille, alors qu'il déclare ne pouvoir la rencontrer que de manière occasionnelle compte tenu de son éloignement ; qu'ainsi, compte tenu des conditions du séjour en France de l'intéressé depuis 2004, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les dispositions et stipulations sus-rappelées, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'en l'espèce, il résulte de ce qui précède que M. A vit éloigné de son enfant et qu'il n'est pas établi qu'il participe de manière effective à son éducation ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de police a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant, dès lors, que les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour prononcé par la décision du préfet de police en date du 2 juin 2010, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne saurait invoquer l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'en outre, les conclusions de sa requête et de sa demande tendant à l'annulation de cette même obligation et fondées sur la violation des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits hommes et des libertés fondamentales, et 3-1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, doivent être rejetées pour les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 2 juin 2010 est entaché d'excès de pouvoir ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1012531/12-2 du vice-président du Tribunal administratif de Paris en date du 29 septembre 2010 est annulée.

Article 2 : La demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que le surplus de ses conclusions sont rejetés.

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N° 10PA05327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA05327
Date de la décision : 30/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : BOUYSSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-05-30;10pa05327 ?
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