Vu le recours, enregistré le 18 avril 2001, présenté par le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE (direction générale des impôts) ; le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour d'annuler le jugement n° 9512949 du 6 décembre 2000, en son article 1er, par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Simar du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice 1987 et de remettre à sa charge ledit complément ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2005 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par l'article premier de son jugement qui fait l'objet de l'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, le tribunal a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société Simar au titre de la seule année 1987 ; que par la voie de l'appel incident, la société Segula Industries, venant aux droits de la société Simar à la suite de la fusion-absorption de celle-ci, conteste ledit jugement, en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés assignés à la société Simar au titre des années 1988 et 1989 ;
Sur les conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et les impositions de l'année 1987 :
En ce qui concerne la régularité des opérations de vérification de comptabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : « Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période...» ;
Considérant que lorsqu'un vérificateur adresse au contribuable dont il vérifie la comptabilité une notification de redressements à laquelle il entend attacher un caractère interruptif de prescription des impositions d'une année donnée, il doit, pour que cette notification ne puisse être également regardée comme marquant l'achèvement des opérations pour l'année considérée, soit explicitement mentionner qu'il entend les reprendre, une fois la prescription interrompue, soit à tout le moins s'abstenir de mentions ambiguës ou contradictoires de nature à induire en erreur le contribuable vérifié sur la portée de la notification et à le priver, lors de la reprise des opérations, laquelle peut intervenir sans préavis, du bénéfice effectif des garanties dont la loi entoure les vérifications de comptabilité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir régulièrement avisé la société qu'il allait vérifier sa comptabilité des années 1987, 1988 et 1989 en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA à compter du 12 octobre 1990, le vérificateur lui a adressé le 21 décembre 1990 une notification de redressements sur la première page de laquelle il a mentionné : « vous faites l'objet d'une vérification de comptabilité » et « ce contrôle est en cours et concerne les opérations figurant dans la comptabilité présentée » tandis que sur la deuxième page il mentionnait que « la présente notification vise l'exercice 1987. La vérification est en cours pour les exercices clos en 1988 et 1989 » ;
Considérant que si le caractère interruptif de prescription concernant l'année 1987 ressort clairement de la notification, celle-ci non seulement ne précise pas que le vérificateur se réserve la faculté de poursuivre le contrôle pour l'année 1987, mais encore est rédigée, ainsi qu'il résulte des mentions citées ci-dessus, de manière ambiguë de nature à induire la société en erreur sur une éventuelle reprise des opérations pour l'année 1987 ; qu'il en résulte qu'elle doit être regardée comme marquant l'achèvement de ces opérations ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que postérieurement à l'envoi de la notification du 21 décembre 1990, qui motive l'exclusion pour l'année 1987 du régime d'exonération partielle d'impôt sur les sociétés alors prévu à l'article 44 quater du code général des impôts par l'absence d'activité nouvelle et par le fait que des droits de vote au sein de la société Simar étaient détenus directement ou indirectement par d'autres sociétés, un nouveau vérificateur a exercé son droit de communication auprès d'une société Sogemi, société alors en liquidation et dont les anciens dirigeants n'étaient autres que les associés et dirigeants de la société Simar et a constaté que les deux sociétés avaient eu, pendant une période allant du 1er août 1984 au 31 décembre 1985 correspondant au début d'activité de la société Simar, la même activité, de nombreux clients communs et que la société Simar avait repris les contrats en cours de la société Sogemi ; qu'il est intervenu dans les locaux de la société Simar pour corroborer ces constatations concernant les années 1984 et 1985 et permettre à celle-ci, comme il avait l'obligation de le faire, de prendre connaissance des éléments d'information ainsi recueillis qui l'ont conduit à adresser le 24 juillet 1991 une nouvelle notification de redressements par laquelle tout en confirmant le refus contenu dans la notification du 21 décembre 1990 de laisser la société bénéficier pour l'année 1987 du régime susmentionné d'exonération d'impôt sur les sociétés, il a substitué au motif initial le motif tiré de la reprise par la société Simar d'une activité préexistante ; que de telles opérations qui, dans les circonstances de l'espèce, n'ont pas été effectuées pour les besoins de l'examen de la comptabilité de l'année 1987, ne peuvent être regardées comme constituant une nouvelle vérification de la comptabilité et des résultats de ladite année ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une violation de l'article L. 51 du Livre des procédures fiscales pour accorder à la société la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre de l'année 1987 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués par la société Simar devant le tribunal administratif en tant qu'ils concernent l'année 1987 ;
Sur le bien fondé des impositions relatives à l'exonération d'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : « les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option au régime réel d'imposition de leur résultat et répondant aux conditions prévues au 2° et 3° du II et au III de l'article 44 bis, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés, à raison des bénéfices industriels et commerciaux…» ; qu'aux termes du III de l'article 44 bis précité : «les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou par la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus…» ;
Considérant que, pour remettre en cause l'exonération d'impôt sur les sociétés dont la société Simar, créée le 1er août 1984, a bénéficié en vertu des dispositions précitées au titre de l'année 1987, l'administration s'est placée, dans la notification de redressements du 24 juillet 1991, sur le motif tiré de la reprise d'une activité préexistante, celle de la société Sogemi ; qu'un tel fondement suppose une identité d'activité se manifestant par un transfert significatif et organisé de la clientèle de l'entreprise ancienne vers l'entreprise nouvelle ou le transfert, en droit et en fait des moyens d'exploitation essentiels ou à défaut de la mise en évidence de tels transferts par l'existence de relations particulières entre les deux entreprises établies par la mise en évidence de liens juridiques ou d'une communauté d'intérêts entre ces deux entités exerçant la même activité ;
Considérant que la société Simar exerçait une activité identique à celle de la société Sogemi, à savoir la sous-traitance de travaux d'ingénierie et, qu'ainsi que l'ont noté les premiers juges, les deux sociétés étaient domiciliées à la même adresse, avaient des dirigeants communs, le même personnel étant transféré d'une société à l'autre, ces éléments mettant en évidence la communauté d'intérêts entre les deux sociétés ; que la concomitance du déclin des activités de la société Sogemi et de la croissance de celles de la société Simar n'est pas contestée et révèle le transfert organisé de la clientèle de la première vers la seconde, même si cette dernière n'a pas repris l'ensemble des contrats en cours d'exécution chez la première, et alors même qu'elle aurait réalisé, comme elle le soutient, une grande partie de son chiffre d'affaires avec des sociétés qui n'étaient pas antérieurement clientes de la société Sogemi pour les mêmes chantiers ; qu'il en résulte que la société Simar doit être regardée comme ayant été créée pour la reprise de l'activité préexistante de la société Sogemi ; qu'il suit de là que la société Simar ne pouvait prétendre à bénéficier du régime d'exonération totale, puis partielle, d'impôt sur les sociétés institué au profit des entreprises nouvelles et qu'ainsi que le demande à juste titre le ministre, il y a lieu de remettre à sa charge les compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés à ce titre ;
Sur le passif injustifié :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts « … 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt…. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. » ;
Considérant que le vérificateur, comparant le chiffre d'affaires figurant au compte de résultats de l'année 1987 et le chiffre d'affaires ressortant des déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de la même année, a constaté en premier lieu une insuffisance de TVA collectée de 115.829 F et a redressé en conséquence la société ; que, rapprochant cette insuffisance de TVA collectée du poste « TVA collectée » figurant au passif du bilan au 31 décembre 1987 pour un montant de 131 396 F, il a considéré que l'écart, soit 15 574 F, ne pouvait correspondre qu'à une TVA collectée et non déclarée au titre des années antérieures à 1987 ; qu'il a estimé que la prescription était acquise pour les années antérieures à 1987, à la date du 21 décembre 1990, date de la première notification de redressements et qu'il ne pouvait redresser cette erreur en matière de TVA ; qu'il en a déduit que cette dette de TVA, prescrite à ses yeux, ne pouvait être maintenue au bilan de clôture des années antérieures à 1987 et a donc redressé à hauteur de 15 574 F le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre du premier exercice non prescrit, correspondant à l'année 1987 ;
Considérant d'une part, que l'administration a soutenu sans être contestée que ce chef de redressement a été accepté par la société dans sa réponse du 25 janvier 1991 à la notification du 21 décembre 1990 ; d'autre part, que s'agissant d'une écriture de passif, il appartient à la société de justifier l'existence de la dette que cette écriture retrace ;
Considérant que la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'une dette de TVA de 15 574 F devait être maintenue à son bilan au 31 décembre 1987 en se bornant à soutenir que la prescription de cette dette de TVA n'était pas encore acquise au 31 décembre 1987 ;
Sur les conclusions d'appel incident de la société :
Considérant que l'appel du ministre ne portant que sur l'année 1987, les conclusions de la société Simar tendant à l'infirmation du jugement attaqué en tant qu'il lui a refusé le bénéfice du régime d'exonération des entreprises nouvelles pour les années 1988 et 1989, soulèvent un litige distinct de celui sur lequel porte l'appel du ministre et, présentées après l'expiration du délai d'appel, sont par suite irrecevables ; qu'elles doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 6 décembre 2000 est annulé.
Article 2 : Les compléments d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1987 issus des redressements relatifs à l'exonération d'impôt sur les sociétés ainsi qu'au passif injustifié, mis à la charge de la société Simar, aux droits et obligations de laquelle vient la société Segula Industries sont remis à sa charge.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la société Simar sont rejetées.
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N° 01PA01372