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18/01/2001 | FRANCE | N°96PA03474

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 18 janvier 2001, 96PA03474


(2ème chambre B)
VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 4 novembre 1996 et 3 février 1997 au greffe de la cour, présentés pour M. Alain X..., demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9309174/2 en date du 14 mai 1996 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985, dans les rôles de la ville de Paris, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2

) de le décharger des impositions contestées ;
3 ) de prononcer le sursis ...

(2ème chambre B)
VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 4 novembre 1996 et 3 février 1997 au greffe de la cour, présentés pour M. Alain X..., demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9309174/2 en date du 14 mai 1996 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985, dans les rôles de la ville de Paris, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2 ) de le décharger des impositions contestées ;
3 ) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2001 :
- le rapport de M. HEU, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a adressé à M. X..., sur le fondement de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, des demandes de justifications en date des 17 octobre 1986, 22 octobre 1986 et 27 novembre 1986, au titre respectivement des années 1983, 1984 et 1985, portant, d'une part, sur des crédits bancaires d'origine inexpliquée et, d'autre part, sur le solde créditeur d'une balance de trésorerie dont les éléments de calcul étaient, pour chacune des années d'imposition, mentionnés ; que les 6 et 25 novembre 1986, le vérificateur a renouvelé ses demandes en modifiant les balances de trésorerie qu'il avait précédemment établies au titre respectivement des années 1983 et 1984 ; qu'enfin, par une demande en date du 20 juillet 1987, estimant que les éléments produits par le contribuable en réponse à la demande susmentionnée du 27 novembre 1986 relative à l'année 1985 étaient insuffisants, l'agent l'a mis en demeure d'apporter des éléments de réponse supplémentaire et a, pour tenir compte des mouvements de fonds inscrits sur un compte bancaire dont le contribuable n'avait pas indiqué l'existence, modifié la balance de trésorerie qui avait été établie au titre de ladite année ; qu'après déduction de certaines ressources pour lesquelles les justifications apportées par M. X... ont été estimées suffisantes par le service, le contribuable a été taxé d'office en application de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ; que, par la présente requête, il fait appel du jugement en date du 14 mai 1996 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985, ainsi que des pénalités pour mauvaise foi y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que, pour demander la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il demeure assujetti, au titre des années 1983, 1984 et 1985, en conséquence de la taxation d'office de revenus ainsi regardés comme d'origine indéterminée, M. X... soutient que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité résultant de ce que, d'une part, l'administration, n'ayant selon lui pas réuni les éléments lui permettant d'établir qu'il avait pu disposer de revenus excédant ceux qu'il avait déclarés, ne pouvait, par suite, lui adresser des demandes de justifications, au titre des années d'imposition en cause, sur le fondement de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, et de ce que, d'autre part, compte tenu des réponses qu'il avait apportées au vérificateur, celui-ci n'était pas en droit de recourir à la procédure de taxation d'office ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; qu'en vertu de l'article L.69 du même livre, l'administration peut taxer d'office à l'impôt sur le revenu le contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications prévues à l'article L.16 ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment des demandes de justifications adressées au contribuable que le vérificateur a interrogé celui-ci sur l'origine et la nature de crédits bancaires portés sur divers comptes ouverts en son nom et qu'au titre des années 1983 et 1984, les comptes bancaires de M. X... avaient été crédités de sommes excédant le double de ses revenus déclarés ; qu'en revanche, il ressort de la demande de justifications susmentionnée en date du 27 novembre 1986, complétée par une demande en date du 20 juillet 1987, qu'au titre de l'année 1985 les crédits bancaires d'origine injustifiée sur lesquels le vérificateur a interrogé le contribuable s'élevaient à la somme globale de 277.545 F alors qu'il n'est pas contesté que les revenus déclarés par lui au titre de la même année s'élevaient à 413.730 F ; qu'ainsi, le total des crédits bancaires d'origine inexpliquée était inférieur au double des revenus déclarés par M. X... ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit de lui adresser sur ce point une demande de justification en application des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et n'a pu, à l'issue de cette procédure, régulièrement inclure dans les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu du contribuable une somme de 257.545 F correspondant au montant des crédits bancaires demeuré selon elle inexpliqué ; que, dès lors, il y a lieu de prononcer la réduction, à due concurrence de la somme susindiquée de 257.545 F, des bases d'imposition assignés au titre de l'année 1985 à M. X... et d'ordonner la décharge des impositions, en droits et pénalités, en résultant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a également, dans ses demandes de justifications, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, interrogé M. X... sur l'existence, entre ses disponibilités employées et ses disponibilités dégagées au titre des années 1983, 1984 et 1985 de soldes créditeurs inexpliqués, qui s'élevaient aux montants respectifs de 871.071 F, 895.046 F et 472.200 F, lesquels, ne résultant pas pour l'essentiel de l'évaluation forfaitaire, et par suite relativement approximative, du train de vie en espèces du foyer du requérant, étaient suffisamment importants pour autoriser l'administration, ainsi qu'elle est recevable à le soutenir pour la première fois en appel, à demander à l'intéressé d'apporter à leur sujet les justifications nécessaires ; que, s'il résulte des balances globales de trésorerie produites par le service, lesquelles n'ont donné lieu à aucune contestation précise de la part de M. X..., que, comme le fait valoir celui-ci, les soldes créditeurs subsistants ont été notablement réduits après que le service eut opéré des rectifications pour prendre en compte les justifications qu'il avait apportées, cette circonstance est sans incidence sur la régularité des demandes de justifications qui ont été sur ce point valablement adressées au contribuable en application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient que l'administration n'était pas en droit de recourir à la procédure de taxation d'office dès lors que, les demandes de justifications portant sur de nombreux points sur lesquels il lui était difficile d'obtenir notamment auprès des établissements bancaires et par suite de communiquer au vérificateur les éléments de réponse dans les délais requis, les réponses qu'il a apportées ne pouvaient être regardées comme équivalant à un défaut de réponse ; que, cependant, si en réponse aux demandes de justifications en date des 17 octobre, 22 octobre et 27 novembre 1986, portant respectivement sur les années 1983, 1984 et 1985, le contribuable a produit des éléments d'information permettant d'expliquer l'origine de certaines sommes et si, après que le vérificateur lui eut adressé des mises en demeure en date des 31 et 20 juillet 1987 pour les années 1984 et 1985, il a ultérieurement apporté des compléments d'information, il résulte de l'instruction que l'intéressé, qui a ainsi disposé de délais suffisants pour effectuer les recherches nécessaires, n'a pas apporté au service d'éléments suffisamment précis ou vérifiables concernant la fraction demeurant encore inexpliquée des soldes des balances de trésorerie, notamment quant au règlement en espèces d'une partie du prix d'achat d'un véhicule en août 1983, aux conditions d'acquisition de parts sociales de l'établissement commercial "Café du Métro", aux frais de nourriture du personnel de cet établissement dont il soutient que la charge était assurée en espèces, au train de vie en espèces de son foyer et aux revenus qui auraient été tirés de la location d'un bateau lui appartenant ; qu'il doit, dans ces conditions, être regardé comme s'étant abstenu dans cette mesure de répondre aux demandes de justifications ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous réserve de ce qui a été dit ci-dessus en ce qui concerne la taxation au titre de l'année 1985 des crédits bancaires demeurés selon le service inexpliqués, M. X... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement taxé d'office et que la charge de prouver le bien-fondé des impositions demeurant en litige incomberait à l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions demeurant en litige :
Considérant, en premier lieu, que pour justifier de l'absence prétendue de paiement effectif de la somme de 140.000 F correspondant à l'acquisition par lui de parts sociales de l'établissement commercial exploité sous l'enseigne "Café du Métro", M. X... se borne à soutenir qu'un tel non paiement répondrait à des pratiques admises pour ce type d'établissement familial et à produire une attestation sur l'honneur au terme de laquelle le prix n'aurait pas été réglé ; que, toutefois, alors qu'il n'est pas contesté par le requérant qu'un extrait d'acte en date du 2 décembre 1983 fait mention de cessions de parts entièrement libérées, l'affirmation selon laquelle le non-paiement du prix de cession d'une fraction du capital social d'un établissement commercial serait conforme à des usages applicables en cas de cession d'entreprises exploitées dans un cadre "familial", est purement gratuite et dépourvue de tout caractère sérieux ; qu'en outre, l'attestation dont s'agit, datée du 24 septembre 1989 et signée par l'intéressé lui-même, est dénuée de toute valeur probante ;

Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient que le véhicule de marque "Jaguar" qu'il a acheté le 19 août 1983 pour un prix total de 238.051 F a été financé en espèces à concurrence de la somme de 138.051 F, obtenue à hauteur de 100.000 F par voie de retrait d'espèces effectué le 15 mars 1983 depuis l'un de ses comptes bancaires ; que, toutefois, compte tenu du décalage dans le temps existant entre le retrait de cette somme et la date de facturation du véhicule, et en l'absence d'aucun élément de preuve susceptible d'établir une corrélation certaine entre ce retrait et le règlement du prix, l'argumentation de M. X... ne peut qu'être rejetée ; que l'assertion par ailleurs selon laquelle une somme perçue en espèces à raison de la vente d'une autre automobile lui appartenant, aurait été affectée au paiement d'une partie du prix du véhicule ici en cause, doit également être écartée, faute d'être appuyée de tout justificatif ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X... prétend qu'une somme de 212.750 F devrait être extournée du solde inexpliqué retenu par le service au titre de l'année 1985, dès lors qu'elle est le produit de l'exploitation commerciale d'un bateau lui appartenant et ayant son port d'attache en Méditerranée ; que, cependant, en se bornant, d'une part, à produire une déclaration de résultats qui n'a été souscrite que le 25 octobre 1989 ainsi que des documents comptables et une attestation établie le 12 novembre 1996 par son comptable ne faisant état d'une activité commerciale de location de bateaux, dans le cadre au demeurant d'une société en nom collectif
X...
et Cie, que pour des années autres que celle en litige et, en invoquant, d'autre part, comme il l'a fait devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les négligences de son avocat, le requérant ne peut être regardé comme produisant des éléments de nature à justifier son assertion ;
Considérant, en quatrième lieu, que si M. X... soutient que l'inscription dans la comptabilité de l'établissement "Café du Métro" des apports en nourriture assurés au personnel contribue à minorer à due concurrence les prélèvements évalués par le service à 41.040 F, 58.710 F et 43.557 F, au titre respectivement des années 1983, 1984 et 1985, il n'apporte aucun élément de nature à établir que cette évaluation serait entachée d'une erreur quelconque ;
Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'en se bornant, pour constater l'évaluation faite par l'administration de son train de vie en espèces et de celui de sa famille au titre des années en litige, à faire valoir, par voie d'affirmation générale, qu'elle aurait été effectuée "sans aucun détail permettant la discussion" et que l'augmentation admissible d'une année sur l'autre devrait être limitée à un taux d'inflation de 10 %, M. X... n'établit pas le caractère exagéré de cette évaluation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition demeurant en litige ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant que l'administration, en faisant seulement état de l'écart important existant entre les revenus déclarés par l'intéressé et les sommes dont il a eu la disposition pour l'ensemble de la période vérifiée et de l'absence de justification de l'origine des revenus litigieux, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la mauvaise foi de M. X... ; qu'il y a lieu, en conséquence, de décharger M. X... des pénalités pour mauvaise foi auxquelles il a été assujetti et d'y substituer, dans la limite de leur montant, les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts ;
Sur la demande de compensation présentée par l'administration :
Considérant que, si l'administration a dans son mémoire en défense demandé, pour la première fois en appel ainsi qu'il lui est loisible de le faire, le bénéfice de la compensation prévue par l'article L.203 du livre des procédures fiscales, entre les dégrèvements qui seraient éventuellement prononcés par la cour et la réduction indue dont le requérant aurait bénéficié, pour un montant en droits et pénalités avancé de 168.101 F, du fait d'une erreur entachant le calcul des droits devant demeurer à sa charge, elle n'a apporté aucune précision ultérieure permettant à la cour d'apprécier si et au titre de quelle année le calcul des impositions auquel elle a procédé ou des dégrèvements qu'elle a prononcés en cours d'instruction auraient effectivement entraîné une insuffisance d'imposition au bénéfice de M. X... ; que cette demande de compensation ne peut, dans ces conditions, qu'être écartée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des droits résultant de l'inclusion dans ses bases d'imposition de l'année 1985 d'une somme de 257.545 F, ainsi que des pénalités pour mauvaise foi ;
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu assignées à M. X... au titre de l'année 1985 sont réduites d'une somme de 257.545 F correspondant à l'inclusion dans celles-ci des crédits bancaires demeurés selon le service inexpliqués.
Article 2 : M. X... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Dans la limite des pénalités pour mauvaise foi dont ont été assortis les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985, les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts sont substitués auxdites pénalités.
Article 4 : Le jugement n 9309174/2 du tribunal administratif de Paris en date du 14 mai 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 : La demande de compensation présentée par l'administration est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA03474
Date de la décision : 18/01/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE (OU ESFP)


Références :

CGI 1727
CGI Livre des procédures fiscales L16, L69, L203


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. HEU
Rapporteur public ?: Mme KIMMERLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2001-01-18;96pa03474 ?
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