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29/02/2000 | FRANCE | N°98PA02300;98PA02383

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 29 février 2000, 98PA02300 et 98PA02383


(1ère chambre A)
VU I), la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour les 9 juillet 1998, 23 octobre 1998 et 23 février 1999 sous le n 98PA02300, présentés pour la COMMUNE D'ARGENTEUIL, par la SELARL MONTFORT MONIN BERTHAULT, avocat ; la commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96418 en date du 20 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la SNCF la somme de 956.988, 60 F, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1996, au titre de la contravention de grande voirie ayant f

ait l'objet du procès-verbal dressé à son encontre le 12 janvier 1993...

(1ère chambre A)
VU I), la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour les 9 juillet 1998, 23 octobre 1998 et 23 février 1999 sous le n 98PA02300, présentés pour la COMMUNE D'ARGENTEUIL, par la SELARL MONTFORT MONIN BERTHAULT, avocat ; la commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96418 en date du 20 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la SNCF la somme de 956.988, 60 F, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1996, au titre de la contravention de grande voirie ayant fait l'objet du procès-verbal dressé à son encontre le 12 janvier 1993 ;
2 ) de rejeter le déféré préfectoral présenté devant le tribunal administratif tendant à ce qu'elle soit condamnée à rembourser les frais avancés par la SNCF pour la remise en état des installations ferroviaires endommagées ;
3 ) de la mettre hors de cause ;
4 ) de condamner les parties intimées à lui payer la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU II), enregistré le 17 juillet 1998 sous le n 98PA02383, le recours présenté pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement n 96418 en date du 20 mai 1998 du tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il relaxe la commune de Sannois des fins de la poursuite et en tant qu'il rejette les demandes du préfet du Val d'Oise et de la SNCF tendant à ce qu'il soit prescrit à la commune d'Argenteuil de déposer la canalisation litigieuse ou d'autoriser la SNCF à le faire aux frais avancés de cette commune ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de procédure pénale ;
VU la loi du 29 floréal an X ;
VU la loi du 15 juillet 1845 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 15 février 2000 :
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller,
- les observations de Me MONIN X..., avocat, pour la COMMUNE D'ARGENTEUIL,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la requête de la COMMUNE D'ARGENTEUIL et le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la COMMUNE D'ARGENTEUIL demande l'annulation des articles 2 et 3 du jugement en date du 20 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Versailles, d'une part, l'a condamnée à verser à la SNCF une somme de 956.988, 60 F, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1996, en remboursement des frais avancés par cet établissement pour la remise en état du domaine public ferroviaire endommagé par le glissement de terrain qui a fait l'objet d'un procès-verbal de contravention de grande voirie daté du 12 janvier 1993 dressé à son encontre, d'autre part, a relaxé la commune de Sannois des fins de la poursuite intentée contre elle au titre de la même infraction ; que le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est dirigé contre ce même article 3 du jugement contesté prononçant la relaxe de la commune de Sannois ainsi que contre son article 4, en tant que ce dernier rejette les conclusions du préfet du Val d'Oise, auxquelles la SNCF intervenante s'est associée, tendant à ce que les deux communes contrevenantes soient condamnées, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard, à enlever la canalisation d'eaux pluviales implantée sans autorisation par la COMMUNE D'ARGENTEUIL, afin de recueillir les eaux pluviales ruisselant sur une portion de la rue de Bellevue mitoyenne des communes d'Argenteuil et de Sannois, dans la partie du talus surplombant la voie 1 de la ligne Argenteuil-Champs-de-Mars qui s'est effondrée le 12 janvier 1993 et, en cas de maintien de l'occupation sans titre du domaine public, à ce que la SNCF soit autorisée à procéder elle-même à la dépose de la canalisation aux frais avancés des deux communes ;
Sur les fins de non recevoir opposées par la COMMUNE D'ARGENTEUIL au recours du ministre :
Considérant que le recours du ministre, qui n'a pas été provoqué par la communication à ses services par le greffe de la cour de la requête de la COMMUNE D'ARGENTEUIL, a le caractère d'un appel principal ; que la COMMUNE D'ARGENTEUIL ne saurait donc faire valoir utilement que l'appel incident est irrecevable en matière de contravention de grande voirie ; que, par ailleurs, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre n'est pas recevable à demander au juge administratif, qui dispose du pouvoir lui permettant de prescrire toutes mesures nécessaires pour assurer la réparation du dommage subi, de lui ordonner d'enlever la canalisation installée sans autorisation sur le domaine public ferroviaire et d'autoriser la SNCF à faire procéder, si nécessaire, à la dépose de la canalisation aux frais avancés de la contrevenante ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R.200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les jugements et arrêts mentionnent que l'audience a été publique. Ils contiennent les noms et conclusions des parties, les visas des pièces et des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font l'application. Mention y est faite que le rapporteur et le commissaire du Gouvernement et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ... ont été entendus. Ils sont motivés ..." ; que la COMMUNE D'ARGENTEUIL n'établit pas que le jugement attaqué omettrait de mentionner la présence d'une partie ayant présenté des observations orales à l'audience ; qu'il ressort des visas manuscrits de la minute du jugement contesté que les mémoires déposés les 7 et 19 février 1998 pour la commune requérante ainsi que celui produit le 8 janvier 1998 pour la commune de Sannois ont été visés, contrairement aux allégations de la COMMUNE D'ARGENTEUIL ; que celle-ci n'est pas non plus fondée à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que l'article L.13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dispose que "dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, ... le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal ..." ; que si les deux procès-verbaux de contravention de grande voirie dressés le 12 janvier 1993 ont été notifiés, pour celui établi à son encontre, le 30 novembre 1995 à la COMMUNE D'ARGENTEUIL et, pour le second, le 18 décembre 1995 à la commune de Sannois, le délai de dix jours prévu par les dispositions précitées n'est pas prescrit à peine de nullité ; qu'ainsi, les premiers juges ont écarté à juste titre la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE D'ARGENTEUIL au déféré du préfet du Val d'Oise et tirée d'une prétendue tardiveté provoquée par le dépassement de ce délai ;
Considérant, par ailleurs, que la prescription de l'action publique en matière de contravention de grande voirie résultant de l'article 9 du code de procédure pénale ne s'applique pas, en raison de l'imprescriptibilité du domaine public, à la réparation des dommages causés à ce domaine, laquelle a, seule, fait l'objet de la condamnation prononcée par le jugement attaqué ;
Sur le bien-fondé des poursuites :

Considérant que, par deux procès-verbaux de contravention de grande voirie dressés le 12 janvier 1993 à l'encontre des communes d'ARGENTEUIL et de Sannois, un agent assermenté de la SNCF a imputé le déraillement d'un train, survenu le même jour au point kilométrique 23.585 de la ligne Argenteuil-Champs-de-Mars, à l'effondrement sur la voie des terres du talus provoqué par la rupture d'une canalisation recueillant des eaux pluviales provenant des communes d'ARGENTEUIL et de Sannois et a attribué à ces dernières la responsabilité d'un "déversement illicite d'eaux pluviales canalisées sur le domaine public ferroviaire entraînant une menace sérieuse pour l'intégrité dudit domaine public et infraction aux dispositions de la loi du 29 floréal an X rendue applicable aux chemins de fer par la loi du 15 juillet 1845" ; qu'il ressort des autres pièces du dossier que les eaux de ruissellement qui sont à l'origine du sinistre étaient recueillies dans deux bouches d'égout situées, de part et d'autre de la chaussée, respectivement sur le territoire de la COMMUNE D'ARGENTEUIL et sur celui de la commune de Sannois, à l'extrémité ouest du pont par lequel la rue de Bellevue, limitrophe des deux communes concernées, enjambe la tranchée de chemin de fer, puis dirigées vers le caniveau à dalots longeant la voie ferrée par une conduite implantée sans autorisation par la COMMUNE D'ARGENTEUIL dans le talus de la voie ; que, d'après le rapport en date du 6 avril 1993 des services techniques de la COMMUNE D'ARGENTEUIL, les bouches d'égout n'ont pas pu absorber le volume d'eau généré par les fortes pluies de la veille et de la nuit précédant le glissement de terrain, le trop-plein s'écoulant directement sur le talus ; qu'il n'est pas allégué que ces précipitations constituaient un cas de force majeure ;

Considérant que, à supposer même établi le défaut d'entretien par la SNCF du talus dans lequel était implantée la canalisation d'eaux pluviales ainsi que du caniveau à dalots longeant la voie ferrée dans lequel elle se jetait, lesquels constituent des ouvrages appartenant au domaine public ferroviaire, il incombait aux communes responsables de l'assainissement de la rue de Bellevue d'assurer le bon fonctionnement de tous les éléments du dispositif d'évacuation des eaux pluviales ; que, par ailleurs, la COMMUNE D'ARGENTEUIL ne produit aucune pièce justifiant d'exigences précises que la SNCF lui aurait, selon elle, imposées pour l'installation de la canalisation sur le talus, alors qu'il est constant qu'elle ne dispose d'aucune autorisation à cette fin d'occupation du domaine public ferroviaire ; que la circonstance que la direction départementale de l'équipement du Val d'Oise serait affectataire d'un terrain appartenant à l'Etat dépourvu d'un réseau d'assainissement autonome, dont les eaux de ruissellement auraient contribué à saturer le dispositif d'évacuation des eaux lors des fortes précipitations ayant précédé le glissement de terrain, ne peut être regardée comme ayant mis les communes d'ARGENTEUIL et de Sannois dans l'impossibilité de prendre les mesures propres à éviter tout dommage au domaine public ferroviaire ; qu'ainsi, le sinistre ayant affecté ce dernier le 12 janvier 1993 n'est pas imputable, de façon exclusive, à un fait de la SNCF ou de l'Etat assimilable à un cas de force majeure de nature à exonérer les communes d'ARGENTEUIL et de Sannois de leur responsabilité ; que les insuffisances du dispositif d'évacuation des eaux pluviales utilisé à la fois par la COMMUNE D'ARGENTEUIL et par celle de Sannois, à laquelle il incombait d'assurer le bon fonctionnement de la bouche d'égout située sur son territoire, sont à l'origine des dommages causés au domaine public ferroviaire et constituent donc une contravention de grande voirie imputable à ces deux collectivités ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'ARGENTEUIL n'est pas fondée à demander à être relaxée des fins de la poursuite ; que, cependant, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a prononcé la relaxe de la commune de Sannois ; que les deux communes contrevenantes doivent être condamnées conjointement et solidairement à verser à la SNCF la somme de 956.988,60 F, dont le montant n'est pas contesté, assorti des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1996, en remboursement des frais avancés par la SNCF pour la remise en état des installations ferroviaires fixes endommagées par le glissement de terrain du 12 janvier 1993 ;
Sur les conclusions du recours du ministre tendant à la dépose de la canalisation :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la canalisation provisoire posée aussitôt après le glissement de terre du 12 janvier 1993 par les services techniques de la COMMUNE D'ARGENTEUIL à la place de l'ancienne conduite qui avait éclaté lors de ce sinistre, s'est révélée insuffisante dès octobre 1993, un nouvel éboulement s'étant produit à la suite de fortes pluies ; qu'il ne ressort pas du dossier que, depuis cette date, les communes d'ARGENTEUIL et de Sannois aient mis en place un nouveau dispositif d'évacuation des eaux pluviales ruisselant sur le secteur concerné de la rue de Bellevue capable de faire cesser les fuites qui menacent l'intégrité du domaine public ferroviaire ; que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal de Versailles a rejeté les conclusions du préfet du Val d'Oise, auxquelles la SNCF intervenante s'était associée, tendant à ce que les communes d'ARGENTEUIL et de Sannois soient condamnées à enlever la canalisation indûment implantée sur ce domaine, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard, et à ce que la SNCF soit autorisée à procéder à cet enlèvement aux frais et risques des communes contrevenantes, en cas de persistance de l'occupation sans titre du domaine public ferroviaire ; qu'il convient de faire droit à ces conclusions du ministre ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle, d'une part, à ce que l'Etat et la SNCF, qui ne sont pas, dans l'instance n 98PA02300, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la COMMUNE D'ARGENTEUIL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, d'autre part, à ce que la COMMUNE D'ARGENTEUIL et l'Etat soient solidairement condamnés à verser à la commune de Sannois une somme de 20.000 F au même titre, enfin, à ce que l'Etat soit, dans le cadre de l'instance n 98PA02383, condamné à verser à la COMMUNE D'ARGENTEUIL une somme de 10.000 F et à la commune de Sannois une somme de 20.000 F au titre des frais irrépétibles engagés par elles dans cette seconde instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Sannois à payer à la COMMUNE D'ARGENTEUIL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle dans l'instance n 98PA02300 et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les communes d'Argenteuil et de Sannois sont solidairement condamnées à verser à la SNCF la somme de 956.988, 60 F, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1996 et à enlever du domaine public ferroviaire la canalisation dont s'agit, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. La SNCF est autorisée, en cas de persistance de l'occupation sans titre du domaine public ferroviaire au-delà de l'expiration de ce délai, à procéder elle-même à la dépose de la canalisation aux frais avancés des communes contrevenantes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 20 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE D'ARGENTEUIL et de la commune de Sannois est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA02300;98PA02383
Date de la décision : 29/02/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

24-01-03-01 DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - PROTECTION DU DOMAINE - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE


Références :

Code de procédure pénale 9
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R200, L13, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme LASTIER
Rapporteur public ?: Mme MASSIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-02-29;98pa02300 ?
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