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12/11/1999 | FRANCE | N°96PA01124

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 12 novembre 1999, 96PA01124


(3ème Chambre A)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 avril 1996, présentée pour Mme Annie X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; Mme CANDELIER demande à la cour d'annuler le jugement n 95-3612 du 11 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de Seine-et-Marne en date du 12 juin 1992 autorisant la société Lehrer Mac Govern Bovis à la licencier pour motif économique ; Mme CANDELIER soutient que la compétence territoriale du tribunal administratif de Ver

sailles pour juger du présent litige n'est pas certaine ; qu'en ...

(3ème Chambre A)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 avril 1996, présentée pour Mme Annie X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; Mme CANDELIER demande à la cour d'annuler le jugement n 95-3612 du 11 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de Seine-et-Marne en date du 12 juin 1992 autorisant la société Lehrer Mac Govern Bovis à la licencier pour motif économique ; Mme CANDELIER soutient que la compétence territoriale du tribunal administratif de Versailles pour juger du présent litige n'est pas certaine ; qu'en rejetant la requête, le tribunal administratif est allé au delà de la question préjudicielle dont il était saisi ; que le licenciement contesté ne constituant pas un licenciement collectif, c'est en méconnaissance de l'article R.436-1 du code du travail et de la double protection dont bénéficie le salarié protégé que l'entretien préalable n'a pas eu lieu avant la présentation de la demande de licenciement ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du travail;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 29 octobre 1999 :
- le rapport de M. DEMOUVEAUX, premier conseiller,
- les observations du cabinet Y..., avocat, pour Mme CANDELIER et celles de la SCP DUCLOS-THORNE-MOLLET-MEVILLE et associés, avocat, pour la société Lehrer Mac Gouern,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Sur la compétence du tribunal administratif de Versailles pour connaître de la demande de Mme CANDELIER :
Considérant qu'aux termes de l'article R.54 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel : "Les litiges relatifs aux législations régissant ... la règlementation du travail, ainsi que la protection ou la représentation des salariés ..., relèvent, lorsque la décision n'a pas un caractère règlementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve ... l'établissement ou l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'implantation de la société LEHRER MAC GOVERN BOVIS, sise à Chessy-Montevrain sur le chantier du parc Eurodisney, pouvait, eu égard à son autonomie par rapport au siège social de l'entreprise, être regardée comme un établissement au sens des dispositions précitées ; que la demande d'autorisation de licenciement préalable au licenciement de Mme CANDELIER et la lettre lui notifiant son licenciement ont été adressées par le directeur général de la société domicilié à l'établissement de Chessy ; que, par suite, le tribunal administratif de Versailles était territorialement compétent pour connaître du litige né des décisions administratives prises en réponse à la demande de la société ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la juridiction administrative est tenue de se prononcer sur les questions préjudicielles qui lui sont renvoyées par l'autorité judiciaire, sauf au cas où elle serait elle-même incompétente pour connaître de la question soumise à son examen ; qu'en l'espèce, le tribunal administratif de Versailles, qui a interprêté la demande présentée par Mme Candelier comme tendant uniquement à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 juin 1992, a rejeté ladite demande sans apporter de réponse expresse à la question préjudicielle qui lui était également soumise ; que le jugement attaqué doit être annulé comme irrégulier en tant qu'il ne contient pas cette réponse ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la recevabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant que ni l'arrêté attaqué, ni la lettre de notification en date du 12 juin 1992 ne comportaient l'indication des voies et délais de recours prévue par les dispositions précitées ; que, par suite, les délais de recours n'ayant jamais commencé de courir, la demande de Mme CANDELIER n'est entachée d'aucune forclusion ;
En ce qui concerne le fond et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L.122-14 du code du travail : "L'employeur ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation ... Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié ... Les dispositions des alinéas qui précèdent ne sont pas applicables en cas de licenciement pour motif économique de dix salariés et plus dans une période de trente jours lorsqu'il existe un comité d'entreprise ou des délégués du personnel dans l'entreprise" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société LEHRER MAC GOVERN BOVIS a convoqué Mme CANDELIER, conseiller prud'homal, à un entretien préalable prévu pour le 18 juin 1992, en vue de son licenciement ; que cet entretien était postérieur à la demande d'autorisation de licenciement de l'intéressée, faite auprès de l'inspection du travail par un courrier en date du 5 mai 1992 ; qu'ainsi la procédure de licenciement est intervenue en violation des dispositions précitées de l'article L.122-14 premier alinéa;
Considérant que, pour leur défense, la société LEHRER MAC GOVERN BOVIS et le ministre font valoir que la demande de licenciement concernant Mme CANDELIER s'inscrivait dans le cadre d'un projet de licenciement pour motif économique concernant quarante-trois salariés et que, par suite, en application du dernier alinéa de l'article L.122-14 du code du travail, les dispositions du premier alinéa de ce même article ne lui étaient pas applicables ; que si, toutefois, une première demande d'autorisation de licenciement a été effectivement présentée pour Mme CANDELIER le 3 janvier 1992 dans le cadre de ce projet de licenciement collectif, la demande a été implicitement rejetée le 3 mai 1992 ; que si une seconde demande concernant Mme CANDELIER a été présentée le 5 mai 1992, l'expiration à cette date du délai de trente jours prévu par les dispositions de l'article L.122-16 dernier alinéa et courant à compter du 2 décembre 1991, date de la consultation du comité d'entreprise, s'opposait à ce que le salarié concerné pût être regardé comme à nouveau inclus dans le licenciement collectif ayant fait l'objet de cette consultation ; que les dispositions de l'article L.122-16 dernier alinéa n'étaient, par suite, pas applicables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la procédure de licenciement de Mme CANDELIER était irrégulière et que l'autorité administrative était tenue, pour ce seul motif, de refuser l'autorisation de licenciement demandée ;
Considérant que Mme CANDELIER a saisi le tribunal administratif, d'une part, d'une demande d'appréciation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail de Seine-et-Marne en date du 12 juin 1992 en exécution d'une question préjudicielle posée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt en date du 10 mai 1995 et, d'autre part, d'une demande d'annulation de la même décision ; qu'en conséquence, il y a lieu pour la cour de déclarer illégale la décision attaquée et d'en prononcer l'annulation ; que la requérante est, en conséquence, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 11 janvier 1996 est annulé.
Article 2 : Il est déclaré que la décision en date du 12 juin 1992 par laquelle l'inspecteur du travail de Seine et Marne a autorisé la société Lehrer Mac Govern Bovis à licencier pour motif économique Mme CANDELIER est entachée d'illégalité.
Article 3 : La décision susvisée en date du 12 juin 1992 est annulée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01124
Date de la décision : 12/11/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - PROCEDURE PREALABLE A L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE - ENTRETIEN PREALABLE


Références :

Arrêté du 12 juin 1992
Code du travail L122-14, L122-16


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DEMOUVEAUX
Rapporteur public ?: Mme HEERS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-11-12;96pa01124 ?
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