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29/10/1998 | FRANCE | N°97PA01122

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 29 octobre 1998, 97PA01122


(2ème Chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 5 mai 1997, la requête présentée pour la société FIAT AUTO SPA, dont le siège social est situé Corso Agnelli 200, Torino, Italie, par Me X..., avocat ; la société FIAT AUTO SPA demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9303032/1 en date du 7 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de paiement d'intérêts moratoires sur une somme de 325.526 F correspondant à un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'année 1989, de majoration d

esdits intérêts moratoires d'intérêts et de versement d'une somme de 5.00...

(2ème Chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 5 mai 1997, la requête présentée pour la société FIAT AUTO SPA, dont le siège social est situé Corso Agnelli 200, Torino, Italie, par Me X..., avocat ; la société FIAT AUTO SPA demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9303032/1 en date du 7 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de paiement d'intérêts moratoires sur une somme de 325.526 F correspondant à un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'année 1989, de majoration desdits intérêts moratoires d'intérêts et de versement d'une somme de 5.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) de lui accorder le paiement de ces intérêts moratoires du 8 juin 1990 au 2 septembre 1991, ainsi que les intérêts de ces intérêts ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la huitième directive n 79/1072/CEE du Conseil des communautés européennes du 6 décembre 1979 ;
VU le code civil ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 1998 :
- le rapport de M. MORTELECQ, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société FIAT AUTO SPA a présenté le 8 juin 1990, en application des dispositions des articles 242-O-M à 242-O-T de l'annexe II au code général des impôts relatives au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis établis hors de France, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'année 1989 s'élevant à la somme de 7.980.956,73 F ; qu'à défaut de décision à l'expiration du délai de six mois imparti à l'administration par l'article R.198-10 du livre des procédures fiscales pour statuer sur les réclamations, elle a, par une instance enregistrée sous le n 9011035/1, saisi le tribunal administratif de Paris le 19 décembre 1990 afin d'obtenir la restitution de cette somme ; que l'administration a fait droit à cette demande de remboursement par une première décision du 12 février 1991 à concurrence de 7.654.891,29 F, puis, par une seconde décision du 4 juillet 1991, après production le 12 avril 1991 des originaux des factures correspondantes, à concurrence de la somme de 325.526,04 F restituée le 2 septembre suivant ; que, par une réclamation du 18 juin 1992, la société FIAT AUTO SPA a demandé le paiement d'intérêts moratoires sur cette somme de 325.526,04 F et, en l'absence de réponse, saisi du litige le tribunal, le 9 mars 1993, par une instance enregistrée sous le n 9303032/1 ; que, par la présente requête, elle fait appel du jugement du 7 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande et demande à la cour de lui accorder le paiement des intérêts moratoires du 8 juin 1990 au 2 septembre 1991 ainsi que les intérêts de ces intérêts ;
Considérant que si, dans le jugement contesté, le tribunal administratif s'est fondé, pour refuser, par voie de conséquence, à la société FIAT AUTO SPA les intérêts moratoires et les intérêts sur ceux-ci qu'elle sollicitait, sur un précédent jugement rendu par lui le 5 mai 1994 rejetant la demande de remboursement du crédit de taxe d'un montant de 325.526,04 F pour défaut de production des originaux des factures, il est constant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que cette somme a été restituée à la requérante le 2 septembre 1991, au cours de l'instance n 90/11035-1 engagée par elle à cette fin, après qu'elle ait produit le 12 avril 1991 les originaux des factures ; que la société FIAT AUTO SPA est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, pour le motif qu'il a retenu, le tribunal lui a refusé le versement des intérêts ; qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués devant elle ;
Sur le droit à intérêts moratoires :
Considérant qu'aux termes de l'article L.208 du livre des procédures fiscales : "Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impo-sitions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ..." ;

Considérant que, pour s'opposer à la demande de la société FIAT AUTO SPA, qui fait valoir que le remboursement, accordé dans le cadre d'une instance contentieuse, présente le caractère d'un dégrèvement au sens des dispositions précitées, le ministre soutient que la demande de remboursement, bien qu'elle ait été présentée dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article 242-O-Q de l'annexe II, était irrecevable comme tardive au regard des dispositions de la huitième directive du Conseil des communautés européennes au motif qu'elle n'était pas accompagnée de l'ensemble de pièces nécessaires pour son instruction et que, la régularisation n'étant intervenue que postérieurement à l'expiration de ce délai, le remboursement de la somme de 325.526 F, accordé par pure mesure de bienveillance, doit être, en conséquence, regardé comme une décision prise d'office, insusceptible de donner lieu au paiement d'intérêts moratoires ; qu'il soutient, également, qu'à la date à laquelle la société FIAT AUTO SPA a saisi le tribunal elle ne pouvait se prévaloir d'aucune décision implicite de rejet née à l'expiration du délai de six mois imparti à l'admi-nistration par l'article R.198-10 du livre des procédures fiscales pour statuer sur les réclamations, les demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée émanant des assujettis établis hors de France se trouvant régies non par les dispositions générales du livre des procédures fiscales, mais par les dispositions spécifiques du 4 de l'article 7 de la huitième directive qui prévoient que les décisions concernant ces demandes doivent être notifiées dans un délai de six mois à compter de la date de présentation de la demande accompagnée de tous les documents requis ; qu'il estime donc qu'en l'espèce, la demande n'étant pas complète, le délai n'a pas couru et qu'en conséquence le remboursement accordé ne peut être regardé comme étant intervenu dans le cadre d'une instance contentieuse, et assimilé à un dégrèvement de nature à ouvrir droit au paiement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L.208 du livre des procédures fiscales ;
Mais considérant que les autorités de l'Etat ne peuvent se prévaloir des dispositions d'une directive qui n'ont pas fait l'objet d'une transposition en droit interne ; qu'à supposer qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 3 et du paragraphe 4 de l'article 7 de la huitième directive que le service compétent soit en droit de n'instruire une demande que lorsqu'elle est accompagnée de toutes les pièces justificatives, le délai de six mois prévu par le paragraphe 4 pour y statuer ne com-mençant à courir qu'à la date où elle est complète, l'article 242-O-Q de l'annexe II du code général des impôts se borne, après avoir précisé le délai dans lequel la demande de remboursement doit être formulée, à mentionner qu'elle "est accompagnée des originaux des factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives", sans indiquer que ces documents sont exigés à peine d'irrecevabilité ; que, par ailleurs, aucun des articles 242-O-Q à 242-O-T n'impartit à l'administration un délai particulier, qui ne commencerait à courir qu'à partir de la date où la demande est complète, pour statuer sur les réclamations ; que, dans ces conditions, le ministre n'est fondé à soutenir ni que le remboursement accordé à la société FIAT AUTO SPA présenterait le caractère d'un dégrèvement d'office au motif que le service eût été
en droit de rejeter la demande présentée à cette fin comme tardive, ni que la requérante ne pouvait, compte tenu de l'existence d'un délai spécifique propre à ce type de demande, introduire, en l'absence de décision prise sur sa réclamation dans un délai de six mois, une action contentieuse devant le tribunal administratif de Paris en application des dispositions combinées des articles R.198-10 et R.199-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 325.526 F n'a pas eu le caractère d'un dégrèvement d'office et est intervenu dans le cadre d'une instance contentieuse introduite par la société FIAT AUTO SPA ; que, par suite, alors même que le droit à remboursement ne procédait pas, à l'origine, d'une erreur commise par l'administration dans l'assiette ou le calcul d'une imposition, il a eu le caractère d'un dégrèvement au sens des dispo-sitions précitées de l'article L.208 du livre des procédures fiscales et doit donner lieu au paiement d'intérêts moratoires ; que, dès lors, la société FIAT AUTO SPA est fondée à demander la condamnation de l'Etat au paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 325.526 F à compter du 8 juin 1990, date de la présentation de sa réclamation, jusqu'au 2 septembre 1991, date à laquelle la restitution a été effec-tivement opérée ;
Sur les conclusions relatives aux intérêts des intérêts :
Considérant que si les dispositions précitées de l'article L.208 du livre des procédures fiscales font obstacle à ce que les intérêts moratoires auxquels donne lieu un remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée soient eux-mêmes capitalisés, elles sont sans application dans le cas, qui est celui de l'espèce, où l'Etat s'acquitte de sa dette en principal, interrompant ainsi le cours des intérêts, mais ne paye pas en même temps la somme des intérêts dont il est alors redevable, obligeant ainsi le créancier à former une nouvelle demande tendant au paiement de cette somme ; que, dans ce cas, les intérêts qui étaient dus au jour du paiement du principal forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts dans les conditions de l'article 1153 du code civil ;
Considérant qu'il est constant que l'administration n'a pas versé à la société FIAT AUTO SPA des intérêts moratoires lors du remboursement de la somme de 325.526 F de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par voie de conséquence de la condamnation au paiement d'intérêts moratoires sur cette somme de 325.526 F, il y a lieu de condamner l'Etat au paiement des intérêts de ces intérêts moratoires ;
Sur les conclusions de la demande de première instance et de la requête en appel tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
En ce qui concerne les sommes non comprises dans les dépens de la demande de première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en appli-cation des dispositions précitées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la société FIAT AUTO SPA la somme de 2.000 F ;
En ce qui concerne les sommes non comprises dans les dépens de la requête en appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en appli-cation des dispositions précitées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la société FIAT AUTO SPA la somme de 5.000 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement contesté et de condamner l'Etat à verser les intérêts moratoires et les intérêts des intérêts sur la somme de 325.526 F ainsi que la somme de 7.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement n 9303032/1 en date du 7 novembre 1996 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société FIAT AUTO SPA les intérêts moratoires sur la somme de 325.526 F, à compter de la date de la présentation de la réclamation afférente à cette somme et jusqu'à la date de son paiement effectif, soit du 8 juin 1990 au 2 septembre 1991, ainsi que les intérêts de ces intérêts.
Article 3 : L'Etat versera à la société FIAT AUTO SPA une somme de 7.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de la société FIAT AUTO SPA est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA01122
Date de la décision : 29/10/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - DEGREVEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - REMBOURSEMENTS DE TVA.


Références :

CEE Directive 79-1072 du 06 décembre 1979 Conseil Huitième Directive art. 3, art. 7
CGI Livre des procédures fiscales R198-10, L208, R199-1
CGIAN2 242-0 M à 242-0 T, 242-0 Q
Code civil 1153
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MORTELECQ
Rapporteur public ?: Mme MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-10-29;97pa01122 ?
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