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26/05/1992 | FRANCE | N°89PA01406

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 26 mai 1992, 89PA01406


VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la société à responsabilité limitée COMPAGNIE MARITIME WALLISIENNE dont le siège est à Mata Utu (Wallis et Futuna) par Me BEAUVAIS avocat à la cour ; ils ont été enregistrés les 7 février et 28 avril 1989 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1280/TAP/87 en date du 6 décembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande en décharge des cotisations à l'impôt foncier sur les propriétés bâties ainsi

que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des an...

VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la société à responsabilité limitée COMPAGNIE MARITIME WALLISIENNE dont le siège est à Mata Utu (Wallis et Futuna) par Me BEAUVAIS avocat à la cour ; ils ont été enregistrés les 7 février et 28 avril 1989 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1280/TAP/87 en date du 6 décembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande en décharge des cotisations à l'impôt foncier sur les propriétés bâties ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1986 et 1987 dans le territoire de la Polynésie française ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment les articles 34 et 74 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et l'article L.199 c du livre des procédures fiscales ;
VU le code des impôts directs du territoire de la Polynésie française ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 1992 :
- le rapport de Mme MOUREIX, conseiller,
- les observations de Me DEROUIN, avocat à la cour, substituant Me BEAUVAIS, avocat à la cour, pour la COMPAGNIE MARITIME WALLISIENNE,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du Gouvernement ;

Sur le principe de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la division II de la section III du code des impôts directs du territoire de la Polynésie française : "L'impôt foncier est établi annuellement sur les propriétés bâties sises dans le territoire. Il frappe également : ... 3° - Les bateaux utilisés en un point fixe et aménagés pour l'habitation, le commerce ou l'industrie, même s'ils sont seulement retenus par des amarres" ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que sont soumis à l'impôt foncier les bateaux, alors même qu'ils sont encore en état de naviguer, dès lors notamment qu'ils reçoivent, en un lieu déterminé, une affectation à des fins correspondant aux besoins d'une industrie ou d'un commerce ;
Considérant que la société à responsabilité limitée COMPAGNIE MARITIME WALLISIENNE a acquis en 1984 un navire pétrolier qu'elle a, aux termes d'une charte partie conclue le 9 novembre 1984, affrété coque nue à une autre société ; que, de 1985 à 1988, ce navire n'a pas quitté le port de Papeete, restant à quai pour servir de cuve de pétrole et d'hydrocarbures et se bornant à des mouvements limités entre deux zones de ce port, dont il n'est sorti qu'à la fin de l'année 1988 en vue de sa démolition à Taïwan ; qu'en raison de ces circonstances, le bateau en cause doit être regardé comme ayant été "utilisé en un point fixe et aménagé pour le commerce" au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi la société requérante était, en 1986 et 1987, assujettissable à l'impôt foncier à raison de ce bateau ;
En ce qui concerne la doctrine administrative :
Considérant que si la société requérante invoque une instruction émanant de la direction générale des impôts, ce document, qui ne commente pas un texte applicable sur le territoire de la Polynésie française, ne saurait en toute hypothèse être opposé à l'administration de ce territoire ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le président du Gouvernement de la Polynésie française :

Considérant qu'aux termes de l'article L.199 c du livre des procédures fiscales : "L'Administration, ainsi que le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau ... devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction. Il en est de même devant le tribunal de grande instance" ; que ces dispositions sont applicables à la procédure contentieuse fiscale suivie devant la cour administrative d'appel de Paris, même lorsque, comme en l'espèce, elle est saisie d'un jugement relatif à un litige né sur un territoire d'outre-mer où le texte en cause n'est pas applicable ; qu'il résulte de ces dispositions que la société requérante est recevable à présenter pour la première fois en appel devant la cour des moyens relatifs à la procédure d'imposition et aux pénalités ; que la fin de non-recevoir tirée par le territoire de ce que ces moyens ressortissent d'une cause juridique nouvelle doit par conséquent être écartée ;
En ce qui concerne le recours à la procédure de taxation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la dévision III de la section V du code des impôts directs du territoire de la Polynésie française : "- Sont taxés d'office les contribuables dont la comptabilité n'a pas été reconnue régulière ainsi que ceux qui n'ont pas fourni dans les délais réglementaires les déclarations prévues par le présent code ..." ; qu'aux termes de l'article 8 de ce code - "La taxation d'office consiste en l'établissement de la base imposable par l'administration à partir des seules informations en sa possession et sans recours possible à la procédure contradictoire prévue à l'article 7 ci-dessus. La base retenue est portée à la connaissance du contribuable qui ne peut par voie contentieuse obtenir la réduction de l'impôt mis à sa charge qu'en apportant la preuve de l'exagération de son imposition" ; qu'enfin, aux termes de l'article 26 de la division 2 de la section III du même code : "Les propriétaires seront tenus d'adresser au service des contributions et aux agents désignés à l'article 13, tous les 5 ans dans le courant du mois de septembre, et le cas échéant, tous les ans selon les dispositions de l'article 28, une déclaration par immeuble indiquant, au jour de sa production : 1° - Les noms et prénoms usuels de chaque locataire, la consistance des locaux qui leur sont loués, le montant du loyer principal, et, s'il y a lieu, le montant des charges ; 2° - Les noms et prénoms usuels de chaque occupant à titre gratuit et la consistance du local occupé ; 3° - La consistance des locaux occupés par le déclarant lui-même ; 4° - La consistance des locaux vacants. Ces déclarations devront être signées pour accord par les locataires effectifs ..." ;

Considérant que la société requérante, qui n'avait pas satisfait aux obligations déclaratives résultant de l'article 26 précité de la division II de la section III du code, a été soumise à la procédure de taxation d'office prévue par les articles 6 et 8 précités de la division III de la section V du même code ; qu'elle soutient que faute d'avoir été instituée par un texte de valeur législative, cette procédure ne pouvait lui être appliquée dès lors qu'elle n'avait pas son siège sur le territoire ;
Mais considérant que les dispositions législatives successives définissant le statut du territoire de la Polynésie française, intervenues notamment sur le fondement des articles 74 de la Constitution du 27 octobre 1946 puis de la Constitution du 4 octobre 1958, n'ont pas placé dans les compétences réservées à l'Etat, et ont donc attribué au territoire la compétence en matière d'assiette, de taux et de modalités de recouvrement des impositions ; que les organes compétents du territoire ont pu, sans méconnaître aucune disposition législative ni aucun principe général du droit, prévoir que seraient taxés d'office les contribuables qui n'auraient pas souscrit dans les délais légaux les déclarations fiscales auxquelles ils étaient tenus, sans en excepter ceux qui, à raison des biens qu'ils possèdent sur le territoire, y seraient imposables, même en l'absence de siège social ou d'établissement sur ledit territoire ; qu'ainsi l'administration du territoire a pu légalement recourir en l'espèce à la procédure de taxation d'office ;
En ce qui concerne l'absence de mise en demeure préalable et de notification détaillée du redressement :
Considérant qu'aucune disposition en vigueur sur le territoire de la Polynésie française, ni aucun principe général du droit n'obligeaient l'administration à adresser à l'intéressée, préalablement à la taxation d'office, une mise en demeure, ni à lui notifier le détail des redressements opérés ; que la société requérante ne saurait se plaindre de l'absence de ces formalités ;
Sur les pénalités :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs aux pénalités :
Considérant que l'administration du territoire a fait application à l'encontre de la société requérante des dispositions adoptées dans le cadre de la compétence attribuée à cette collectivité en matière fiscale par le législateur, lequel n'a pas entendu en exclure l'édiction de sanctions fiscales, de l'article 26 de la division de la section III du code des impôts directs sanctionnant le défaut de déclaration relative aux biens passibles de l'impôt foncier d'une amende égale au double des droits éludés ;
Considérant qu'il est constant que cette sanction, que la société requérante est recevable à contester pour la première fois en appel, a été infligée au titre de l'année 1986 sans que celle-ci ait été auparavant mise à même de présenter ses observations sur la mesure que se proposait de prendre l'administration ; qu'ainsi le principe des droits de la défense a été méconnu ; qu'il y a par suite lieu de décharger la société requérante de la pénalité litigieuse ;
Article 1er : La société à responsabilité limitée COMPAGNIE MARITIME WALLISIENNE est déchargée de l'amende mise à sa charge au titre de l'année 1986 sur le fondement de l'article 26 de la dévision II de la section V du code des impôts directs du territoire de la Polynésie française.
Article 2 : Le jugement du 6 décembre 1988 du tribunal administratif de Papeete est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée COMPAGNIE MARITIME WALLISIENNE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée COMPAGNIE MARITIME WALLISIENNE au président du Gouvernement du territoire de la Polynésie française et au ministre du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA01406
Date de la décision : 26/05/1992
Sens de l'arrêt : Décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-03-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES FONCIERES - TAXE FONCIERE SUR LES PROPRIETES BATIES -Personnes et immeubles imposables - Notion de propriété bâtie - Existence - Navire pétrolier en état de naviguer utilisé en un point fixe et aménagé à des fins commerciales (art. 22 de la division II de la section III du code des impôts directs de la Polynésie française).

19-03-03-01 La société propriétaire d'un navire pétrolier est imposable à l'impôt foncier au titre des années 1986 et 1987 en vertu de l'article 22 de la division II de la section III 3e du code des impôts directs du Territoire de la Polynésie française, dès lors que, de 1985 à 1988, ce navire, alors même qu'il était en état de naviguer, n'a pas quitté le port de Papeete, restant à quai pour servir de cuve de pétrole et d'hydrocarbures, et s'est borné à des mouvements limités entre deux zones de ce port, dont il n'est sorti qu'à la fin de l'année 1988 en vue de sa démolition à Taïwan.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L199 C


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: Mme Moureix
Rapporteur public ?: M. Bernault

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-05-26;89pa01406 ?
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