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29/01/1991 | FRANCE | N°89PA02662

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 29 janvier 1991, 89PA02662


VU le recours enregistré le 6 septembre 1989, présenté par la SNC "SEDICA" (société européenne de développement industriel et commercial automobile), dont le siège est ..., représentée par sa gérante la société à responsabilité limitée "DIACE" prise en la personne de M. Y... ; la SNC "SEDICA" demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1981 et 1983, ainsi que des pé

nalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée ;
3°) d'o...

VU le recours enregistré le 6 septembre 1989, présenté par la SNC "SEDICA" (société européenne de développement industriel et commercial automobile), dont le siège est ..., représentée par sa gérante la société à responsabilité limitée "DIACE" prise en la personne de M. Y... ; la SNC "SEDICA" demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1981 et 1983, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée ;
3°) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le recours, il soit sursis à l'exécution du jugement ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 15 janvier 1991 :
- le rapport de M. LOTOUX, conseiller,
- les observations de Mme Sophie X..., mandataire de la S.N.C. SEDICA,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société "SEDICA" n'a reçu que le 24 juillet 1989 l'avis d'audience la convoquant à la séance du 20 juin 1989 au cours de laquelle sa demande a été inscrite au rôle du tribunal administratif de Paris ; qu'il est établi que ce retard n'est pas imputable au contribuable mais au service des postes ; qu'ainsi la requérante a été privée de la faculté de présenter ses observations orales ; qu'elle est dès lors fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société "SEDICA" devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
Considérant que la société "SEDICA" achète auprès de constructeurs français des véhicules automobiles, pour le compte de la société "SICAM" installée à Madagascar ; qu'en rémunération de ces opérations, elle perçoit de son commettant des commissions, et de ses fournisseurs des ristournes ; qu'à la suite d'une décision prise en 1980 par l'Etat malgache d'interrompre les transferts de fonds à destination de l'étranger, la société requérante n'a pu percevoir ses commissions et ristournes afférentes à des livraisons de véhicules intervenues entre octobre 1979 et décembre 1980 ; que ladite société conteste la réintégration dans ses résultats imposables de l'exercice clos le 30 novembre 1981, des provisions qu'elle a constituées à raison de ces créances impayées ;
En ce qui concerne la provision pour risque de non transfert de créances bloquées à l'étranger :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, ..., notamment : ... 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables ... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société "SICAM" n'a pu obtenir des autorités malgaches l'autorisation de transférer les fonds correspondants aux commissions par elle dues à la société "SEDICA" ; que cette mesure qui a eu pour effet de suspendre le transfert de sommes dues par un débiteur dont la solvabilité n'est pas mise en cause, ne saurait constituer un évènement rendant probable la perte de la créance ; que dès lors la provision litigieuse ne répond pas aux conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 39-1-5° du code général des impôts ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ladite provision dans les résultats imposables de la société requérante ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de la réponse ministérielle en date du 13 octobre 1955 : "les créances étrangères qui font l'objet de mesures de blocage à l'étranger peuvent donner lieu à la constitution d'une "provision pour créances ou avoirs en devises bloquées à l'étranger", sous réserve qu'il soit justifié au préalable d'un blocage effectif desdites créances susceptible d'en rendre le recouvrement douteux. Pour l'application de cette solution, la notion de blocage suppose pour l'entreprise non seulement une impossibilité de rapatriement des fonds correspondants, mais également une interdiction d'utilisation sur place de ces fonds" ; que la société requérante invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de cette doctrine administrative ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours des années 1980 et 1981, la banque de la société "SICAM" a reçu de cette dernière les fonds et documents lui permettant d'émettre auprès de la Banque Centrale Malgache, des ordres d'achats de devises destinées au règlement des commissions dues à la société "SEDICA" ; que la Banque Centrale n'ayant pas donné suite à ces ordres, les fonds correspondants sont demeurés en attente de transfert dans les écritures de la banque de la société débitrice des sommes en cause ; que, dans ces conditions, la société "SEDICA" qui se borne à faire valoir, sans l'établir, qu'elle se trouvait dans l'impossibilité légale d'utiliser sur place les sommes objet de la provision litigieuse, ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative exprimée dans la réponse ministérielle précitée ;
En ce qui concerne la provision pour créances douteuses :
Considérant qu'en vertu de l'article 38-2 bis du code général des impôts applicable aux années litigieuses, les produits correspondants à des créances sur la clientèle sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient l'achèvement des prestations pour les fournitures de services ; qu'en application de cette règle les ristournes dues par les fournisseurs de la société "SEDICA" à raison des ventes de véhicules automobiles réalisées par son intermédiaire, doivent être regardées comme acquises à la date de la livraison desdits véhicules ; que, dès lors, le seul non paiement des ristournes à leur échéance par des fournisseurs notoirement solvables ne pouvait justifier la constitution d'une provision dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 39-1-5° du code général des impôts ; que si la société requérante, qui a d'ailleurs régulièrement comptabilisé ses ristournes selon les principes susénoncés, invoque des usages commerciaux, dont elle n'établit d'ailleurs pas qu'ils régissaient ses relations d'affaires avec les constructeurs automobiles français, et soutient que les créances litigieuses n'étaient pas exigibles dans leur principe et leur montant avant le règlement des constructeurs par les acheteurs étrangers, les circonstances ainsi invoquées interdisaient, à plus forte raison, la constitution des provisions contestées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société "SEDICA" n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration dans ses résultats imposables des provisions litigieuses ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 juillet 1989 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société "SEDICA" devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA02662
Date de la décision : 29/01/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES - OPPOSABILITE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 80 A DU LPF - INTERPRETATION FORMELLE - Réponse ministérielle du 13 octobre 1955 (constitution de provisions pour pertes de créances étrangères ou d'avoirs en devises bloqués à l'étranger).

19-01-01-03-03-05 Aux termes de la réponse ministérielle du 13 octobre 1955, les créances faisant l'objet de mesures de blocages à l'étranger peuvent donner lieu à la constitution d'une provision pour créance ou avoirs en devises bloqués à l'étranger, sous réserve qu'il soit justifié au préalable d'un blocage effectif des créances susceptible d'en rendre le recouvrement douteux. Pour l'application de cette mesure, la notion de blocage suppose pour l'entreprise non seulement une impossibilité de rapatrier les fonds correspondants, mais également une interdiction d'utilisation sur place de ces fonds. Ne remplit pas cette condition la société qui se borne à faire valoir sans l'établir qu'elle se trouvait dans l'impossibilité légale d'utiliser sur place les sommes correspondant à des créances étrangères, alors que la banque centrale du pays en question n'avait pas donné suite aux ordres d'achats de devises destinés au règlement des sommes en cause et que les fonds correspondants étaient demeurés en attente de transfert dans les écritures de la banque de la société débitrice.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS - Principes - (1) Pertes et charges ne pouvant faire l'objet de provisions déductibles - Pertes ou charges dépourvues de caractère probable - Créances étrangères - Transfert des sommes suspendu sans remise en cause de la solvabilité du débiteur - (2) Provisions pour pertes - Créances douteuses - Provision pour pertes de créances étrangères ou d'avoirs en devises bloqués à l'étranger - Conditions de fond : perte probable.

19-04-02-01-04-04(1), 19-04-02-01-04-04(2) La mesure qui a eu pour effet de suspendre le transfert de sommes dues par un débiteur dont la solvabilité n'est pas mise en cause ne saurait constituer un évènement rendant probable la perte de la créance et autoriser la constitution d'une provision.


Références :

CGI 39 par. 1, 38 par. 2 bis
CGI Livre des procédures fiscales L80 A


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: M. Lotoux
Rapporteur public ?: Mme de Segonzac

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1991-01-29;89pa02662 ?
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