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27/12/1990 | FRANCE | N°89PA01166

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 27 décembre 1990, 89PA01166


VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la société des établissements "ECOVAL" ;
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour la société des établissements "ECOVAL" dont le siège social est 20 Eikelenbergstroot, Dilbeek B.1710 Belgique, représentée par ses dirigeants légaux en exercice, par

la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, LIARD, avocat au Conseil d'Etat, et à la C...

VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la société des établissements "ECOVAL" ;
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour la société des établissements "ECOVAL" dont le siège social est 20 Eikelenbergstroot, Dilbeek B.1710 Belgique, représentée par ses dirigeants légaux en exercice, par la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, LIARD, avocat au Conseil d'Etat, et à la Cour de cassation, ils ont été enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat les 18 avril et 10 août 1988 ; la société des établissements "ECOVAL" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 16 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1981, 1982 et de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1983 dans les rôles de la Ville de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités dont elle a été assortie ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu du 10 mars 1964 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 13 décembre 1990 :
- le rapport de Mme SIMON, conseiller,
- les observations de la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société des établissements "ECOVAL",
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article R.200-2 du livre des procédures fiscales que le vice de forme résultant de la signature d'une réclamation par une personne non habilitée à la présenter au nom de son auteur, est couvert en l'absence d'invitation préalable à régulariser, par une demande, régulièrement signée, adressée au tribunal administratif ; que si le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, fait valoir que la réclamation adressée le 26 avril 1985 à l'administration au nom de la société des établissements "ECOVAL" pour demander la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1981, 1982 et 1983 ne porte pas la signature de la personne dont le nom est mentionné, il résulte toutefois de l'instruction que l'administration n'a pas invité la société à régulariser ce vice de forme dans les conditions prévues à l'article R.197-3 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, ce vice de forme a pu être utilement couvert, dans la demande que la société a, sous la signature d'une personne habilitée à la représenter, adressée le 30 janvier 1986 au tribunal administratif ;
Considérant qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le fait que le jugement attaqué, qui a décidé que la convention du 11 juin 1981 a créé entre ses trois signataires dont la société "ECOVAL", une société en participation, n'a pas visé les dispositions légales réglementant cette forme de société n'est pas de nature à le vicier dès lors qu'il ressort clairement de sa motivation qu'il a entendu se référer aux dispositions des articles 1871 et suivants du code civil sur les sociétés en participation ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort du jugement attaqué qu'il s'est prononcé sur le bien-fondé de la demande de la société "ECOVAL" tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1981 et 1982 et de l'imposition forfaitaire annuelle relative à l'année 1983 ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à prétendre que le tribunal administratif a méconnu le droit de réclamation reconnu à tout contribuable ;
Considérant, en troisième lieu, que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ;
Sur le principe de l'imposition à l'impôt sur les sociétés :
Considérant que pour contester son imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1981 et 1982, la société "ECOVAL", établie en Belgique, soutient que la convention du 11 juin 1981 qu'elle a passée avec la société "FRANCEXPA" et une société tierce n'était pas constitutive d'une société en participation ; qu'elle fait valoir, d'autre part, qu'en tout état de cause, la convention fiscale franco-belge ne permettait pas que l'imposition des sommes litigieuses soit effectuée en France ;
En ce qui concerne l'existence d'une société en participation :

Considérant qu'il ressort des articles 8 et 206 du code général des impôts, ainsi que de l'article 2 bis du même code que les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 206 du même code sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent en qualité de membres de sociétés en participation ;
Considérant que l'existence d'une société en participation entre deux ou plusieurs personnes résulte tant d'apports de chacune d'elles, lesquels peuvent consister en un apport d'industrie, que de leur participation au contrôle de l'affaire ainsi qu'aux bénéfices et aux pertes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société "ECOVAL" et la société "FRANCEXPA" ont signé respectivement les 7 mai 1981 et 1er avril 1981 des contrats de fourniture de lait avec un acheteur étranger ; que par une convention en date du 11 juin 1981 ces deux sociétés et une société tierce ont décidé d'exécuter ensemble ces deux contrats et de se partager les bénéfices et les pertes résultant de l'exécution de cette opération au vu des comptes que les sociétés "FRANCEXPA" et "ECOVAL" doivent tenir pour l'exécution des contrats dont chacune est respectivement titulaire ; qu'ainsi les rapports des trois sociétés entre elles sont des rapports d'associé à associé ;
Considérant que la société "ECOVAL" conteste qu'il ait existé entre elle et les cosignataires de la convention du 11 juin 1981 une société en participation ; que si ce contrat prévoit que la requérante ainsi que la société "FRANCEXPA" seront chefs de file dans l'exécution du contrat signé par chacune d'elle avec l'acheteur, il mentionne toutefois que les trois sociétés exécuteront ensemble les marchés de fourniture ; qu'ainsi celles-ci ont fait un apport en industrie ; que si ce contrat du 11 juin 1981 dispose que chaque chef de file percevra un préciput de vingt dollars américains par tonne métrique avant répartition des bénéfices ou des pertes de l'exploitation entre ces trois signataires, cette clause aux incidences financières minimes, n'a pas eu pour effet de faire disparaître le caractère de société en participation dès lors que le contrat prévoit expressément que les trois parties sont associées aux bénéfices et aux pertes dans les proportions qu'il détermine ;
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale :

Considérant qu'il ressort de l'article 4 de la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu du 10 mars 1964, publiée par un décret du 11 août 1969 que : "2. Les participations d'un associé aux bénéfices commerciaux d'une entreprise constituée sous forme de ... association sans existence juridique ne sont imposables que dans l'Etat contractant où l'entreprise en question possède un établissement stable, proportionnellement à l'importance des droits de cet associé, dans les bénéfices dudit établissement ... 3. Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 4. Constituent notamment des établissements stables : a) un siège de direction ; ... 5. On ne considère pas qu'il y a établissement stable si ... e) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de publicité, de fournitures d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues, qui ont pour l'entreprise un caractère préparatoire ou auxiliaire" ;
Considérant que si les opérations nécessaires à la fourniture du lait à un organisme installé au Vénézuéla étaient toutes matériellement exécutées hors de France, il résulte de l'instruction que la société "FRANCEXPA", qui en sa qualité d'associé de la société en participation "FRANCEXPA - ECOVAL - SOGELAIT" a agi pour le compte de l'association, a fixé dans la déclaration des résultats déposée au titre des années 1981, 1982 et 1983 le siège de direction de cette société à Paris ; que la convention susmentionnée du 11 juin 1981 prévoit que toute contestation entre les trois partenaires relèverait de la loi française et que cette convention qui a donné lieu à la formation de la société en participation a été signée à Paris ; qu'ainsi toutes les décisions relatives à l'exécution de l'objet social de la société en participation sont prises en France ; que, par suite, dès lors qu'au surplus la société requérante ne fournit aucune précision sur la localisation du siège de direction de la société en participation, celui-ci doit être regardé comme ayant été fixé en France ;
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que la société requérante ait été imposée à raison des bénéfices perçus de la part de la société en participation à l'impôt sur les sociétés en Belgique est sans influence sur la légalité des impositions contestées.
Considérant qu'il ressort de l'article 4 paragraphe 5 de la convention franco-belge susmentionnée qu'il a pour objet de permettre aux Etats contractants de rattacher fiscalement à l'un d'entre eux une entreprise dont la situation serait de nature à la faire échapper à l'impôt sur les sociétés sur la base de ladite convention ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la violation de cette disposition ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés au titre de l'année 1983 :

Considérant qu'aux termes de l'article 223 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle d'un montant de 3.000 F" ;
Considérant que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que sont assujetties à l'imposition forfaitaire annuelle qu'elles instituent les personnes morales passibles à l'impôt sur les sociétés à raison de l'exploitation ou des opérations auxquelles elles se livrent personnellement et non celles qui ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans une entité elle-même non passible de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société requérante n'est passible en France de l'impôt sur les sociétés que pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans la société en participation "FRANCEXPA - ECOVAL - SOGELAIT" ; qu'elle n'est, dès lors, pas assujettie à l'imposition forfaitaire annuelle prévue par les dispositions précitées de l'article 223 septies du code général des impôts ;
Article 1ER : La société "ECOVAL" est déchargée de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1983.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 février 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société "ECOVAL" est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA01166
Date de la décision : 27/12/1990
Sens de l'arrêt : Décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BENEFICES IMPOSABLES - Personnes morales imposables - Existence d'une société en participation.

19-04-01-04-01 Deux sociétés ayant respectivement signé des contrats de fourniture de lait avec un acheteur étranger ont passé entre elles et une troisième société une convention en vue d'exécuter ensemble les contrats et de partager les bénéfices et les pertes résultant de cette opération. Cette convention a pour effet la création d'une société en participation. La circonstance que chacune des deux premières sociétés a la qualité de "chef de file" dans l'exécution du contrat signé par elle et perçoit un préciput par tonne métrique avant répartition des bénéfices ou des pertes entre les trois signataires de la convention ne fait pas perdre le caractère de société en participation à la personne morale créée par la convention.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - TERRITORIALITE DE L'IMPOT - Cas des sociétés en participation - Localisation du siège d'une société en participation - Convention franco-belge : imposition d'une société membre d'une société en participation imposable en France.

19-04-01-04-02 En l'absence de toute précision sur la localisation du siège d'une société en participation, ce siège doit être regardé comme ayant été fixé en France dès lors que toutes les décisions relatives à l'exécution de l'objet social sont prises en France. Dès lors, en application de la convention fiscale franco-belge, une société dont le siège est en Belgique et qui est membre de la société en participation est imposable en France à raison de la part des bénéfices qui correspond à ses droits dans la société en participation.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOTS ET PRELEVEMENTS DIVERS SUR LES BENEFICES - Imposition forfaitaire annuelle des sociétés (article 223 septies du C - G - I - ) (1).

19-04-01-05 Ne sont pas assujetties à l'imposition forfaitaire annuelle les personnes morales qui ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans une entité, telle qu'une société en participation, elle-même non passible de l'impôt sur les sociétés (1).


Références :

CGI 8, 206, 2 bis, 223 septies
CGI Livre des procédures fiscales R200-2, R197-3
Code civil 1871
Convention fiscale du 10 mars 1964 France Belgique
Décret 65-762 du 11 août 1965

1.

Cf. CE, 1990-03-07, n° 91573 (société membre d'un G.I.E.)


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: Mme Simon
Rapporteur public ?: Mme de Segonzac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1990-12-27;89pa01166 ?
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