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24/06/2022 | FRANCE | N°20NT03993

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 juin 2022, 20NT03993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Soficosim a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016, des cotisations supplémentaires de taxe sur les véhicules de société auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2016.

Par

un jugement n° 1805283 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Soficosim a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016, des cotisations supplémentaires de taxe sur les véhicules de société auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2016.

Par un jugement n° 1805283 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016, à concurrence de la somme de 292,98 euros, et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 décembre 2020, 6 juillet 2021 et 9 mai 2022 la SASU Soficosim, représentée par Me Dahan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de son véhicule de marque Porsche et de modèle Cayenne dans la mesure où ce véhicule n'est pas à usage ou utilisation mixte ; il s'agit d'un véhicule " dérivé VP " qui ne comporte que deux places après transformation en camionnette ; cette transformation est irréversible ; elle a acquis ce véhicule dans cet état ;

- elle se prévaut à cet égard, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle no 58198 adressée à M. A..., député, publiée au journal officiel de l'Assemblée nationale le 6 avril 2010 et de l'instruction référencée

BOI-TVA-DED-30-30-20, paragraphe 20 du 9 septembre 2013 ;

- le véhicule n'est pas taxable à la taxe sur les véhicules des sociétés dès lors que la caisse en plastique fixée par deux tendeurs ne constitue pas un compartiment unique, que le véhicule est exclusivement destiné à son activité commerciale et qu'il ne s'agit pas d'un véhicule de tourisme au sens de l'article 1010 du code général des impôts ;

- le véhicule, bien que classé dans la catégorie N1, n'est pas destiné au transport de voyageurs et de leurs bagages dans un compartiment unique ; il n'est pas un véhicule à usages multiples ; le véhicule est destiné exclusivement à un usage professionnel ; le certificat d'immatriculation classe le véhicule non à usage mixte mais en catégorie N 1, soit la catégorie des véhicules utilitaires ; ainsi, l'amortissement ne doit pas être plafonné pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 juin 2021 et 25 avril et 23 mai 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SASU Soficosim ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Dahan, représentant la SASU Soficosim.

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Soficosim, qui est une société holding animatrice d'un groupe de sociétés civiles immobilières gérant des biens immobiliers donnés en location, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2013 au 20 juin 2016, à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à son assujettissement à la taxe sur les véhicules de sociétés pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. Par un jugement du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016, à concurrence de la somme de 292,98 euros, et rejeté le surplus de sa demande. La société relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I.1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Le 2 de l'article 273 du code prévoit cependant que des décrets en Conseil d'Etat " peuvent édicter des exclusions ou des restrictions et définir des règles particulières, soit pour certains biens ou certains services, soit pour certaines catégories d'entreprises ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de cette annexe : " (...) / IV - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / (...) / 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes (...) ".

3. Pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte, au sens des dispositions précitées, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné.

4. La société requérante a acquis le 30 mai 2012 un véhicule de marque Porsche et de modèle Cayenne, inscrit à son actif pour un montant de 60 991,54 euros hors taxes. Elle a déduit le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, soit 11 954,36 euros, correspondant au coût d'acquisition du véhicule et le montant de la taxe correspondant aux dépenses de transformation du véhicule en " véhicule utilitaire " en juin 2012. L'administration fiscale a remis en cause cette déduction.

5. Il résulte de l'instruction que le véhicule acquis par la SASU Soficosim a été conçu pour transporter des personnes, au sens des dispositions précitées de l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts et que sa transformation a seulement consisté à enlever la banquette arrière et à la remplacer par un plancher plat. Le caractère de cette transformation n'est pas irréversible dès lors que la banquette peut être réinstallée par simple dévissage du plancher plat. Ces aménagements n'ont pas eu pour effet de rendre le véhicule incompatible avec le transport de personnes, compte tenu notamment de sa finition, de son confort et de son équipement. C'est donc à bon droit que le bénéfice de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant cette acquisition a été refusé à la SASU Soficosim, alors même qu'après transformation le certificat d'immatriculation faisait figurer ce véhicule dans la catégorie des véhicules utilitaires.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. La SASU Soficosim invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle no 58198 adressée à M. A..., député, publiée au journal officiel de l'Assemblée nationale le 6 avril 2010 (p. 3957), prévoyant que les véhicules dits " dérivé VP " (véhicule particulier) ne sont pas concernés par les dispositions précitées de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts excluant le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée relative à certains véhicules. Cette réponse a été reprise, à compter de l'édition du 9 septembre 2013, au bulletin officiel des finances publiques-impôts sous la référence BOI-TVA-DED-30-30-20 (point n° 20), qui précise toutefois que les véhicules dits " dérivé VP " sont commercialisés sous les appellations " société ", " affaire " ou " entreprise ".

7. Toutefois, il est constant que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée intervenue lors de l'acquisition du véhicule, le 30 mai 2012. A la date où cette taxe sur la valeur ajoutée est devenue exigible et, par suite, potentiellement déductible pour la société requérante, ce véhicule, qui n'avait pas encore fait l'objet d'une transformation, ne constituait pas un véhicule dit " dérivé VP ". Ainsi, la SASU Soficosim ne peut valablement invoquer le bénéfice de la réponse ministérielle A... à l'appui de sa contestation de cette rectification. Par ailleurs, s'agissant des opérations d'entretien autres que les dépenses correspondant au montant de taxe sur la valeur ajoutée de 292,98 euros dégrevé et au titre desquelles la taxe sur la valeur ajoutée est devenue exigible postérieurement à l'entrée en vigueur de l'édition du 9 septembre 2013 du BOI-TVA-DED-30-30-20, la SASU Soficosim ne peut plus invoquer le bénéfice le paragraphe 20 de cette interprétation de la loi fiscale dès lors que le bénéfice de cette interprétation est désormais réservé aux cas où le véhicule a été initialement commercialisé sous les appellations " société ", " affaire " ou " entreprise ", ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur l'assujettissement à la taxe sur les véhicules des sociétés :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts : " I. - Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N1 au sens de cette même annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens (...) ". L'annexe II à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007 prévoit que : " A. DÉFINITION DES CATÉGORIES DE VÉHICULES / Les catégories de véhicules sont définies d'après la classification suivante (...) : 1. Catégorie M : Véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues. / Catégorie M1 : Véhicules conçus et construits pour le transport de passagers comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum. (...) 2. Catégorie N : Véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues. / Catégorie N1 : Véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal ne dépassant pas 3,5 tonnes. (...) / C. DÉFINITION DU TYPE DE CARROSSERIE / Le type de carrosserie (...) est indiqué par la codification suivante : 1. Voitures particulières (M1) ".

9. Il résulte de ces dispositions que sont soumis à la taxe sur les véhicules des sociétés, d'une part, les véhicules à moteur ayant au moins quatre roues conçus et construits pour le transport de passagers et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, d'autre part, les véhicules dont le poids maximal ne dépasse pas 3,5 tonnes et qui, tout en ayant été à l'origine conçus et construits pour le transport de marchandises, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens.

10. Un véhicule de marque Porsche et de modèle Cayenne comprend le siège du conducteur et moins de huit places pour le transport de passagers. La circonstance que le véhicule acquis par la SASU Soficosim a subi des transformations afin d'être utilisé pour le transport de marchandises ne fait pas obstacle à l'application de la taxe sur les véhicules des sociétés.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. Si la société requérante se prévaut du paragraphe 40 de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques le 7 octobre 2015 sous la référence BOI-TFP-TVS-10-20, qui énonce que : " Si les véhicules concernés sont équipés d'une plate-forme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique (tel un véhicule de type 4x4 pick-up, à cabine simple ou à double cabine), ils ne répondent pas à cette définition de véhicules à usages multiples au sens de la directive 2007/46 CE du 5 septembre 2007 et sont alors exclus du champ d'application de la taxe sur les véhicules de société. ", cette instruction ne donne pas de la loi une interprétation différente de celle dont il a été fait application.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

12. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " (...) 4. Qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, d'une part, les dépenses et charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse ainsi qu'à l'exercice non professionnel de la pêche et, d'autre part, les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ; les dépenses et charges ainsi définies comprennent notamment les amortissements. / Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables :/ a. à l'amortissement des véhicules de tourisme au sens de l'article 1010 pour la fraction de leur prix d'acquisition qui dépasse 18 300 €. Lorsque ces véhicules ont un taux d'émission de dioxyde de carbone supérieur à 200 grammes par kilomètre, cette somme est ramenée à 9 900 € (...) "

13. L'administration a partiellement remis en cause la déduction de l'amortissement comptabilisé au titre du véhicule Porsche acquis en 2012. Le certificat d'immatriculation classe le véhicule non à usage mixte mais en catégorie N 1, soit la catégorie des véhicules utilitaires. Toutefois, comme il a été dit précédemment, il s'agit d'un véhicule de tourisme à usage mixte c'est-à-dire d'un véhicule particulier destiné au transport de passagers et de leurs biens au sens de l'article 1010 du code général des impôts. Compte tenu de ce que l'usage n'est pas exclusivement professionnel, le véhicule ne peut pas faire l'objet d'un amortissement déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. C'est donc à bon droit que l'administration a refusé la déduction des amortissements pratiqués par la société.

14. Il résulte de ce qui précède que la SASU Soficosim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SASU Soficosim est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Soficosim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

Le rapporteur

J.-E. B...

La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03993


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : DAHAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 24/06/2022
Date de l'import : 05/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT03993
Numéro NOR : CETATEXT000045963951 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-24;20nt03993 ?
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