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03/06/2022 | FRANCE | N°21NT02506

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juin 2022, 21NT02506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 3 janvier 2020 par lesquelles le préfet du Calvados a rejeté ses demandes de substitution de concessions de cultures marines nos 01036385, 02006659 et 01101713 ainsi que les arrêtés du 3 janvier 2020 par lesquels ce préfet a autorisé l'EARL L'huître de la plage d'or à exploiter, par voie de substitution en concurrence, les concessions nos 01036385 et n° 01101713 et la SARL Shell Fish Distribution à exploiter, par voie de

substitution en concurrence, la concession n° 02006659. Il a également de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 3 janvier 2020 par lesquelles le préfet du Calvados a rejeté ses demandes de substitution de concessions de cultures marines nos 01036385, 02006659 et 01101713 ainsi que les arrêtés du 3 janvier 2020 par lesquels ce préfet a autorisé l'EARL L'huître de la plage d'or à exploiter, par voie de substitution en concurrence, les concessions nos 01036385 et n° 01101713 et la SARL Shell Fish Distribution à exploiter, par voie de substitution en concurrence, la concession n° 02006659. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer les autorisations d'exploitation de ces trois concessions ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de ses demandes d'autorisations.

Par un jugement n° 2000449 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions et arrêtés du 3 janvier 2020 et enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de M. D..., en procédant à un nouvel appel à candidature, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 7 septembre 2021 sous le numéro 21NT02506 et un mémoire enregistré le 3 mai 2022, M. D..., représenté par Me Gorand, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer les trois autorisations d'exploitation par voie de substitution des concessions de cultures marines n°01036385, n°02006659 et n°01101713 dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer ses demandes dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

3°) de rejeter les conclusions de l'EARL L'huître de la plage d'or à fin d'annulation du troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 et à fin d'injonction ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement du 9 juillet 2021 impliquait nécessairement, compte tenu du motif d'annulation retenu, que le préfet du Calvados lui délivre les trois autorisations d'exploitation sollicitées, dès lors qu'il se serait vu délivrer ces autorisations en l'absence d'erreur d'appréciation par l'administration de son rang de priorité n° 3 au regard de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, qui était supérieur à celui de ses concurrents ;

- l'exécution du jugement attaqué n'impliquait pas de procéder à un nouvel appel à candidatures avant de réexaminer ses demandes d'autorisation, dès lors qu'aucune illégalité dans l'appel à candidatures n'a été retenue par le tribunal ;

- les conclusions de l'EARL L'huître de la plage d'or à fin d'annulation du troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 et à fin d'injonction sont irrecevables, dès lors que cette société n'a jamais contesté cet arrêté et ne peut pas le faire en appel.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 17 février et 3 mai 2022, la SARL Shell Fish distribution, représentée par la SELARL AVOXA RENNES demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. D... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 juillet 2021 et de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que M. D... devait bénéficier du rang de priorité n° 3 au regard de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, dès lors que le critère de priorité correspondant a pour objet de favoriser le maintien des entreprises économiquement viables qui sont cédées, et non le maintien des entreprises des candidats à la reprise et qu'en l'espèce, l'entreprise cédée n'était pas viable ;

- les décisions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, dès lors qu'aucun des critères de priorité n° 1 à 5 fixés par cet article ne pouvait être appliqué pour départager les candidats ;

- elles ne sont pas entachées d'une erreur d'appréciation, en ce qu'elles relèvent que la SARL Shell-Fish Distribution et l'EARL L'huître de la plage d'or bénéficient du rang de priorité n° 6, dès lors que les surfaces respectives des exploitations détenues en leur nom propre par les gérants et associés uniques de ces deux personnes morales ne doivent pas être prises en compte dans le calcul des surfaces d'exploitation de ces deux sociétés ;

- au regard de l'application de rang de priorité n° 6, tant l'EARL qu'elle-même étaient en concurrence et le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation, dès lors que pour l'application de ce rang de priorité il s'agit pas de prendre en compte la surface la plus proche de la DIMIR non avant l'attribution des concessions, mais bien après cette attribution ;

- elles ne méconnaissent pas l'article R. 923-34 du code rural et de la pêche maritime, dès lors que les dispositions de cet article n'imposaient pas aux concurrents de M. D... de former des demandes de substitution uniquement sur l'ensemble des concessions visées par sa demande initiale et n'interdisaient donc pas de solliciter l'autorisation d'exploiter une partie seulement de ces concessions.

Par un mémoire, enregistré le 25 avril 2022, l'EARL L'huître de la plage d'or, représentée par Me Gey, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. D... ;

2°) et par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 juillet 2021 et de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal tendant à l'annulation des trois décisions du 3 janvier 2020 rejetant ses demandes d'autorisation d'exploiter et des deux premiers arrêtés du même jour autorisant l'EARL L'huître de la plage d'or à exploiter les concessions ostréicoles n° 01036385, n° 01101713 ;

3°) d'annuler le troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 autorisant la SARL Shell Fish distribution à exploiter la concession n° 02006659 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui accorder l'autorisation d'exploiter la concession n° 2006659 de 99,98 ares à Ver-Sur-Mer ;

5°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que M. D... devait bénéficier du rang de priorité n° 3 au regard de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, dès lors que le critère de priorité correspondant a pour objet de favoriser le maintien des entreprises économiquement viables qui sont cédées, et non le maintien des entreprises des candidats à la reprise et qu'en l'espèce, l'entreprise cédée n'était pas viable ;

- le troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 autorisant la SARL Shell Fish distribution à exploiter la concession n° 02006659 a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, dès lors que l'application du critère de priorité n° 6 " favoriser l'agrandissement des exploitations n'atteignant pas la dimension minimale de référence (DIMIR) en privilégiant celles dont la surface est la plus proche de la DIMIR " aurait dû aboutir à la classer plus favorablement que la SARL et à lui attribuer cette concession ;

- les autres décisions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados et de l'article R. 923-34 du code rural et de la pêche maritime.

II. Par une requête enregistrée le 8 septembre 2021 sous le n° 21NT02525 et des mémoires enregistrés les 11 et 22 avril 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Caen et de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal administratif de Caen.

Il soutient que :

- c'est tort que le tribunal a jugé que la décision contestée était entachée d'illégalité au regard des dispositions de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, dès lors que M. D... ne pouvait pas bénéficier du rang de priorité n° 3 fixé par cet article qui ne s'applique qu'en cas de reprise d'une entreprise économiquement viable, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

- les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 décembre 2021, 18 février et 3 mai 2022, M. B... D..., représenté par Me Gorand, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation et de rejeter les conclusions de l'EARL L'huître de la plage d'or à fin d'annulation du troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 et à fin d'injonction ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Caen et d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer les trois autorisations d'exploitation par voie de substitution des concessions de cultures marines n°01036385, n°02006659 et n°01101713 dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer ses demandes dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est irrecevable, dès lors que le jugement attaqué n'y est pas joint ;

- les conclusions de l'EARL L'huître de la plage d'or à fin d'annulation du troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 et à fin d'injonction sont irrecevables, dès lors que cette société n'a jamais contesté cet arrêté et ne peut pas le faire pour la première fois en appel ;

- les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne sont pas fondés ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, dès lors que l'administration aurait dû au moins le faire bénéficier du rang de priorité n° 5 ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, au regard en particulier du deuxième alinéa de l'article R. 923-17 du code rural et de la pêche maritime, en ce qu'elles relèvent que la SARL Shell-Fish Distribution et l'EARL L'huître de la plage d'or bénéficient du rang de priorité n° 6, dès lors que les surfaces respectives des exploitations détenues en leur nom propre par les gérants et associés uniques de ces deux personnes morales auraient dû être prises en compte dans le calcul de la dimension de l'exploitation de ces deux sociétés ;

- elles méconnaissent l'article R. 923-34 du code rural et de la pêche maritime, dès lors que ces dispositions ne permettaient pas à ses concurrents de solliciter l'autorisation d'exploiter une partie seulement des trois concessions en litige ;

- l'exécution du jugement du 9 juillet 2021 impliquait nécessairement compte tenu du motif d'annulation retenu que le préfet du Calvados lui délivre les trois autorisations d'exploitation sollicitées, dès lors qu'il se serait vu délivrer ces autorisations en l'absence d'erreur d'appréciation par l'administration de son rang de priorité n° 3 au regard de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, qui était supérieur à celui de ses concurrents ;

- l'exécution du jugement attaqué n'impliquait pas de procéder à un nouvel appel à candidatures avant de réexaminer ses demandes d'autorisation, dès lors qu'aucune illégalité dans l'appel à candidatures n'a été retenue par le tribunal.

Par des mémoires, enregistrés les 17 février et 3 mai 2022, la SARL Shell Fish distribution, représentée par la SELARL AVOXA RENNES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 juillet 2021 et de rejeter la demande de M. D... devant ce tribunal ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance n° 21NT02506.

Par un mémoire enregistré le 25 avril 2022, l'EARL L'huître de la plage d'or, représentée par Me Gey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 juillet 2021 et de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal tendant à l'annulation des trois décisions du 3 janvier 2020 rejetant ses demandes d'autorisation d'exploiter et des deux premiers arrêtés du même jour autorisant l'EARL L'huître de la plage d'or à exploiter les concessions ostréicoles n° 01036385, n° 01101713 ;

2°) d'annuler le troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 autorisant la SARL Shell Fish distribution à exploiter la concession n° 02006659 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui accorder l'autorisation d'exploiter la concession n° 2006659 de 99,98 ares à Ver-Sur-Mer ;

4°) de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par

M. D... ;

5°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance n° 21NT02506.

Par un courrier du 25 avril 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la tardiveté des conclusions d'appel principal de la SARL Shell Fish Distribution et l'EARL L'huître de la plage d'or dans l'instance n° 21NT02525, dès lors qu'elles ont été présentées par ces sociétés dans des mémoires enregistrés respectivement les 17 février et 7 avril 2022 , soit après l'expiration du délai de recours contre le jugement attaqué.

Par un mémoire enregistré le 29 avril 2022, la SARL Shell Fish Distribution a répondu à ce moyen relevé d'office.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2022, l'EARL L'huître de la plage d'or a répondu à ce moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet du Calvados en date du 12 décembre 2016, portant schéma des structures des exploitations de cultures marines ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Costard, représentant la SARL Shell Fish Distribution, de Me Gey, représentant l'EARL L'huître de la plage d'or et de Me Bardoul, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a déposé trois demandes d'autorisation d'exploitation avec substitution à un repreneur, M. B... D... pour les concessions de cultures marines nos 01036385 et 01101713, situées en Bays des Veys et n° 2006659, située dans le secteur de production de Meuvaines/Ver-sur-mer. Ces demandes ont été affichées du 4 avril au 3 mai 2019, ce qui a donné lieu à la formation de plusieurs demandes concurrentes émanant de six autres candidatures. La commission des cultures marines a émis le 24 juin 2019 un avis favorable à la reprise des concessions n°s 01036385 et 01101713 par l'EARL L'huître de la plage d'or, et de la concession n° 02006659 par la SARL Shell Fish Distribution. Par trois décisions du 3 janvier 2020, le préfet du Calvados a rejeté les demandes d'autorisation d'exploiter de M. D... puis, par deux arrêtés du même jour, a autorisé l'EARL L'huître de la plage d'or à exploiter les concessions ostréicoles n° 01036385, n° 01101713 et par un troisième arrêté a autorisé la SARL Shell Fish Distribution à exploiter la concessions ostréicole n° 02006659. M. D... a demandé au tribunal d'annuler l'ensemble de ces décisions et arrêtés et d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer les autorisations d'exploitation par voie de substitution des concessions de ces cultures marines ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande. Par un jugement du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions et arrêtés du

3 janvier 2020 et enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de M. D..., en procédant à un nouvel appel à candidature, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

2. Par la requête n° 21NT02506, M. D... relève appel du jugement du 9 juillet 2021 en tant qu'il enjoint seulement au préfet du Calvados de réexaminer ses demandes d'autorisation après avoir procédé à un nouvel appel à concurrence et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la SARL Shell Fish Distribution demandent à la cour dans cette affaire, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 et de rejeter les demandes de M. D... devant le tribunal administratif de Rennes. Dans cette affaire, l'EARL L'huître de la plage d'or demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal tendant à l'annulation des trois décisions du 3 janvier 2020 rejetant ses demandes d'autorisation d'exploiter et des deux premiers arrêtés du même jour autorisant l'EARL L'huître de la plage d'or à exploiter les concessions ostréicoles n° 01036385, n° 01101713. L'EARL demande également d'annuler le troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 autorisant la SARL Shell Fish distribution à exploiter la concession n° 02006659 et d'enjoindre au préfet du Calvados de lui accorder l'autorisation d'exploiter cette concession.

3. Par la requête n° 21NT02525, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du même jugement et M. D... demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement en tant qu'il enjoint seulement au préfet du Calvados de réexaminer ses demandes d'autorisation après avoir procédé à un nouvel appel à concurrence et d'enjoindre au préfet à titre principal de lui délivrer les autorisations sollicitées. Dans cette affaire, la SARL Shell Fish Distribution et l'EARL L'huître de la plage d'or présentent les mêmes conclusions que dans l'affaire n° 21NT02506.

4. Les requêtes n° 21NT02506 et n° 21NT02525 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.

Sur les fins de non-recevoir opposées par M. D... :

5. En premier lieu, il ressort des pièces jointes à la requête n° 21NT02525 qu'elle comporte une copie du jugement attaqué. La fin de non-recevoir opposée par M. D... à la requête du ministre ne peut dès lors qu'être écartée.

6. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que l'EARL L'huître de la plage d'or aurait demandé au tribunal d'annuler le troisième arrêté du préfet du Calvados du 3 janvier 2020 autorisant la SARL Shell Fish distribution à exploiter la concession n° 02006659. Par suite, ainsi que le fait valoir M. D..., ses conclusions à fin d'annulation, nouvelles en appel, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées, de même par voie de conséquence, que ses conclusions tendant à qu'il soit enjoint à l'administration de l'autoriser à exploiter la concession n° 2006659.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

7. Aux termes de l'article R. 923-6 du code rural et de la pêche maritime, d'une part : " I. - Il est établi un schéma des structures des exploitations de cultures marines par département et par type d'activité. Ce schéma est arrêté par le préfet ou, lorsqu'un bassin de production s'étend sur le territoire de plusieurs départements, par les préfets des départements riverains, au vu des éléments produits par les comités régionaux de la conchyliculture concernés et après avis de la ou des commissions des cultures marines. / II. - Ce schéma définit les priorités selon lesquelles les objectifs de la politique d'aménagement des structures des exploitations de cultures marines énoncés ci-dessous sont mis en œuvre dans le secteur considéré : / 1° Favoriser l'installation de jeunes exploitants ;/ 2° Assurer le maintien d'entreprises économiquement viables en évitant leur démembrement et en favorisant leur reprise ;/ 3° Permettre la création ou la reprise d'exploitations ayant une unité fonctionnelle ; / 4° Favoriser l'agrandissement des exploitations n'atteignant pas la dimension minimale de référence ;5° Favoriser le réaménagement de zones de cultures marines et l'installation de jeunes exploitants, notamment par la mise en réserve de surfaces concédées aux comités régionaux de la conchyliculture. / III. - L'exploitation de cultures marines, au sens du présent livre, regroupe l'ensemble des parcelles, quelle que soit leur localisation, faisant l'objet d'actes de concession, accordées par le préfet à un même exploitant.". Le deuxième alinéa de l'article R. 923-17 du code rural et de la pêche maritime précise qu'" est réputée personnelle l'exploitation qui est assurée directement par le concessionnaire et sa famille ou, sous sa direction et aux frais de celui-ci, par des ouvriers conchylicoles ". Aux termes de l'article R. 923-7 du même code enfin : " Le schéma des structures définit, notamment en fonction de critères hydrologiques, biologiques, économiques et démographiques : (...)/ 3° Une dimension minimale de référence correspondant à la surface dont devrait disposer une entreprise moyenne de type familial pour être viable dans le bassin considéré ; / 4° Une dimension maximale de référence par bassin prenant en compte les différents modes d'exploitation existants dans le bassin concerné ; / 5° Les priorités au regard desquelles sont examinées les demandes de concession en cohérence avec les objectifs énoncés à l'article D. 923-6 (...) ".

8. L'article R. 923-7 du même code prévoit, par ailleurs, que le titulaire d'une concession peut demander que soit substitué dans ses droits, jusqu'à l'échéance de la concession, un tiers, personne physique ou morale. L'article R. 923-34 du même code précise que : " La demande de substitution doit être accompagnée d'un projet de contrat dont la conclusion est subordonnée à la délivrance de l'autorisation, entre le concessionnaire et le tiers souhaitant bénéficier de la substitution (...) " et son article R. 923-35 que : " La demande de substitution fait l'objet d'un affichage dans les locaux de la direction départementale des territoires et de la mer et du comité régional de la conchyliculture et à la mairie des communes d'assiette des parcelles concédées. / Les affiches restent en place pendant une durée totale de trente jours. Pendant cette période, sont recevables toutes demandes concurrentes. (...) ".

9. Aux termes de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, d'autre part : " En cas de compétition entre plusieurs demandeurs sur une concession, les priorités sont établies dans l'ordre suivant : (...) / 3. Assurer le maintien d'entreprises économiquement viables en évitant leur démembrement et en favorisant leur reprise / 4. favoriser le réaménagement de zones de cultures marines et l'installation de jeunes exploitants, notamment par la mise en réserve de surfaces concédées aux comités régionaux conchylicoles, / 5. permettre la création ou la reprise d'exploitations ayant une unité fonctionnelle, / 6. favoriser l'agrandissement des exploitations n'atteignant pas la dimension minimale de référence (DlMIR) en privilégiant celles dont la surface est la plus proche de la DlMIR, / 7. favoriser l'installation de jeunes exploitants, demandeur ne disposant d'aucune superficie ou longueur soit à titre personnel, soit au travers d'une société, / 8. concessionnaire détenant une surface comprise entre la dimension minimale de référence (DIMIR) et la dimension maximale de référence (D1MAR), / 10. autres demandeurs, (...) ".

10. Selon les dispositions précitées de l'article R. 923-7 du code rural et de la pêche maritime, la dimension minimale de référence d'une exploitation d'aquaculture correspond à la surface dont devrait disposer une entreprise moyenne de type familial pour être viable dans le bassin considéré. Il résulte de l'annexe 1 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados que cette dimension minimale de référence a été fixée à 1,5 hectare dans le bassin de production " Baie des Veys " et à 2 hectares dans le bassin de production " Meuvaines- Ver-sur-mer ". Or, il ressort des pièces du dossier que M. C... était titulaire dans le bassin de production " Baie des Veys ", de deux concessions de 39 ares au total et dans le bassin de production " Meuvaines - Ver-sur-mer ", d'une concession de 99,98 ares. Compte tenu des dimensions minimales de référence pour les deux bassins en cause, son exploitation, composée de ces trois concessions ne pouvait pas, dès lors, être regardée comme une entreprise viable au sens du schéma directeur des structures des exploitations de cultures marines du Calvados. Elle ne pouvait donc pas être au nombre de celles relevant du rang 3 défini par l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados. Au demeurant, trois des autres demandeurs concurrents, dont l'EARL L'huître de la plage d'or avaient sollicité la reprise de l'ensemble de l'exploitation de M. C.... Par suite, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a jugé que les décisions et arrêtés contestés méconnaissaient les dispositions de l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, faute d'avoir fait bénéficier M. D... du rang de priorité n° 3 fixé par cet article pour " assurer le maintien d'entreprises économiquement viables en évitant leur démembrement et en favorisant leur reprise ".

11. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. D... devant le tribunal et la cour.

Sur les autres moyens invoqués par M. D... :

12. En premier lieu, M. Stéphane Guyon secrétaire général de la préfecture du Calvados et signataire des décisions et arrêtés en litige s'était vu consentir par le préfet de ce département, par un arrêté du 16 novembre 2016 régulièrement publié, une délégation de signature afin de signer tout arrêté ou décision à l'exception de certaines catégories d'entre eux parmi lesquelles ne figurent pas les actes administratifs contestés. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces actes doit donc être écarté.

13. En deuxième lieu, si les dispositions précitées de l'article R. 923-6 du code rural et de la pêche maritime énoncent les différents objectifs de la politique d'aménagement des structures des exploitations de cultures marines, elles confient au représentant de l'État dans le département le soin de déterminer les priorités selon lesquelles ces objectifs sont mis en œuvre. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de la méconnaissance de ces dispositions par le schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados doit être écarté comme infondé.

14. En troisième lieu, si M. D... soutient que l'entreprise de M. C... avait une unité fonctionnelle, il n'étaye pas cette allégation d'éléments probants. Il ressort, en revanche, des pièces du dossier que ce dernier n'assurait pas, à la date des décisions et arrêtés contestés, l'exploitation de la concession située à Ver sur Mer. Le préfet n'a donc pas méconnu les dispositions l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados en ne mettant pas en œuvre à son profit, et à celui des trois autres concurrents ayant sollicité la reprise des trois concessions en litige, la priorité n° 5 fixée pour la reprise d'exploitations ayant une unité fonctionnelle.

15. En quatrième lieu, la priorité n° 6 fixée par l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados permet de favoriser l'agrandissement des exploitations n'atteignant pas la dimension minimale de référence (DIMIR) en privilégiant celles dont la surface est, après attribution de la concession en concurrence, la plus proche de la DIMIR. Or, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 923-6 du code rural et de la pêche maritime que l'exploitation de cultures marines, au sens livre IX de la partie réglementaire de ce code, regroupe l'ensemble des parcelles, quelle que soit leur localisation, faisant l'objet d'actes de concession, accordées par le préfet à un même exploitant. Ainsi que le précisent les dispositions des articles R. 923-17 et R. 923-20 du même code, le préfet peut accorder des concessions de cultures marines tant à des personnes physiques, qui doivent alors les exploiter personnellement, qu'à des personnes morales de droit privé, qui peuvent aussi exploiter de telles concessions dans les conditions prévues à cet article R. 923-20. En outre, il ne résulte d'aucune disposition et en particulier pas de celles, précitées, du deuxième alinéa de l'article R. 923-17 du code rural et de la pêche maritime, que la surface de l'exploitation de concessions de cultures marines attribuée à une personne physique doive être prise en compte pour être ajoutée à celle des exploitations des personnes morales de droit privé dont cette personne physique est l'associée pour déterminer si l'ensemble de ces exploitations n'atteint pas la DIMIR. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'EARL L'huître de la plage d'or et la SARL Shell Fish Distribution comportaient avant l'intervention des arrêtés en litige des surfaces d'exploitation équivalant respectivement à 74,53 % de la DIMIR pour la première et à 50,195% pour la seconde et bénéficiaient, du fait de l'intervention de ces arrêtés de surfaces respectives d'exploitation, de 150,52 % et 100,19 % de la DIMIR sans toutefois atteindre la dimension maximale de référence. Par suite, en faisant bénéficier ces deux sociétés de la priorité n° 6 fixée par l'article 15 du schéma des structures des exploitations de cultures marines du Calvados, soit à un rang supérieur à celui attribué à M. D..., le préfet de ce département, n'a pas commis d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.

16. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... a déposé une demande pour chacune des concessions en litige, accompagnée d'un projet de contrat par demande. Ainsi, et alors que, comme il a été dit, l'exploitation par M. C... de l'ensemble des trois concessions ne pouvait être regardée ni comme une entreprise économiquement viable, ni comme une unité fonctionnelle, la Sarl Shell Fish Distribution pouvait présenter une demande portant sur une seule de ces concessions. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 923-34 du code rural et de la pêche maritime et, en tout état de cause, de la note de service DPMA/SDAEP/N2010-9621 du 20 juillet 2010 du directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture, doit, par suite, être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et, par voie d'appel incident dans l'instance n° 21NT02506, la SARL Shell Fish Distribution et l'EARL L'huître de la plage d'or sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a, par le jugement attaqué, annulé les décisions et arrêtés du 3 janvier 2019. Il en résulte que la requête de M. D... et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident doivent en revanche être rejetées.

Sur les frais d'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. D... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... à ce même titre les sommes que demandent la SARL Shell Fish Distribution et l'EARL L'huître de la plage d'or.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : La requête n° 21NT02506 de M. D... et le surplus des conclusions de la SARL Shell Fish Distribution et de l'EARL L'huître de la plage d'or sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la SARL Shell Fish Distribution, à l'EARL L'huître de la plage d'or et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 3 juin 2022.

Le rapporteur

X. A...Le président

D. SALVI

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21NT02506, 21NT02525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02506
Date de la décision : 03/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-03;21nt02506 ?
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