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12/04/2022 | FRANCE | N°20NT02769

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 12 avril 2022, 20NT02769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de son exposition aux poussières d'amiante au cours de sa carrière au sein de la direction des constructions navales.

Par une ordonnance n° 1906177 du 6 juillet 2020, le président de la 4ème chambre du tribunal a

dministratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de son exposition aux poussières d'amiante au cours de sa carrière au sein de la direction des constructions navales.

Par une ordonnance n° 1906177 du 6 juillet 2020, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, M. A..., représenté par Me Macouillard, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 6 juillet 2020 ;

2°) ou de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de la réponse donnée à la question prioritaire de constitutionnalité posée dans une affaire similaire soumise au Conseil d'Etat ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 30 000 euros, somme majorée des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation avec capitalisation des intérêts échus ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a considéré sa requête comme tardive ;

- une question prioritaire de constitutionnalité, s'agissant des dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui rend inapplicable aux agents de l'administration les règles relatives à la délivrance d'un accusé de réception, a été posée par la cour administrative de Marseille dans une affaire similaire ;

- il excipe de " l'illégalité " de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui rend inapplicable aux agents de l'administration les règles relatives à la délivrance d'un accusé de réception, dès lors que cet article méconnaît le principe d'égalité devant la loi dans la mesure où aucune différence de traitement n'est justifiée ; il n'a jamais reçu d'accusé de réception de sa demande indemnitaire réceptionnée le 24 juillet 2018 ;

- sur le fond, la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute car il a été exposé, pendant ses années d'activité en tant qu'ouvrier d'Etat à la direction des constructions navales de Brest, à l'inhalation de poussières d'amiante sans protection adaptée ni information des risques encourus ;

- compte tenu de la perte d'espérance de vie, il est fondé à demander la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 15 000 euros au titre de ses troubles subis dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ancien ouvrier d'Etat qui a travaillé au sein de la direction des constructions navales de 1982 à 2015 en qualité d'appareilleur, a sollicité auprès du ministre de la défense, par réclamation du 24 juillet 2018, reçue le même jour, l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son exposition aux poussières d'amiante. Suite au silence gardé par l'administration sur sa demande, il a saisi, le 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes d'une demande indemnitaire. Il relève appel de l'ordonnance du 6 juillet 2020 par laquelle le président de la 4ème chambre de ce tribunal a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Pour estimer que c'est à tort que sa requête a été regardée comme tardive par application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, M. A..., soutient qu'il n'a cependant jamais été destinataire d'un accusé de réception de sa demande indemnitaire réceptionnée le 24 juillet 2018 et que l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), qui rend inapplicable aux agents de l'administration les règles relatives à la délivrance d'un accusé de réception, ne saurait lui être opposé. A cet égard, s'il se prévaut de " l'exception d'illégalité " de ces dispositions législatives estimées contraires au principe d'égalité et se réfère à une question prioritaire de constitutionnalité posée sur ce point par une autre juridiction dans " une affaire similaire ", il doit être regardé par l'unique moyen contestant la motivation de l'ordonnance attaquée comme invoquant l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 112-2 du CRPA.

3. En premier lieu, il résulte de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, que ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du même code, qui prévoient, respectivement, que " toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) " et que " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation (...) ". D'une part, à l'exception des cas où, en application de l'article 61-1 de la Constitution, une question prioritaire de constitutionnalité est présentée par mémoire distinct, il n'appartient pas au juge administratif de connaître de la question de la conformité d'une loi à la Constitution. D'autre part, par une décision du 7 octobre 2020 n° 441747, le Conseil d'Etat, jugeant que les dispositions contestées de l'article L. 112-2 du CRPA ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice, a refusé de transmettre la question au Conseil constitutionnel. Il a, à cet effet, indiqué que si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. Il rappelle ensuite que la nature des relations qu'un agent employé par une personne publique entretient, en cette qualité, avec son employeur, est différente de celle entretenue par l'administration avec le public, y compris l'agent en sa qualité de citoyen ou d'usager. Enfin, le Conseil d'Etat juge qu'en excluant l'application aux relations entre l'administration et ses agents des dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, qui ont pour objet de régir les relations du public avec l'administration, sans viser à intervenir dans les relations entre l'administration et ses agents, les dispositions de l'article L. 112-2 du même code ne procèdent dès lors pas de distinctions injustifiées entre les administrés et les agents de l'administration et assurent aux justiciables des garanties propres à chacune des différentes natures de litiges qui sont susceptibles de les opposer à l'administration. Par suite, pour faire échec à la forclusion qui lui a été opposée, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de la circonstance qu'il n'a pas été destinataire d'un accusé de réception de sa demande indemnitaire réceptionnée le 24 juillet 2018.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". L'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, disposait que " l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux (...) ". Il en résultait que lorsqu'une personne s'était vu tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes alors en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification.

5. Le décret du 2 novembre 2016 a supprimé le 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative à compter du 1er janvier 2017 et a prévu que les nouvelles dispositions de cet article s'appliqueraient aux requêtes enregistrées à partir de cette date. Il en résulte que, s'agissant des décisions implicites relevant du plein contentieux, la nouvelle règle selon laquelle, sauf dispositions législatives ou réglementaires qui leur seraient propres, le délai de recours de deux mois court à compter de la date à laquelle elles sont nées, est applicable aux décisions nées à compter du 1er janvier 2017. S'agissant, en revanche, des décisions nées avant le 1er janvier 2017, les dispositions de l'article 35 de ce décret, qui fixe les conditions de son entrée en vigueur, n'ont pas pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet de déroger au principe général du droit selon lequel, en matière de délai de procédure, il ne peut être rétroactivement porté atteinte aux droits acquis par les parties sous l'empire des textes en vigueur à la date à laquelle le délai a commencé à courir. Il s'ensuit que, s'agissant des refus implicites nés avant le 1er janvier 2017 relevant du plein contentieux, le décret du 2 novembre 2016 n'a pas fait courir le délai de recours contre ces décisions à compter de la date à laquelle elles sont nées mais a fait courir un délai franc de recours de deux mois à compter du 1er janvier 2017, soit jusqu'au 2 mars 2017.

6. Au cas d'espèce, il résulte de l'instruction que M. A... a adressé une demande indemnitaire préalable au ministre des armées qui l'a réceptionnée le 24 juillet 2018. Le silence gardé par l'administration sur sa demande a fait naître le 24 septembre 2018 une décision implicite de rejet relevant du plein contentieux. Cette décision étant née après le 1er janvier 2017, le délai de recours de deux mois a commencé à courir à compter de cette date du 24 septembre 2018 pour se terminer deux mois plus tard et était donc expiré à la date du 11 décembre 2019 à laquelle la demande de M. A... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes.

7. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02769 2

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 12/04/2022
Date de l'import : 19/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT02769
Numéro NOR : CETATEXT000045570121 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-12;20nt02769 ?
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