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12/04/2022 | FRANCE | N°20NT02612

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 12 avril 2022, 20NT02612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de C... a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de lui restituer ses primes avec effet rétroactif, enfin de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 1500 euros en application des dispos

itions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de C... a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de lui restituer ses primes avec effet rétroactif, enfin de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801946 du 13 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, Mme A... représentée par Me Desert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1801946 du 13 mars 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de C... a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de C... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges, qui devaient prendre en compte dans leur ensemble les faits dénoncés par elle, ont refusé de reconnaître l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral ;

- l'avertissement qui lui a été infligé le 3 mai 2017 qui repose sur le retard prétendu dans le traitement de ses dossiers, lequel n'est pas avéré, s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral ;

- elle a connu une modification substantielle de ses fonctions, notamment la perte de son management et des fonctions d'encadrement ; elle s'est vue interdire de siéger à une réunion de commission de marchés publics ;

- elle a subi des dénigrements et a été progressivement " mise au placard ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2021, la commune de C..., représentée par Me Gorand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Un nouveau mémoire a été enregistré pour Mme A..., le 24 mars 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., technicien principal de 1ère classe, a été recrutée par la commune de C... pour exercer, à compter du 1er juin 2016, les fonctions de responsable des services techniques. Son temps de travail a alors, avec son accord, été partagé entre la commune, à hauteur de 60%, et la communauté de communes à laquelle cette collectivité appartenait, à hauteur de 40%. Il a été mis fin à cette organisation à la suite de la révision générale du schéma de coopération intercommunale, Mme A... consacrant alors la totalité de son temps de travail à ses missions au sein de la commune. Le 3 mai 2017, elle a fait l'objet d'un avertissement aux motifs du non-respect des délais, rappelés à plusieurs reprises, dans la production et réalisations de certains travaux (devis, comparatifs d'offres commerciales, métrés et CGTP), ce qui a été regardé par la commune comme un " comportement préjudiciable au bon fonctionnement de la collectivité ". A la suite du départ, au mois de juin 2017, du directeur général des services, qui n'a pas été remplacé et dont les fonctions ont été réparties entre la secrétaire générale de la mairie et le directeur financier, une restructuration des services de la commune a été décidée. Un nouvel organigramme a alors été arrêté et soumis, le 12 septembre 2017, au comité technique paritaire, qui a émis un avis favorable. La fiche de poste de Mme A... a été revue. Ses missions d'encadrement lui ont été retirées, cet agent devenant, au titre de sa mission principale et sous l'autorité de la responsable des finances et en lien avec les élus, responsable de la rédaction et de la gestion des marchés publics techniques, et, au titre de ses missions secondaires, chargée notamment du suivi de la partie technique des réseaux d'eau et d'assainissement de la commune. Le 24 novembre 2017, cet agent a été convoquée à sa demande à une visite médicale intermédiaire au centre de gestion. S'estimant victime de faits de harcèlement moral, elle a sollicité, par un courrier du 4 décembre 2017, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un arrêté du 7 décembre 2017, Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire du 21 au 29 novembre inclus, décision qui a été renouvelée à plusieurs reprises. Par une décision du 1er février 2018, le maire de C... a rejeté la demande de protection fonctionnelle.

2. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a rejeté son recours gracieux. Mme A... relève appel du jugement du 13 mars 2020 par lequel cette juridiction a rejeté ses demandes.

3. Aux termes, en premier lieu, du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. Aux termes en second lieu, du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du

13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

5. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. Enfin, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

7. Pour soutenir qu'elle est victime de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques à compter d'avril 2017, l'intéressée fait valoir que l'avertissement qui lui a été infligé au mois de mai 2017 repose sur des motifs non avérés, qu'elle a connu une modification substantielle de ses attributions, notamment la perte de ses fonctions d'encadrement, qu'elle s'est vu interdire de siéger à une réunion de commission de marchés publics et a subi des dénigrements étant progressivement " mise à l'écart " et a été déchargée de toutes ses tâches.

8. Il ressort toutefois des pièces versées au dossier, d'une part, que la requérante, qui avait préalablement fait l'objet d'observations verbales de la part du directeur général des services de la commune, s'est vu, le 3 mai 2017, infliger un avertissement en raison des retards pris dans l'accomplissement de ses différentes tâches, ce que plusieurs agents de la commune ont également confirmé lors de l'enquête administrative diligentée à la suite de la demande de protection fonctionnelle pour harcèlement moral. D'autre part, s'il est exact que les tâches confiées à la requérante ont été redéfinies au mois de septembre 2017, cette démarche s'inscrivait, comme l'attestent les éléments du dossier, dans le processus de réorganisation générale des services de la commune initié en 2017, qui a conduit à la mise en place d'un nouvel organigramme. Il est constant, ainsi que cela ressort du compte-rendu du comité technique paritaire du 12 septembre 2017, que si des missions, notamment d'encadrement ont été retirées à l'intéressée, ce qui affectait son régime indemnitaire, elle a conservé son grade et le traitement indiciaire correspondant. Ce retrait de fonctions était par ailleurs justifié par les nécessités de service et la circonstance qu'il convenait de ne pas alourdir sa charge de travail. Cette décision qui n'excède pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique n'est pas constitutive d'un harcèlement moral. Par ailleurs, sa nouvelle fiche de poste en qualité de responsable des marchés publics montre qu'au titre de ses activités principales et secondaires, de très nombreuses missions lui étaient confiées et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été déchargée de toutes ses tâches à compter de la fin du mois d'octobre 2017. Si la requérante soutient également qu'elle se serait vu interdire de participer à une réunion de commission des marchés publics alors qu'elle était responsable de ce secteur, elle ne l'établit pas. Enfin, si l'enquête administrative diligentée au sein de la commune au mois de juillet 2018, évoquée plus haut, au cours de laquelle ont été auditionnés huit agents de la collectivité, dont une déléguée du personnel, fait apparaître des reproches formulés à l'encontre de l'intéressée dans l'exécution de son travail, ces auditions ne font en revanche pas état de l'existence d'un harcèlement moral, pas plus que de propos de dénigrement, dont elle aurait fait l'objet de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Dans ces conditions, en l'absence d'agissements pouvant constituer un harcèlement moral et imputables à sa hiérarchie, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant, par la décision contestée du 1er février 2018, de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle, le maire de C... aurait commis une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2018 refusant de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Sur les frais liés au litige :

10. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de C... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que Mme A... réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante une somme de 1000 euros à verser à cette collectivité en application des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera la somme de 1000 euros à la commune de C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de C....

Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02612 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02612
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-12;20nt02612 ?
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