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08/03/2022 | FRANCE | N°20NT02479

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 mars 2022, 20NT02479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, Mme G... B... épouse A... F... et Mme D... C... veuve E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler trois certificats d'urbanisme opérationnels négatifs délivrés le 9 août 2017 par le maire de la commune de Saint-Quay-Perros (Côtes d'Armor), numérotés C0025, concernant la construction d'une maison individuelle sur des parcelles cadastrées section BA n°s 100, 98, 261 et 245, C0026, concernant la construction d'une maison individuelle sur les parcelles cada

strées section BA n°s 222 et 99 et C0027, concernant la construction d'une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, Mme G... B... épouse A... F... et Mme D... C... veuve E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler trois certificats d'urbanisme opérationnels négatifs délivrés le 9 août 2017 par le maire de la commune de Saint-Quay-Perros (Côtes d'Armor), numérotés C0025, concernant la construction d'une maison individuelle sur des parcelles cadastrées section BA n°s 100, 98, 261 et 245, C0026, concernant la construction d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section BA n°s 222 et 99 et C0027, concernant la construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section BA n° 249, située rue de la Vieille Côte.

Par un jugement n°s 1704476, 1803021 et 1803022 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 août et 16 décembre 2020, Mme G... B... épouse A... F... et Mme D... C... veuve E..., représentées par Me Thoumazeau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les trois certificats d'urbanisme négatifs délivrés le 9 août 2017 par le maire de la commune de Saint-Quay-Perros ;

3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Quay-Perros ou à toute autorité administrative compétente de réexaminer le classement des parcelles cadastrées section BA n°s 100, 98, 261, 245, 222, 99 et 249 dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Quay-Perros le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'illégalité du classement de leurs parcelles en zone naturelle entache d'illégalité l'ensemble des certificats d'urbanisme négatifs contestés ;

- l'illégalité du classement de leurs parcelles n°s 100, 98, 261, 245, 222 et 99 en espaces boisés classés entache d'illégalité les certificats d'urbanisme négatifs n°s C0025 et C 0026 ;

- l'illégalité de l'emplacement réservé n° 3 affectant la parcelle cadastrée section BA n° 222 entache d'illégalité le certificat d'urbanisme négatif n° C0026.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 novembre 2020 et 10 mai 2021, la commune de Saint-Quay-Perros, représentée par Me Lahalle, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mmes A... F... et E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable pour défaut de motivation ; les conclusions tendant à ce que la cour constate l'illégalité du classement des parcelles en zone naturelle et de l'instauration d'un espace boisé classé et de l'emplacement réservé n° 3 sont irrecevables par leur objet ; les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Quay-Perros de réexaminer le classement des parcelles sont irrecevables dès lors que l'annulation des certificats d'urbanisme négatifs contestés ne peut impliquer une telle mesure ;

- aucun des moyens invoqués par les requérantes n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- les observations de Me Guegan substituant Me Thoumazeau, pour Mme A... F... et Mme E... et celles de Me Oueslati substituant Me Lahalle, pour la commune de Saint-Quay-Perros.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de Mme A... F... et Mme E... tendant à l'annulation des trois certificats d'urbanisme opérationnels négatifs délivrés le 9 août 2017 par le maire de la commune de Saint-Quay-Perros, n° C0025 concernant la construction d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section BA n°s 100, 98, 261 et 245, n° C0026 concernant la construction d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section BA n°s 222 et 99 et n° C0027 concernant la construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée BA n° 249, situées rue de la Vieille Côte. Mme A... F... et Mme E... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation des certificats d'urbanisme du 9 août 2017 :

2. Il ressort de la lecture des certificats d'urbanisme attaqués que leur caractère négatif est motivé, pour l'ensemble de ces certificats, par le classement par le plan local d'urbanisme des terrains en zone naturelle, ainsi que, pour les certificats C0025 et C0026, par le classement d'une partie des terrains correspondants en espace boisé classé et, pour le seul certificat C0025, par l'inscription d'une parcelle en espace réservé. Les requérants excipent de l'illégalité des prescriptions correspondantes du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Perros.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". L'article R. 151-24 du même code prévoit : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".

4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de définir, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Perros, que le territoire de la commune présente un environnement naturel préservé bien limité en surface et un développement urbain en chapelet le long de la route départementale 788. Parmi les enjeux et objectifs retenus par le projet d'aménagement et de développement durables figurent l'amélioration de l'image de la commune depuis la route départementale 788 et la maîtrise de l'urbanisation aux abords de cet axe routier par le traitement de la façade urbaine, notamment le traitement paysager. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme rappelle l'objectif de préservation des qualités paysagères du site et la qualité de vie qui en découle et précise qu'il s'agit de préserver la qualité et la variété des sites et milieux naturels et de classer en secteur N les vallées du Kerduel, du Cruguil et du Kergomar qui constituent des coupures vertes et des respirations au sein d'un territoire très urbanisé.

6. Les parcelles appartenant à Mmes A... F... et E... se trouvent enchâssées entre la route départementale 788 et une zone densément urbanisée de lotissements, dans le prolongement de la vallée du Cruguil, laquelle se situe de l'autre côté de l'axe routier. Il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreuses photographies produites par les parties, que les parcelles concernées par les certificats d'urbanisme contestés, non bâties, sont constituées de prairies, de landes et de haies bocagères et présentent ainsi un caractère naturel. En outre, la partie ouest du secteur présente une nature de landes sèches et, dans son avis du 23 juin 2009, rendu au cours de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune approuvé par la délibération du 26 février 2010, le département des Côtes-d'Armor avait proposé de préserver en l'état la parcelle BA 222 occupée par cet habitat naturel de lande sèche caractéristique et sur laquelle un emplacement réservé est prévu pour l'aménagement d'un espace paysager. Il suit de là que le classement en zone naturelle des parcelles concernées n'est ni fondé sur des faits matériellement inexacts, ni entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce classement doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Il résulte de ces dispositions qu'un classement en espace boisé n'est subordonné ni à la valeur du boisement existant, ni même à l'existence d'un tel boisement.

8. Pour soutenir que le classement en espaces boisés classés des parcelles BA 100, 98, 261, 245 et 99, serait illégal, les requérantes se prévalent de ce que ces parcelles ne sont pas situées à proximité d'espaces boisés avoisinants, de ce qu'il n'existe pas de plantations sur les parcelles, et encore moins de plantations présentant un intérêt, et de ce que le maire leur a demandé en 2017 de débroussailler la parcelle BA 222 dans la mesure où le terrain était situé en limite de zone urbaine. Toutefois, au regard de ce qui a été rappelé au point précédent, de telles circonstances ne suffisent pas à établir que le classement des parcelles concernées en espaces boisés classés serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce classement doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / (...) / 3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques ; (...) ". L'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé, sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Toutefois, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur le caractère réel de l'intention de la commune. Enfin, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.

10. Il ressort des pièces du dossier que le diagnostic du plan local d'urbanisme de Saint-Quay-Perros identifie le secteur concerné par les certificats d'urbanisme contestés comme correspondant à une des seules vues remarquables subsistant à l'état naturel sur la baie de Perros-Guirec. Le plan local d'urbanisme instaure sur la parcelle BA 222 l'emplacement réservé n° 3 afin de permettre l'aménagement d'un espace paysager préservant le panorama sur la baie de Perros-Guirec. Les circonstances que la parcelle ne soit pas accessible au public et que la photographie incluse dans le rapport de présentation ait été prise en contrebas de la parcelle BA 222 sont sans incidence sur la légalité de cet emplacement réservé. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'emplacement réservé n° 3 serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation. En outre, contrairement à ce qu'elles soutiennent, il ressort des pièces du dossier que les parcelles BA 211 et 218 situées au sud de l'emplacement réservé n'appartiennent plus à l'épouse du maire de la commune de Saint-Quay-Perros depuis 2002. Par suite et en tout état de cause, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de de l'emplacement réservé n° 3 créé sur la parcelle cadastrée section BA 222 doit dès lors être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête par la commune de Saint-Quay-Perros, que Mmes A... F... et E... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des certificats d'urbanisme du 9 août 2017 n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite et en tout état de cause, les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérantes ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Quay-Perros, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mmes A... F... et E... A... la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A... F... et de Mme E..., chacune, le versement à la commune de Saint-Quay-Perros d'une somme de 750 euros au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... F... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Mme A... F... et Mme E... verseront chacune une somme de 750 euros à la commune de Saint-Quay-Perros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... épouse A... F..., à Mme D... C... veuve E... et à la commune de Saint-Quay-Perros.

Délibéré après l'audience du 21 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

J. FRANCFORT Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02479
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-08;20nt02479 ?
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