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04/02/2022 | FRANCE | N°21NT03248

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 février 2022, 21NT03248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 12 mai 2021 du préfet du Calvados portant retrait de sa carte de résident.

Par une ordonnance no 2101549 du 11 octobre 2021, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Grandserre, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 octobre 2021 du président du t

ribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2021 du préfet du Calvados portant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 12 mai 2021 du préfet du Calvados portant retrait de sa carte de résident.

Par une ordonnance no 2101549 du 11 octobre 2021, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Grandserre, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 octobre 2021 du président du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2021 du préfet du Calvados portant retrait de sa carte de résident.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et méconnaît le droit à un procès équitable protégé par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les conditions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ne sont pas remplies et que sa requête aurait dû être examinée en audience ;

- la décision portant retrait de sa carte de résident est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur de droit car elle méconnaît les dispositions des articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête, en soutenant qu'aucun des moyens de celle-ci n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre,

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant péruvien né le 19 février 1969, déclare être entré en France en 1991, a obtenu un titre de séjour à compter du 18 janvier 1992 renouvelé jusqu'au 17 janvier 2002, puis une carte de résident valable dix ans, en dernier lieu du 18 janvier 2012 au 17 janvier 2022. Le 8 juin 2017, il a été condamné à une peine de treize ans de réclusion criminelle par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine pour des faits de viol commis par une personne étant ou ayant été concubin, violences habituelles suivies d'une incapacité supérieure à huit jours, et menaces de mort. Le préfet du Calvados, par une décision du 12 mai 2021, a retiré à M. B... sa carte de résident. Le requérant relève appel de l'ordonnance du 11 octobre 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 12 mai 2021.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ".

3. Pour rejeter, par l'ordonnance attaquée prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222- 1 du code de justice administrative, la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant retrait de sa carte de résident, le président du tribunal administratif de Caen a considéré que le demandeur ne faisait valoir qu'un moyen de légalité externe infondé, un moyen inopérant et un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter suffisamment de précisions pour permettre d'en apprécier le bien-fondé. Toutefois sur ce dernier point, en soutenant, dans ses écritures de première instance, qu'il n'avait été condamné pénalement qu'à une seule reprise, qu'il résidait en France depuis trente ans, qu'il était marié à une femme de nationalité française avec laquelle il a eu une fille née en 2003 et qu'il avait obtenu la nationalité française avant de devoir y renoncer, M. B... a nécessairement invoqué des faits susceptibles de venir au soutien de ce moyen et l'a assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. II suit de là que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur la légalité de la décision du préfet du Calvados du 12 mai 2021 :

5. Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision portant retrait de la carte de résident de M. B... comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

7. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision portant retrait de la carte de résident, qui n'a ni pour objet ni pour effet d'expulser M. B... hors du territoire français.

8. En troisième et dernier lieu, si M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis trente ans, il ne justifie aucunement des liens qu'il entretiendrait avec sa fille, au demeurant aujourd'hui majeure. Par ailleurs, la circonstance qu'il a été marié à une femme de nationalité française est sans incidence sur la légalité de la décision, alors surtout que c'est notamment en raison de faits de viol réitérés et de violences habituelles commis sur cette personne qu'il a été condamné par la cour d'assise d'Ille-et-Vilaine à treize ans de réclusion criminelle. Enfin, s'il soutient qu'il n'a fait l'objet que d'une seule condamnation ne concernant qu'une partie civile, il ressort des pièces du dossier que les faits, qui portent une atteinte particulièrement grave à l'ordre public, ont été en réalité commis contre deux victimes et qu'ils se sont étalés sur plusieurs années. Dès lors, en prenant la décision contestée, le préfet du Calvados n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis une erreur d'appréciation de la menace pour l'ordre public que représentait le requérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2021 du préfet du Calvados portant retrait de sa carte de résident.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°2101549 du 11 octobre 2021 du président du tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : Le surplus de la requête d'appel de M. B... et sa demande devant le tribunal administratif de Caen sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LAINÉ

L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

C. RIVAS

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT032482

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03248
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : MARAND-GOMBAR et MALGORN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-04;21nt03248 ?
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