La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2022 | FRANCE | N°21NT02637

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 janvier 2022, 21NT02637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Divatte-sur-Loire l'a mis en demeure de retirer les obstacles à la circulation qu'il a installés sur les chemins ruraux n° 81, 82, 103 et 108 de la commune et de clôturer les parcelles adjacentes sur lesquelles pâturent ses animaux.

Par un jugement n° 1806657 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 22 septembre et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Divatte-sur-Loire l'a mis en demeure de retirer les obstacles à la circulation qu'il a installés sur les chemins ruraux n° 81, 82, 103 et 108 de la commune et de clôturer les parcelles adjacentes sur lesquelles pâturent ses animaux.

Par un jugement n° 1806657 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 22 septembre et le 27 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Giroud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2018 du maire de la commune de Divatte-sur-Loire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Divatte-sur-Loire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car insuffisamment motivé sur le moyen tiré du défaut de justification par l'administration de son titre de propriété sur trois des chemins ruraux en litige ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, s'agissant des chemins n° 81, 82 et 108 ainsi que d'erreurs de fait, s'agissant du chemin n° 103 ;

- il n'est pas établi que l'arrêté contesté ait été signé par une autorité compétente ;

- la qualification de chemins ruraux suppose non seulement l'appartenance des chemins en cause au domaine privé de la commune, mais en outre leur affectation à l'usage du public ;

- l'affectation à l'usage du public des chemins n° 81, 82 et 108 ne saurait se présumer au regard des éléments du dossier ; la seule volonté de la commune d'affecter ces chemins au public n'établit pas une affectation réelle et antérieure desdits chemins à l'usage du public ;

- la cour d'appel de Rennes n'a pas jugé que l'administration justifiait d'un droit de propriété sur les chemins n° 81, 82 et 108 mais a tout au plus retenu la présomption de propriété de la commune ;

- il apporte la preuve que la propriété du chemin n° 103 était intégrée à un acte de vente authentifié en 1919, au profit d'une personne privée, avant qu'il ne soit transféré à son bénéfice par le jeu des cessions successives de propriétés ; ce chemin part d'une maison d'habitation appartenant aux consorts B... et dessert les parcelles n° F 711, F 712 et F 713 dont il est propriétaire ; deux actes de donation-partage se réfèrent à des chemins privés aux droits des parcelles F 711 et F 712.

Vu :

- l'ordonnance du président de la 4ème chambre de la cour du 14 octobre 2021 confirmant le refus, décidé par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juillet 2021, de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B... à l'encontre des articles L. 161-2 et L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Giroud, représentant M. B..., et de Me Naux, représentant la commune de Divatte-sur-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est exploitant agricole sur le territoire de la commune de Divatte-sur-Loire, qui est née le 1er janvier 2016 de la fusion des communes de Barbechat et de La Chapelle-Basse-Mer (Loire-Atlantique). Par délibération du 18 juillet 2007, le conseil municipal de la commune de Barbechat a approuvé l'inventaire des chemins ruraux de cette commune réalisé par un cabinet de géomètres-experts, cet inventaire comprenant notamment les chemins ruraux CR 81, CR 82 et CR 108. En 2011, la commune a entrepris un travail de clarification et de régularisation des chemins ruraux ainsi recensés avant que ne soit menée en 2013, sur la base d'un diagnostic faisant état du recensement des chemins ruraux et de leur état, une enquête publique portant sur un certain nombre de chemins ruraux ayant fait l'objet d'une appropriation par des exploitants agricoles. Pour certains d'entre eux, une convention d'occupation précaire a été régularisée avec l'occupant. Une convention a ainsi été proposée à M. B... le 5 mars 2014, portant sur l'occupation de plusieurs chemins ruraux, dont le chemin n° 103. En revanche, la commune a souhaité rétablir l'ouverture au public des chemins ruraux n° 81, n° 82 et n° 108, occupés par M. B.... Le 15 décembre 2015, le maire a pris un arrêté mettant en demeure l'intéressé de retirer tous obstacles à la circulation sur les chemins ruraux n° 81 et n° 82, arrêté qui a fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 14 juin 2018, a prononcé un non-lieu à statuer à la suite de l'abrogation, par un arrêté du 16 octobre 2017, devenu définitif, de la décision de mise en demeure du 15 décembre 2015 par le maire de Divatte-sur-Loire, en raison de l'absence de procédure contradictoire préalable. Le 12 juillet 2018, M. B... a de nouveau été mis en demeure par le maire de cette commune de retirer, dans un délai de deux mois, les obstacles qu'il avait installés sur les chemins ruraux n° 81, 82, 103 et 108 et de clôturer les parcelles adjacentes à ces quatre chemins, sur lesquelles pâturent ses animaux. M. B... relève appel du jugement du 22 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Divatte-sur-Loire du 12 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Afin de satisfaire au principe de motivation des décisions de justice, le juge administratif doit répondre, à proportion de l'argumentation qui les étaye, aux moyens qui ont été soulevés par les parties et qui ne sont pas inopérants. En l'espèce, le requérant soutient que le jugement serait irrégulier en raison de son insuffisante motivation au motif qu'il se serait borné à se prononcer sur le moyen tiré du défaut de justificatif par l'administration d'un titre de propriété portant sur trois des chemins litigieux par un simple renvoi à un jugement du tribunal de grande instance de Nantes et à un arrêt de la Cour d'appel de Rennes. Toutefois, avant d'affirmer en son point 13 que la commune justifie d'un droit de propriété sur les chemins litigieux eu égard aux énonciations du jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 8 novembre 2018 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 12 mai 2020, le jugement du tribunal administratif expose très précisément en son point 10 le contenu de ces décisions judiciaires en rappelant, d'une part, que le jugement du tribunal de grande instance de Nantes a reconnu la qualité de chemins ruraux des trois chemins litigieux n° 81, 82 et 108 et a rejeté la demande de M. B... visant à ce que la propriété des chemins ruraux n° 81 et 82 lui soit reconnue au titre de la prescription trentenaire, et d'autre part que l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 12 mai 2020 a confirmé ce jugement et a relevé tous les éléments qui suffisent à faire présumer en application de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime l'affectation des chemins en cause à l'usage du public, laquelle permet de présumer jusqu'à preuve contraire que ces chemins appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés, en vertu de l'article L. 161-3 du même code. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est aucunement entaché de l'irrégularité alléguée.

4. D'autre part, si le requérant soutient que le tribunal a commis des erreurs de fait, de droit et d'appréciation, ces erreurs, en tout état de cause, n'affectent que le bien-fondé du jugement et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Aux termes de l'article D. 161-11 du même code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence (...). ". Enfin l'article D. 161-14 du code précité prévoit que : " Il est expressément fait défense de nuire aux chaussées des chemins ruraux et à leurs dépendances ou de compromettre la sécurité ou la commodité de la circulation sur ces voies, notamment : (...) 12° De déposer sur ces chemins des objets ou produits divers susceptibles de porter atteinte à la sécurité de la circulation (...) ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il revient au maire, autorité municipale chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux, de garantir le respect de la sécurité ou la commodité de la circulation sur ces chemins. À cette fin, le maire dispose des prérogatives que lui confèrent les dispositions du code rural et de la pêche maritime citées au point précédent, incluant la possibilité de prendre les mesures conservatoires exigées par les circonstances pour y remédier d'urgence, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites susceptibles d'être engagées contre lui. Dès lors, le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Divatte-sur-Loire aurait été incompétent pour signer l'arrêté en litige doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. ". Par ailleurs, l'article L. 161-3 du même code dispose que " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. ".

8. Il ressort des pièces du dossier, comme le constate dans son jugement du 8 novembre 2018 le tribunal de grande instance (TGI) de Nantes pour rejeter la revendication de propriété des consorts B..., que, d'une part, les photographies démontrent que le tracé des chemins n° 81, 82 et 108 est visible, que d'autre part, les trois chemins étaient régulièrement utilisés par des usagers, et ce depuis fort longtemps en raison de leur ancienneté, et que enfin ces chemins ne peuvent pas être des chemins d'exploitation dès lors qu'ils constituent au contraire des voies de communication entre divers hameaux du territoire communal ou entre l'un de ces hameaux et une voie communale. Ces constatations établissent l'affectation des chemins en cause à l'usage du public, laquelle suffit à entraîner l'application de la présomption de propriété de la commune prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime. Par ailleurs, dans son arrêt du 12 mai 2020, la Cour d'appel de Rennes a confirmé en totalité le jugement du TGI de Nantes du 8 novembre 2018 en rejetant également la revendication de propriété des consorts B... sur les chemins ruraux n° 81, 82 et 108, tant sur leur moyen principal tiré de ce qu'il s'agirait de chemins d'exploitation que sur leur moyen subsidiaire de la prescription acquisitive, et réaffirme qu'ils étaient " affectés à la circulation de la population dans son ensemble ". M. B... ne peut dans ces conditions sérieusement prétendre que la présomption d'affectation des trois chemins 81, 82 et 108 à l'usage du public ne résulterait que de la volonté de la commune. Il en résulte, comme le retient la Cour d'appel de Rennes dont l'arrêt a été confirmé par le rejet du pourvoi des consorts B... par un arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2021, que s'applique la présomption de propriété de la commune issue des dispositions combinées des articles L. 161-2 et L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime et que celle-ci n'est renversée par aucun élément de preuve contraire.

9. En troisième lieu, M. B... soutient que la propriété du chemin rural n° 103 aurait été intégrée à un acte de vente authentifié en 1919, au profit d'une personne privée, avant son transfert à son bénéfice par le jeu des cessions successives de propriétés. S'il affirme ainsi être propriétaire du terrain d'assiette de ce chemin, il ne produit à l'appui de ses prétentions aucune pièce probante susceptible de soulever une difficulté sérieuse sur la question de la propriété de ce terrain, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Divatte-sur-Loire justifie de ce que le chemin n° 103 est inscrit depuis 2007, conformément à la délibération du conseil municipal de Barbechat du 18 septembre 2007, dans l'inventaire des chemins ruraux appartenant au domaine privé de la commune. Il ressort également des pièces du dossier que le chemin rural n° 103, qui figure sur le cadastre et sur les photographies aériennes, assure également la jonction avec le chemin rural n° 102 et avec la voie communale n° 36. Par ailleurs, il est constant qu'une partie de ce chemin rural, située au lieudit Dethuaud, fait partie du circuit de la Berrière, circuit inscrit depuis des années au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. Le requérant se prévaut certes de deux actes de donation-partage du 15 mars 1919 " par M. et Mme A... à leurs enfants " portant sur deux lots distincts, mais si est mentionnée dans ces actes de 1919 l'existence d'un " chemin privé de Detuaud pour desservir les biens compris aux trois lots ", aucun élément du dossier ne permet de justifier que ce chemin, susceptible d'être un chemin d'exploitation privé eu égard à son objet, correspondrait à l'assiette du chemin rural n° 103 revendiqué par le requérant. Dans ces conditions, la présomption d'affectation à l'usage du public découlant de ces éléments n'est pas renversée par M. B..., qui ne produit aucun acte probant aux termes duquel il serait reconnu propriétaire du chemin rural n° 103.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le maire de la commune de Divatte-sur-Loire a pu légalement mettre en demeure M. B... de rétablir l'assiette des chemins ruraux nos 81, 82, 103 et 108 afin d'y permettre la libre circulation et que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2018.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Divatte-sur-Loire, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... ne peuvent dès lors être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Divatte-sur-Loire.

Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN

Le président,

L. LAINE

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02637
Date de la décision : 21/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-21;21nt02637 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award