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21/01/2022 | FRANCE | N°21NT00951

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 janvier 2022, 21NT00951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Leblond-Socobeur et la SAS établissements Philippe Charrier ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 novembre 2017 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté leur demande tendant au retrait de la décision du directeur départemental de la protection des populations du 4 août 2017 enjoignant à la SAS Leblond-Socobeur de mettre son " beurre extra-fin demi-sel " de marque ENVIA en conformité avec les obligations édictées à l'article 2.b du décret n° 8

8-1204 du 30 décembre 1988 dans un délai de six mois.

Par un jugement n° 180...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Leblond-Socobeur et la SAS établissements Philippe Charrier ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 novembre 2017 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté leur demande tendant au retrait de la décision du directeur départemental de la protection des populations du 4 août 2017 enjoignant à la SAS Leblond-Socobeur de mettre son " beurre extra-fin demi-sel " de marque ENVIA en conformité avec les obligations édictées à l'article 2.b du décret n° 88-1204 du 30 décembre 1988 dans un délai de six mois.

Par un jugement n° 1800535 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 7 avril 2021, la SAS Leblond-Socobeur et la SAS établissements Philippe Charrier, représentées par Me de Brosse, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2017 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté leur demande tendant au retrait de la décision du directeur départemental de la protection des populations (DDPP) du 4 août 2017 enjoignant à la SAS Leblond-Socobeur de mettre son " beurre extra-fin demi-sel " de marque ENVIA en conformité avec les obligations édictées à l'article 2.b du décret n° 88-1204 du 30 décembre 1988 dans un délai de six mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la décision contestée, et le jugement attaqué, reposent sur une appréciation erronée des faits et de la réglementation ; la société établissements Philippe Charrier produit dans son usine carquefolienne du beurre extra-fin demi-sel, dans le respect de la réglementation en vigueur (article 2 du décret n° 88-1204), dès lors qu'elle se borne à ajouter du sel au beurre qui lui est livré, avant de le conditionner en plaquettes, ce qui ne s'assimile pas à de la transformation ; les beurres qui lui sont livrés sont bien fabriqués à partir de crème ; par suite aucune pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 521-1 du code de la consommation n'est établie ;

- il est porté atteinte au principe de sécurité juridique eu égard à la position adoptée par la direction départementale de la protection des populations le 20 février 1989, confirmée le 16 octobre 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 2015/2446 du Parlement européen et du Conseil du 28 juillet 2015 ;

- le règlement (UE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de la consommation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 88-1204 du 30 décembre 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les 12 octobre 2016 et 15 novembre 2016, des inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Loire-Atlantique ont effectué, dans des locaux professionnels situés à Carquefou (Loire-Atlantique), un contrôle des activités de la SAS établissements Philippe Charrier, spécialisée dans le secteur d'activité de la vente en gros et demi-gros de beurre, œufs et fromages, alors en cours d'acquisition de la société Leblond-Socobeur exploitante. Ce contrôle a porté sur le procédé de fabrication et l'étiquetage de plusieurs produits. Par un courrier du 26 juin 2017, la directrice départementale de la protection des populations de la Loire-Atlantique a informé la société Leblond-Socobeur de ce qu'elle envisageait, à la suite de ce contrôle, de lui enjoindre, en application de l'article L. 521-1 du code de la consommation, de mettre en conformité avec la réglementation l'étiquetage du beurre demi-sel " extra-fin " de marque Envia qu'elle produit. La société a fait valoir ses observations sur les mesures envisagées par l'administration par un courrier du 26 juillet 2017. Par décision du 4 août 2017, la directrice départementale a enjoint à cette société de mettre en œuvre, dans un délai de six mois, les mesures correctives envisagées dans son courrier du 26 juin 2017. Par un courrier du 9 octobre 2017, la société a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique le retrait de la décision du 4 août 2017. Par une décision du 17 novembre 2017, la préfète a rejeté cette demande. Par un jugement du 5 février 2021, dont les sociétés Leblond-Socobeur et établissements Philippe Charrier relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette dernière décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction. ".

3. Aux termes de l'article 2 du décret du 30 décembre 1988 réglementant la fabrication et la vente des beurres et de certaines spécialités laitières : " (...) b) La dénomination "beurre extra-fin" est réservée au beurre fabriqué exclusivement à partir de crème : / 1. N'ayant pas subi de traitement d'assainissement autre que la pasteurisation ; / 2. N'ayant été ni congelée ni surgelée ; / 3. Mise en fabrication dans un délai de soixante-douze heures au maximum après la collecte du lait ou de la crème, et quarante-huit heures au maximum après l'écrémage du lait, et n'ayant subi aucune désacidification. / Cette dénomination ne peut être utilisée pour désigner des beurres ayant subi une opération de congélation, de surgélation, de mélange, de foisonnement. (...) ".

4. La décision contestée du 17 novembre 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique oppose aux sociétés Leblond-Socobeur et établissements Philippe Charrier la circonstance que le beurre dénommé " extra-fin demi-sel " qu'elles fabriquent et commercialisent sous la marque Envia est réalisé à partir de beurre acheté avant de subir un mélange lors de l'adjonction de sel, en méconnaissance des dispositions réglementaires citées au point précédent qui réservent l'appellation " extra-fin " au beurre fabriqué exclusivement à partir de crème et qui n'a pas subi d'opération de mélange. La préfète ajoute que ces sociétés ne peuvent utilement se prévaloir d'un courrier de la direction départementale de la protection des populations du Val-d'Oise du 20 février 1989 qui ne se prononce que sur une question de reconditionnement du beurre produit.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de documents trouvés dans l'entreprise elle-même lors du contrôle intervenu le 12 octobre 2016, que le beurre demi-sel en litige est issu non d'un processus de fabrication au sein de l'usine des sociétés requérantes, réalisé à partir de crème fraiche avec adjonction de sel, mais d'un assemblage de beurres doux arrivant de Belgique par lots congelés de 25 kilogrammes qui, même s'ils sont composés de beurre réalisé à partir exclusivement de crème, nécessitent ensuite l'adjonction de sel par mélange au cours d'un processus de fabrication allant de la décongélation à l'emballage. Or les dispositions réglementaires citées au point 3 interdisent toute opération de mélange, le sel devant être intégré au cours du processus de fabrication initiale du beurre afin de bénéficier de l'appellation " beurre extra-fin ". Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait quant au procédé de fabrication de son produit ou d'une erreur de droit dans l'interprétation de la règlementation applicable.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service (...). ". Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision contestée serait intervenue en violation de ces dispositions législatives alors qu'elles commercialisent le beurre en litige sous l'appellation de beurre extra-fin sans que soient respectés les critères de cette dénomination prévus par les dispositions de l'article 2-b) du décret du 30 décembre 1988.

7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, les courriers du 20 février 1989 de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Val d'Oise et du 16 octobre 2013 de la direction départementale de la protection des populations du Val d'Oise ne contiennent pas de prise de position de l'administration différente de celle adoptée par la décision contestée du 17 novembre 2017. L'administration ne se prononce pas dans ces courriers sur le processus de fabrication du beurre " extra-fin " mais uniquement sur son conditionnement. Elle prend soin, au surplus, de rappeler la nécessité de respecter les dispositions du b) de l'article 2 du décret n° 88-1204 du 30 décembre 1988. Par suite, les sociétés requérantes ne peuvent se prévaloir d'une atteinte au principe de sécurité juridique de nature à entacher d'illégalité la décision contestée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Leblond-Socobeur et établissements Philippe Charrier.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Leblond-Socobeur et établissements Philippe Charrier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Leblond-Socobeur, à la société établissements Philippe Charrier et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Une copie en sera communiquée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2022.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00951
Date de la décision : 21/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : ABG PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-21;21nt00951 ?
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