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21/12/2021 | FRANCE | N°21NT00804

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 21NT00804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2102122 du 9 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2

021, M. A..., représenté par Me Kaddouri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2102122 du 9 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2021, M. A..., représenté par Me Kaddouri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 mars 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 19 février 2021 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ; le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

- les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation ;

- l'illégalité de la décision de transfert entache d'illégalité la décision portant assignation à résidence ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; le préfet s'est estimé en situation de compétence liée.

Par des mémoires, enregistrés les 13 avril et 13 septembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il précise que M. A... doit être regardé comme étant en fuite et soutient que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais, relève appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée et contraire aux dispositions des articles 5 du règlement du 26 juin 2013 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. A... réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 16 décembre 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé le 16 décembre 2020, sont rédigés en arabe soudanais, langue que l'intéressé a déclaré comprendre ainsi que cela ressort des termes du compte-rendu de l'entretien individuel sur lequel il a également apposé sa signature. En outre, lors de cet entretien individuel, l'intéressé était assisté téléphoniquement par un interprète en langue arabe soudanaise. Dans ces circonstances, le requérant doit être regardé comme ayant eu l'intégralité des brochures en cause et pas seulement leurs pages de garde, comme il le soutient. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ne peut dès lors qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

7. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

9. M. A..., qui au demeurant ne souffre d'aucune pathologie, se borne à soutenir, sans apporter d'éléments objectifs et probants au soutien de cette affirmation, que le système de santé en Italie ne permettrait pas de garantir une prise en charge adéquate de la santé des demandeurs d'asile. Par suite, eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent qu'être écartés.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

11. En se bornant à soutenir qu'il a été très éprouvé tant moralement que physiquement par son voyage, via la Lybie notamment, pour rejoindre l'Europe, M. A... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation particulière et se serait estimé en situation de compétence liée par rapport aux critères de détermination du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

12. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier et d'une erreur manifeste d'appréciation, que M. A... réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.

13. En second lieu, la décision de transfert aux autorités italiennes n'étant affectée d'aucune des illégalités invoquées par M. A..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

15. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 21NT00804


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00804
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : KADDOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-21;21nt00804 ?
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