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21/12/2021 | FRANCE | N°20NT02582

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 20NT02582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 décembre 2018 du directeur de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de Merdrignac qui l'a placé en congé sans traitement pour maladie à compter du 1er septembre 2018 et la décision du 25 février 2019 par laquelle ce même directeur l'a placé en congé sans traitement pour maladie à compter du 1er septembre 2018 et d'enjoindre à cet établissement de lui octroyer

un congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 décembre 2018 du directeur de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de Merdrignac qui l'a placé en congé sans traitement pour maladie à compter du 1er septembre 2018 et la décision du 25 février 2019 par laquelle ce même directeur l'a placé en congé sans traitement pour maladie à compter du 1er septembre 2018 et d'enjoindre à cet établissement de lui octroyer un congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de cent euros par jour de retard et de produire le rapport d'expertise du docteur D....

Par un jugement n° 1900865, 1901940 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2018 ainsi que sur les conclusions aux fins d'injonction du rapport d'expertise du docteur D... (articles 1er et 2), a annulé la décision du 25 février 2019 (article 3), a enjoint au directeur de l'EPLEFPA de Merdrignac de placer M. E... en congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter du présent jugement (article 4), a mis à la charge de l'EPLEFRA de Merdrignac une somme de 1 500 euros à verser à M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et a rejeté les conclusions présentées par l'EPLEFPA de Merdrignac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 6).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 août 2020, 1er septembre 2021 et 7 octobre 2021, l'EPLEFPA de Merdrignac, représenté par Me Dubourg, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 3 à 6 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 25 février 2019 n'était pas simplement confirmative ; le second avis du comité médical avait pour seule vocation de modifier une erreur matérielle, de sorte que les circonstances de fait n'étaient pas distinctes ; à supposer même que la décision refusant le bénéfice d'un congé de grave maladie n'était pas confirmative, la décision de placement en congé sans traitement pour maladie l'était ;

- le tribunal a statué ultra petita en annulant la décision de refus de congé de grave maladie dont l'annulation n'était pas demandée et infra petita en ne statuant pas sur la demande d'annulation de la décision de placement en congé sans traitement pour maladie présentée par M. E... ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que le directeur de l'EPLEFPA était lié par l'avis du comité médical et a estimé à tort qu'il s'était senti lié par les avis médicaux des docteurs D... et B... ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne disposait d'aucun élément établissant que M. E... souffrait d'une pathologie présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, condition nécessaire à l'octroi d'un congé de grave maladie ou que, comme le prévoit l'article 13 du décret du 17 janvier 1986, qu'il soit dans l'impossibilité d'exercer son activité et que son état de santé nécessite un traitement et des soins prolongés ; les examens menés en janvier ou février 2018 ne peuvent être écartés au seul motif qu'ils sont antérieurs à la demande de congé de grave maladie dès lors que rien ne permet d'affirmer que l'état de santé de M. E... s'est aggravé entre cette période et le 19 mars 2018 ;

- l'injonction prononcée par le tribunal administratif doit être annulée par voie de conséquence du constat que sa décision était régulière ;

- à défaut de préciser si la situation à régulariser était statutaire ou financière, l'injonction prononcée est viciée dès lors que les différends liés au versement des indemnités journalières par la CPAM relèvent de la compétence du juge judiciaire ;

- l'injonction est irrégulière dès lors qu'elle suppose un placement en congé de grave maladie au-delà des périodes prévues par l'article 13 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

- la décision de placement en congé sans traitement pour maladie, qui n'a pas été annulée par le tribunal administratif, fait obstacle à la régularisation de sa situation ;

- à titre subsidiaire, si la cour prononce une injonction, elle ne pourra qu'en préciser les modalités et la chronologie.

Par des mémoires, enregistrés les 10 février 2021 et 23 septembre 2021, M. E..., représenté par Me Barrault, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 25 février 2019 le plaçant en congé sans traitement pour maladie ;

2°) d'enjoindre à l'EPLEFPA de Merdrignac de lui accorder un congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'EPLEFPA de Merdrignac une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubourg, représentant l'EPLEFPA de Merdrignac, et de Me Barrault, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., qui exerce les fonctions d'enseignant formateur au sein de l'EPLEFPA de Merdrignac depuis son embauche en septembre 1990, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, est en arrêt de travail depuis 1er septembre 2017. Le 19 mars 2018, il a demandé à bénéficier d'un congé de grave maladie. Par une première décision du 14 décembre 2018, son employeur, après avis favorable du comité médical départemental à l'attribution d'un congé de longue maladie émis en sa séance du 12 septembre 2018, a rejeté sa demande. Après un avis du comité médical départemental favorable à l'attribution d'un congé de grave maladie émis en sa séance du 6 février 2019, le directeur de l'EPLEFPA a, par une décision du 25 février 2019, rejeté de nouveau cette demande. M. E... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de ces deux décisions. Par un jugement du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2018 ainsi que sur les conclusions aux fins d'injonction du rapport d'expertise du docteur D... (articles 1er et 2), a annulé la décision du 25 février 2019 (article 3), a enjoint au directeur de l'EPLEFPA de Merdrignac de placer M. E... en congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter du présent jugement (article 4), a mis à la charge de l'EPLEFRA de Merdrignac une somme de 1 500 euros à verser à M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et a rejeté les conclusions présentées par l'EPLEFPA de Merdrignac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 6). L'EPLEFPA de Merdrignac relève appel des articles 3 à 6 de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt-quatre mois suivants. / En vue de l'octroi de ce congé, l'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. La décision d'octroi est prise par le chef de service sur avis émis par le comité médical saisi du dossier. (...) Le congé pour grave maladie peut être accordé par période de trois à six mois. (...). ". Aux termes de l'article 16 de ce même décret : " L'agent contractuel qui cesse ses fonctions pour raison de santé (...) et qui se trouve sans droit à congé rémunéré est : / - en cas de maladie, placé en congé sans traitement pour maladie pour une durée maximale d'une année si l'incapacité d'exercer les fonctions est temporaire. (...) "

3. En application des articles 13 et 16 du décret du 17 janvier 1986, l'agent contractuel qui cesse ses fonctions pour raison de santé et à qui le bénéfice d'un congé de grave maladie est refusé est placé en congé sans traitement pour maladie. En sollicitant l'annulation de la décision du 25 février 2019 le plaçant en congé sans traitement pour maladie, M. E... devait être regardé comme contestant nécessairement le refus, opposé à sa demande, de lui accorder le bénéfice d'un congé de grave maladie, décision intrinsèquement liée à celle de le placer, en conséquence de ce refus, en congé sans traitement pour maladie. Dès lors, en examinant la légalité de la décision de rejet de la demande de congé de grave maladie de l'intéressé, les premiers juges n'ont, contrairement à ce que soutient l'EPLEFPA de Merdrignac, statué ni au-delà ni en-deçà de ce qui leur était demandé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. L'article R. 621-1 du code de justice administrative prévoit que : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties ".

5. Faisant suite à la demande de mise en congé de grave maladie présentée par M. E... le 19 mars 2018, à laquelle était jointe un certificat médical d'un médecin généraliste faisant état d'une souffrance psychique, le comité médical départemental a émis un avis favorable à l'attribution d'un congé de grave maladie à compter du 1er septembre 2017 pour une durée de quatre fois six mois après avoir pris connaissance du rapport d'expertise du 2 août 2018 du docteur C..., médecin psychiatre agréé, lequel concluait que l'état clinique de l'intéressé justifiait d'un congé de longue maladie d'une durée de six mois à compter du 1er septembre 2017, à renouveler deux fois, après avoir indiqué que son état de santé le mettait dans l'incapacité de reprendre son activité professionnelle. L'EPLEFPA de Merdrignac a toutefois refusé d'attribuer à M. E... le bénéfice de ce congé, eu égard à l'avis d'aptitude au poste émis par le médecin agréé qu'il avait requis le 28 février 2018 et aux conclusions de l'expertise réalisée le 17 janvier 2018 par le docteur B..., médecin expert auprès de la Cour d'appel de Rennes, désigné par le praticien délégué et le praticien conseil de la caisse primaire d'assurance maladie, lequel, après avoir rappelé que le praticien conseil avait posé un diagnostic d'état anxieux et que le praticien désigné évoquait un état anxio-dépressif, concluait à l'aptitude à reprendre une activité professionnelle quelconque à compter du 1er janvier 2018 après avoir relevé l' " absence de syndrome dépressif vrai et avéré ". Ces derniers éléments médicaux, bien que récents au regard de la demande de congé de grave maladie présentée par M. E..., avaient toutefois un objet différent de l'expertise diligentée par le comité médical dans la mesure où elles portaient uniquement sur l'aptitude au travail de l'intéressé. Par ailleurs, le rapport d'expertise établi par le docteur C..., évoqué plus haut, ne comporte quant à lui aucune précision quant au caractère invalidant et de gravité de la pathologie dont M. E... souffrait ainsi qu'au traitement et soins prolongés requis par son état, éléments médicaux pourtant nécessaires pour lui ouvrir le bénéfice d'un congé de grave maladie comme l'énonce l'article 13 du décret du 17 janvier 1986. Dans ces conditions, ces éléments contradictoires ne permettent ni de connaître la nature exacte de la pathologie dont souffre M. E... ni de savoir si cette pathologie nécessite un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Il y a lieu, dès lors, avant de statuer sur la requête de l'EPLEFPA de Merdrignac, d'ordonner une expertise sur les points détaillés ci-après.

DECIDE :

Article 1er : Il sera procédé à une expertise médicale contradictoire entre les parties.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : L'expert aura pour mission de :

- prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. E..., se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ;

- d'examiner l'intéressé et de décrire son état de santé au 1er septembre 2017 ;

- de donner toutes précisions sur l'évolution de sa pathologie de cette dernière date jusqu'à la rédaction du rapport et de décrire son état de santé actuel ;

- d'indiquer de quelle pathologie il était atteint à la date du 1er septembre 2017 et de dire si son état relevait d'un arrêt de maladie ordinaire ou bien si cette pathologie le mettait dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitait un traitement et des soins prolongés et présentait un caractère invalidant et de gravité confirmée, conditions constitutives de l'attribution d'un congé de grave maladie ;

- de façon générale, donner tous autres éléments de nature à permettre à la cour de se prononcer en toute connaissance de cause.

Article 4 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties.

Article 5 : L'expert appréciera l'utilité, pour lui, de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport qui, s'il est rédigé, ne pourra avoir pour effet de conduire à dépasser le délai fixé à l'article 4 ci-dessous.

Article 6 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 7 : Tous droits, moyens et conclusions des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au directeur de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de Merdrignac et à

M. A... E....

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021.

La rapporteure,

F. MALINGUELe président,

O. COIFFET

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°20NT02582

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02582
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET GERVAISE DUBOURG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-21;20nt02582 ?
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