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21/12/2021 | FRANCE | N°20NT02523

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 20NT02523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) de Bretagne à lui verser la somme de 506 285,71 euros en réparation des préjudices résultant, d'une part, de son recrutement entre 2009 et 2016 sans lui avoir accordé la qualité d'agent contractuel et, d'autre part, du non-renouvellement de son emploi au-delà du 1er juillet 2017.

Par un jugement n° 1803472 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a cond

amné l'ENSTA à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation de ses préjudice...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) de Bretagne à lui verser la somme de 506 285,71 euros en réparation des préjudices résultant, d'une part, de son recrutement entre 2009 et 2016 sans lui avoir accordé la qualité d'agent contractuel et, d'autre part, du non-renouvellement de son emploi au-delà du 1er juillet 2017.

Par un jugement n° 1803472 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ENSTA à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 août 2020 et 3 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Jeanneteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de sa perte de rémunération ;

2°) de condamner l'ENSTA à lui verser la somme de 73 390 euros, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;

3°) de rejeter l'appel incident de l'ENSTA ;

4°) de mettre à la charge de l'ENSTA le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le préjudice résultant du fait qu'elle a dû clore prématurément son contrat d'assurance-vie ;

- elle aurait dû avoir le statut d'agent contractuel dès le mois de septembre 2009 et bénéficier d'une rémunération supérieure à celle qu'elle a perçue, d'autant qu'à compter du 1er juillet 2015, elle aurait dû être titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée ; son manque à gagner sur la période du 1er septembre 2009 au 30 juin 2017 s'élève à 73 390 euros ; en outre, elle n'a pas pu cumuler des trimestres pour le calcul de sa retraite ;

- elle avait sollicité l'indemnisation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par des mémoires, enregistrés les 5 février et 15 mars 2021, l'école nationale supérieure de techniques avancées ( ENSTA) de Bretagne, représentée par Me Gourvennec, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a alloué à Mme B..., une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me Rano, substituant Me Jeanneteau, représentant Mme B...,

- et les observations de Me Moreau-Verger, substituant Me Gourvennec, représentant l'ENSTA.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a exercé du 1er septembre 2009 au 30 juin 2017 les fonctions de professeur d'anglais à l'école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) de Bretagne, établissement public à caractère administratif d'enseignement supérieur et de recherche rattaché au ministère des Armées. Jusqu'au 30 juin 2016, elle est intervenue sous un statut d'autoentrepreneur, puis en qualité de vacataire à compter de la rentrée 2016-2017 et enfin, en tant qu'agent contractuel à partir du mois de janvier 2017. Au printemps 2017, l'école a ouvert une dizaine de postes de professeurs d'anglais afin de régulariser leur situation. Mme B..., dont la candidature n'a pas été retenue, et dont le contrat n'a pas été renouvelé, a cessé son activité professionnelle au sein de cet établissement à partir du 1er juillet 2017. Le 25 avril 2018, l'intéressée a adressé une réclamation préalable à l'ENSTA, qui l'a rejetée le 21 juin 2018. Elle a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de l'ENSTA à lui verser la somme de 506 285,71 euros en réparation des préjudices résultant tant de son recrutement entre 2009 et 2016 hors contrat, que du non-renouvellement de son contrat au-delà du 1er juillet 2017. Par un jugement du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ENSTA à lui verser la somme globale de 7 000 euros en réparation de ses préjudices. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice financier et demande à la cour de condamner l'établissement à lui verser la somme de 73 390 euros, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation. L'ENSTA sollicite, pour sa part, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à indemniser Mme B... à hauteur de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En page 9 de sa requête introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif, Mme B... évoquait, s'agissant des préjudices liés à son licenciement abusif au 1er juillet 2017, des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral. Elle faisait, à ce titre, état de la rupture prématurée de son contrat d'assurance-vie et d'un préjudice de 465,60 euros. Elle évoquait également le préjudice moral résultant de la perte de son emploi et de la situation financière difficile qui s'en était suivie. Les premiers juges lui ont alloué la somme globale de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence. Contrairement à ce que soutient la requérante, ils n'avaient pas à détailler cette somme afin de répondre à chacun des arguments développés par l'intéressée au soutien de ses prétentions. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur le préjudice résultant de la rupture anticipée de son contrat d'assurance-vie. Le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement attaqué à raison de ce motif doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Le tribunal administratif a jugé qu'eu égard à la régularité et à la durée de ses fonctions d'enseignement, les missions confiées à Mme B... correspondaient à un besoin permanent à temps non complet. Il en a déduit que l'intéressée aurait dû être recrutée en qualité d'agent public non titulaire à compter du mois de septembre 2009, et que le recours abusif au statut d'autoentrepreneur était de nature à engager la responsabilité de l'ENSTA de Bretagne. Par ailleurs, les premiers juges ont considéré que l'établissement avait commis une seconde faute en procédant au licenciement de l'intéressée au 1er juillet 2017 alors qu'elle aurait dû bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2015. L'ENSTA ne conteste pas le principe de sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices :

4. Pour rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier de Mme B..., le tribunal administratif a estimé qu'elle ne justifiait pas avoir perçu des salaires inférieurs à ce qu'elle aurait reçu si elle avait été recrutée en tant qu'agent contractuel. Mme B... conteste cette analyse et évalue son manque à gagner au cours de la période du 1er septembre 2009 au 30 juin 2017 à 73 390 euros. Elle évoque également un préjudice de retraite. L'intéressée se prévaut des éléments figurant sur le bulletin de paie d'une collègue du mois d'avril 2018, laquelle était rémunérée sur la base de l'indice 608 pour un temps de travail de 70 %, et dont le montant mensuel net s'élevait à 1 622,56 euros. La requérante n'établit cependant pas se trouver dans la même situation que cet autre professeur alors que son contrat conclu le 13 décembre 2016 prévoyait une rémunération calculée sur la base de l'indice 530 pour un temps de travail correspondant à 30 % d'un temps plein. En outre, l'ENSTA soutient sans être contredite, que Mme B... n'est intervenue en moyenne que 390 heures par an correspondant à 24,3 % d'un temps plein, qu'elle n'exerçait aucune mission de recherche et qu'elle enseignait dans plusieurs établissements. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé, sur la base de l'indice 530, figurant sur ses bulletins de salaires de l'année 2017, que l'intéressée qui avait perçu plus de 82 000 euros, après déduction de ses cotisations Urssaf, entre le 1er septembre 2009 et le 30 juin 2017 ainsi qu'en attestent les factures produites et ses bulletins de paie de l'année 2017, ne justifiait pas de la perte de salaire alléguée, quand bien même un contractuel est rémunéré sur 12 mois et que Mme B... n'était pas payée durant les vacances estivales. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice financier.

Sur les conclusions incidentes de l'ENSTA :

5. Les premiers juges ont alloué à Mme B... la somme globale de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles qu'elle a subi dans ses conditions d'existence à la suite de son licenciement abusif. Contrairement à ce que soutient l'ENSTA, et ainsi qu'il a été dit au point 2, la requérante avait sollicité l'indemnisation de ce préjudice, qu'elle avait chiffré à 5 000 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que la somme mise à la charge de l'ENSTA présenterait un caractère excessif compte tenu du caractère illégal du licenciement de l'intéressée et des répercussions de cette décision sur son niveau de vie notamment. Par suite, les conclusions d'appel incident présentées par l'ENSTA de Bretagne ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ENSTA de Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à l'ENSTA de la somme que cet établissement réclame au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées en appel par l'ENSTA sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'ENSTA de Bretagne.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I . PETTON

La République mande et ordonne à la ministre des Armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02523


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02523
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : JEANNETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-21;20nt02523 ?
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