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09/09/2021 | FRANCE | N°20NT00216

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 septembre 2021, 20NT00216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) ZooParc de Beauval a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge et la restitution, avec intérêts, de la taxe d'apprentissage et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage qu'elle a acquittées au titre de l'année 2015 auprès du Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations agricoles (FAFSEA), en tant qu'ont été intégrées dans leurs bases les rémunérations versées à des salariés agricoles.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) ZooParc de Beauval a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge et la restitution, avec intérêts, de la taxe d'apprentissage et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage qu'elle a acquittées au titre de l'année 2015 auprès du Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations agricoles (FAFSEA), en tant qu'ont été intégrées dans leurs bases les rémunérations versées à des salariés agricoles.

Par un jugement n° 1803030 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 janvier 2020 et 27 mai 2021, la SAS ZooParc de Beauval, représentée par Me de Froment, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé, dès lors qu'il ne répond pas suffisamment aux moyens qu'elle a soulevés en première instance et, particulièrement, au moyen selon lequel le principe consistant à considérer qu'un contribuable qui a accompli ses obligations fiscales, sans demander le bénéfice d'une doctrine, ne peut pas ultérieurement invoquer cette doctrine, a évolué et fait l'objet d'exceptions qui devraient être étendues au cas présent ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'inconventionnalité du principe précité soulevé dans le mémoire en date du 30 octobre 2019 ;

- on ne peut pas lui opposer le principe consistant à considérer qu'un contribuable qui a accompli ses obligations fiscales, sans demander le bénéfice d'une doctrine, ne peut pas ultérieurement invoquer cette doctrine, dès lors que ce principe fait l'objet d'exceptions qui devraient être étendues au cas présent ;

- elle peut se prévaloir du paragraphe 460 de la doctrine BOI-SJ-RES-10-10-10 ;

- elle n'a pas fait application initialement de l'instruction administrative figurant au paragraphe n° 60 du BOI-TPS-TA-20-20150204 car elle ne pouvait pas envisager le revirement de jurisprudence du Conseil d'Etat le 26 juin 2017 concernant le caractère agricole des activités des parcs zoologiques ;

- ce principe est contraire au droit à un recours effectif posé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au droit à un procès équitable instauré par le paragraphe 1 de l'article de la même convention et méconnaît le principe de propriété mentionné à l'article 1 du protocole n° 1 de cette convention ;

- l'activité d'un parc zoologique revêt un caractère agricole ;

- elle peut bénéficier de l'exonération de taxation de ses activités agricoles, en application de l'instruction administrative référencée au BOI-TPS-TA-20-20150204 n° 60.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2020, et un mémoire enregistré le 11 juin 2021 qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le litige doit être limité à 19 922 euros ;

- la réclamation de la requérante ne relevait pas de la juridiction contentieuse au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, et le juge de l'impôt n'est pas susceptible d'être saisi de conclusions aux fins de décharge des versements effectués ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Riquier, substituant Me de Froment, représentant la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) ZooParc de Beauval gère un parc zoologique. Elle s'est libérée du paiement de la taxe d'apprentissage et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage dues au titre de l'année 2015 auprès du Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles (FAFSEA). Estimant qu'elle devait être exonérée de cette taxe et de cette contribution en raison de la nature agricole de son activité, elle a présenté, le 22 décembre 2017, une réclamation préalable devant l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Sa demande a été implicitement rejetée. Elle a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge et la restitution, avec intérêts, de la taxe d'apprentissage et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage qu'elle a acquittées au titre de l'année 2015, en tant qu'ont été intégrées dans leurs bases les rémunérations versées à des salariés agricoles. Par un jugement du 19 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Elle fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont informé les parties, le 23 octobre 2019, que le tribunal était susceptible de relever d'office le moyen suivant : " la société ZooParc de Beauval ne peut se prévaloir, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation des énonciations du paragraphe n° 60 du BOI-TPS-TA-20-20150204, dès lors que la taxe d'apprentissage dont elle est redevable ne procède pas de rehaussements. Elle ne peut pas non plus les invoquer sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A dès lors qu'elle n'a sollicité le bénéfice de ces instructions que dans sa réclamation préalable et qu'elle ne peut ainsi être réputée avoir appliqué le texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître ". Par un mémoire enregistré le 30 octobre 2019, avant la clôture de l'instruction, communiqué à la partie adverse le même jour et intitulé " réponse à MOP ", la SAS ZooParc de Beauval a soutenu que le principe, tiré de ce qu'elle ne pouvait invoquer le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle n'a sollicité le bénéfice des instructions en cause que dans sa réclamation préalable et qu'elle ne peut ainsi être réputée avoir appliqué le texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître, " prive d'ailleurs le contribuable de la possibilité de contester utilement une imposition qui n'est pas due en application de la doctrine administrative et, par conséquent, est contraire, d'une part, au droit à un recours effectif posé par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et au droit à un procès équitable instauré par l'article 6§1 de la même convention ". Il ressort du jugement attaqué que le tribunal, après avoir relevé le moyen d'ordre public qui était mentionné dans le courrier du 23 octobre 2019, n'a pas répondu au moyen, opposé à ce moyen d'ordre public, tiré de l'inconventionnalité du principe en cause. Ce moyen d'inconventionnalité n'a pas été visé dans le jugement attaqué. Dès lors, la SAS ZooParc de Beauval est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en raison d'un défaut de réponse à un moyen. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité, le jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS ZooParc de Beauval devant le tribunal administratif d'Orléans.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 224 et 225 du code général des impôts, qu'une société passible de l'impôt sur les sociétés, comme l'est la société requérante, ne peut, sur le fondement de la loi fiscale, et à raison de son objet, bénéficier d'une exonération de taxe d'apprentissage.

5. En second lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ".

6. Il est constant que la SAS ZooParc de Beauval a retenu dans la base imposable les rémunérations de ses salariés agricoles dans sa déclaration de taxe d'apprentissage, conformément à la loi. Elle n'avait donc pas fait application de l'instruction administrative dont elle se prévaut avant la date limite de paiement de la taxe et de la contribution spéciale à cette taxe. Elle ne s'est prévalue de ces instructions administratives que dans sa réclamation préalable du 21 décembre 2017. Ainsi, et alors même que ce n'est qu'en 2017 que le Conseil d'Etat a jugé, en opérant un revirement de jurisprudence, dans une décision n° 391388 du

26 juin 2017, que les parcs zoologiques avaient une activité agricole et que ce n'était donc qu'à compter de 2017, selon la requérante, qu'elle pouvait entrer dans le champ de l'instruction administrative en cause, la SAS ZooParc de Beauval n'est pas fondée à se prévaloir du paragraphe n° 60 de l'instruction publiée au BOI-TPS-TA-20-20150204.

7. La requérante invoque également le paragraphe 460 de l'instruction du

BOI-SJ-RES-10-10-10 publiée le 18 juillet 2013 qui précise : " Ainsi, tout contribuable qui a souscrit sa déclaration ou présenté un acte à la formalité en fonction des seules dispositions légales et réglementaires demeure fondé, dans le délai de réclamation, à se prévaloir d'une doctrine plus favorable pour faire échec à toute imposition primitive ou supplémentaire pour autant, toutefois, que la règle d'antériorité exposée au n° 360 soit satisfaite ". Toutefois, ces commentaires, qui concernent les conditions de mise en œuvre de la garantie prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne peuvent être regardés comme portant interprétation de la loi fiscale au sens de ce même article et ne peuvent, dès lors, être invoqués par la SAS ZooParc de Beauval sur le fondement de ces dispositions.

8. Enfin, la SAS ZooParc de Beauval soutient que le principe consistant à considérer qu'un contribuable qui a accompli ses obligations fiscales, sans demander le bénéfice d'une instruction administrative, ne peut pas ultérieurement invoquer cette instruction, principe dont il est fait application au point 6, méconnaît le principe de propriété mentionné à l'article 1er du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, la requérante, qui n'avait précisément pas fait application de l'instruction administrative mentionnée au point 6, ne pouvait pas avoir d'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent, ni a fortiori de créance certaine. En tout état de cause, la charge exorbitante n'est pas établie. La requérante soutient également que ce principe est contraire au droit à un recours effectif posé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au droit à un procès équitable instauré par le paragraphe 1 de l'article 6 de la même convention. Cependant, la requérante a fait une exacte application de la loi fiscale. En tout état de cause, il était loisible à la requérante de faire d'ores et déjà application de l'instruction administrative dont elle croyait pouvoir bénéficier, avant même le revirement de jurisprudence du Conseil d'Etat. Enfin, la société requérante a eu la possibilité de contester le refus par l'administration fiscale d'appliquer les commentaires administratifs qu'elle invoquait à compter de sa réclamation préalable.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics à la demande de première instance, que la SAS ZooParc de Beauval n'est pas fondée à demander la décharge et la restitution, avec intérêts, de la taxe d'apprentissage et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage qu'elle a acquittées au titre de l'année 2015 auprès du Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations agricoles (FAFSEA), en tant qu'ont été intégrées dans leurs bases les rémunérations versées à des salariés agricoles. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement des frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803030 du 19 novembre 2019 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande de la SAS ZooParc de Beauval devant le tribunal administratif d'Orléans et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée ZooParc de Beauval et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021.

La rapporteure,

P. A... Le président,

F. Bataille

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00216

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 09/09/2021
Date de l'import : 21/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT00216
Numéro NOR : CETATEXT000044041251 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-09;20nt00216 ?
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