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09/07/2021 | FRANCE | N°20NT03876

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 juillet 2021, 20NT03876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... E..., Mme K... D... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 4 de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 et d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 30 avril 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Port-au-P

rince (République d'Haïti) ont refusé de délivrer des visas de long séjour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... E..., Mme K... D... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 4 de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 et d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 30 avril 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Port-au-Prince (République d'Haïti) ont refusé de délivrer des visas de long séjour à Mme C... E... et à Mme J... E... en qualité de membres de la famille d'un réfugié statutaire.

Par un jugement n° 1914191 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 décembre 2020 et le 28 mai 2021, M. H... E... et Mme K... D..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fille mineure alléguée J... E..., et Mme C... E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 4 de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 ;

2°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2020 ;

3°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités par Mmes C... et J... E..., dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou subsidiairement et dans les mêmes conditions, de procéder au réexamen de leur demande de visa ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

­ la décision contestée a été prise par une autorité incompétente dès lors que le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait exposer les motifs d'une décision implicite de rejet, une telle décision ne pouvant être prise qu'en formation collégiale ;

­ s'agissant de Mme J... E..., sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux dès lors que la commission s'est abstenue d'examiner si la filiation pouvait être établie par la possession d'état ;

­ le lien de filiation l'unissant à M. E... est, par ailleurs, justifié par la possession d'état ;

­ s'agissant de Mme C... E..., la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que la date à retenir pour apprécier l'âge du demandeur est, en application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celle de la demande de réunification familiale ; en particulier, l'administration ne saurait se fonder sur les dispositions de l'article R. 752-1 du même code dès lors qu'elles ne sont conformes ni à l'article L. 752-1, ni aux dispositions de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 12 avril 2018. Il serait utile dans ces conditions de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

­ la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

M. H... E... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ la directive 2003/86/CE du conseil de l'Union européenne du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ;

­ le code civil ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code des relations entre le public et l'administration ;

­ la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ et les observations de Me B..., substituant Me F..., représentant M. E... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. H... E..., né le 30 août 1969, de nationalité haïtienne, est entré le 30 septembre 2010 en France où il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 11 juillet 2011. Lors de sa demande d'asile, M. E... a déclaré avoir pour compagne Mme K... D... avec laquelle il a eu quatre enfants : C..., née le 2 janvier 1997, J..., née le 28 mars 2003, Stéphana, née le 15 septembre 2004 et Esther, née le 15 novembre 2010. L'ensemble de sa famille a déposé auprès des autorités consulaires françaises à Port-au-Prince une demande de délivrance de visas pour établissement familial. Les autorités consulaires ont accepté ces demandes, sauf pour Mmes C... et J... E.... Les décisions de refus ont été contestées devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, par un recours enregistré le 17 mai 2018. Du silence gardé par la commission, une décision implicite de rejet est née le 17 juillet 2018. M. H... E... et autres relèvent appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable à la date de la décision contestée : " I. Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. (...) / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ". Aux termes de l'article R. 752-1 du même code dans sa rédaction alors applicable à la date de la décision attaquée : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1 ; elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident les membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire. ".

S'agissant de la situation de Mme J... E... :

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à un tel document.

4. Ont été présentés à l'appui de la demande de visa formée par l'intéressée un acte de naissance dressé le 3 mai 2003 par l'officier de l'état civil de la commune de Port-de-Paix, un extrait d'acte de naissance établi le 29 août 2017 par service des archives nationales d'Haïti (ANH), un certificat de baptême et le passeport de la demanderesse.

5. Pour écarter les actes d'état civil comme non probants, l'administration s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'ils ont été dressés en méconnaissance des dispositions de l'article 55 du code civil haïtien dès lors que l'officier de l'état civil qui a reçu la déclaration de naissance n'est pas celui de la commune du domicile de la mère ou du lieu de naissance de l'enfant. Toutefois, si l'officier de l'état civil, en recevant la déclaration de naissance, s'est mépris sur sa compétence territoriale, cette circonstance est insuffisante pour faire regarder l'acte qu'il a dressé comme inauthentique. Par suite, et alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué que les autres règles de procédure permettant d'enregistrer la naissance n'auraient pas été respectées, l'incompétence territoriale de l'officier de l'état civil n'est pas de nature à remettre en cause les énonciations contenues dans son acte alors que, de plus, cet acte a été enregistré par l'ANH, ainsi qu'il résulte de l'acte légalisé qu'il a établi le 29 août 2012. L'erreur de plume portant sur l'année d'établissement de l'acte de naissance par l'officier de l'état civil de la commune de Port-de-Paix, alors que le jour et le mois restent identiques, n'est pas davantage de nature à établir son caractère inauthentique. En tout état de cause, alors que, de plus, les énonciations concernant l'état civil de Mme J... E... sont identiques, l'administration ne remet pas en cause la caractère authentique de l'acte établi par l'ANH qui, ainsi qu'il a été dit, a été légalisé. Ces énonciations sont également concordantes avec les déclarations faites par M. E... lors de sa demande d'asile et avec celles contenues sur le passeport de l'intéressée. Si le certificat de baptême porte une mention différente quant au lieu de naissance de Mme J... E..., cela ne saurait, en l'espèce, remettre en cause la force probante dévolue aux actes de l'état civil alors que de plus ledit certificat confirme le lien de filiation entre la demanderesse, d'une part, et M. H... E... et Mme D... d'autre part. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête s'agissant de Mme J... E..., que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en rejetant sa demande de visa au motif que le lien de filiation allégué ne serait pas établi.

S'agissant de la situation de Mme C... E... :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 : " 1. Les États membres autorisent l'entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu'à l'article 16, des membres de la famille suivants : / a) le conjoint du regroupant ; / b) les enfants mineurs du regroupant et de son conjoint, y compris les enfants adoptés conformément à une décision prise par l'autorité compétente de l'État membre concerné ou à une décision exécutoire de plein droit en vertu d'obligations internationales dudit État membre ou qui doit être reconnue conformément à des obligations internationales ; / c) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du regroupant, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l'autre titulaire du droit de garde ait donné son accord ; / d) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du conjoint, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l'autre titulaire du droit de garde ait donné son accord. / Les enfants mineurs visés au présent article doivent être d'un âge inférieur à la majorité légale de l'État membre concerné et ne pas être mariés. ".

7. Par l'arrêt C-133-19 du 16 juillet 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : " L'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, doit être interprété en ce sens que la date à laquelle il convient de se référer pour déterminer si un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride non marié est un enfant mineur, au sens de cette disposition, est celle à laquelle est présentée la demande d'entrée et de séjour aux fins du regroupement familial pour enfants mineurs, et non celle à laquelle il est statué sur cette demande par les autorités compétentes de cet État membre ". Par suite, les requérants, qui soutiennent que l'âge de l'enfant pour lequel la réunification familiale est demandée doit s'apprécier au moment de l'introduction de la demande d'asile du parent, ne sont pas fondés à soutenir que la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 n'a pas été correctement transposée par les dispositions précitées des articles L. 752-1 et R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles l'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. Le moyen tiré de l'inconventionalité et de l'illégalité des dispositions de l'article R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors, et en tout état de cause, être écarté.

8. En second lieu, si les enfants de réfugié statutaire, ont le droit de demander, sous réserve de motifs d'ordre public et à condition que leur lien de filiation soit établi, un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de venir rejoindre leur père ou leur mère réfugié en France, il leur incombe toutefois de satisfaire aux obligations qui leur sont imposées par l'administration dans le cadre de la procédure permettant leur introduction en France, notamment pour le dépôt des demandes de visa, dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle ces obligations leur sont notifiées. Eu égard à l'objet de la procédure permettant leur introduction en France, dite de " regroupement familial de réfugié statutaire " avant la loi du 29 juillet 2015, et en l'absence de toute disposition expresse contraire, l'âge des enfants pouvant bénéficier d'un tel regroupement familial s'apprécie à la date à laquelle cette procédure a été engagée.

9. Si les requérants soutiennent que M. E... a saisi le ministère de l'intérieur d'une demande de rapprochement familial dès le 8 octobre 2013, cette demande a fait l'objet le 21 octobre 2013 d'un accusé de réception par lequel il lui était expressément indiqué que la procédure ne pourra être initiée que lorsque la demande sera déposée auprès du poste consulaire. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une demande en ce sens ait été déposée auprès des autorités consulaires avant 2017. En particulier, il résulte du courrier de M. E... du 28 février 2017, adressé au consulat, que sa famille s'était présentée " récemment " à leurs services, alors que Mme C... E... était déjà âgée de plus de 20 ans. Par suite, c'est sans erreur de droit, ni sans avoir fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer, sur le fondement des dispositions des articles L. 752-1 et R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le visa sollicité par Mme C... E....

10. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatives, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

11. En l'espèce, et ainsi qu'il a été rappelé au point 1, des demandes de visa ont été sollicités par Mme K... D..., la compagne de M. E..., et l'ensemble des enfants issus du couple. Compte tenu de ce qui a été ci-avant, hormis Mme C... E..., l'ensemble de la famille peut prétendre à la délivrance d'un visa. A l'appui de sa demande de visa, Mme C... E... a présenté des actes d'état civil, dont l'authenticité n'est pas remise en cause, établissant son lien de filiation à l'égard de M. E... et de Mme D.... Dans ces conditions, la décision contestée aura pour effet d'isoler brusquement Mme C... E..., jeune majeure, de sa mère et de ses frères et soeurs avec lesquels elle a toujours vécu ainsi que de son père qui, du fait de son statut de réfugié, ne peut se rendre à Haïti où elle réside. Par suite, et dans les circonstances de l'espèce, la décision contestée a porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, la délivrance à Mme C... E... et à Mme J... E... d'un visa d'entrée et de long séjour en France. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

14. M. H... E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me F... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 juillet 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme C... E... et à Mme J... E... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me F... est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E..., à Mme K... D..., à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

M. I...La présidente,

H. DOUET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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2

N° 20NT03876


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 09/07/2021
Date de l'import : 20/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT03876
Numéro NOR : CETATEXT000043799367 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;20nt03876 ?
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