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22/06/2021 | FRANCE | N°20NT00362

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 juin 2021, 20NT00362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 8 avril 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises à Skopje (Macédoine) ont rejeté la demande de visa de long séjour formée par M. D... en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement no 1908054 du 2 janv

ier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 8 avril 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises à Skopje (Macédoine) ont rejeté la demande de visa de long séjour formée par M. D... en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement no 1908054 du 2 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2020, M. A... D... et Mme C... E..., représentés par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros HT, soit 1 800 euros TTC, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué ne se prononce pas sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'administration qui a renversé la charge de la preuve et est insuffisamment motivé ;

- la décision contestée a été prise par le président de la commission de recours sans que celle-ci n'ait été réunie, elle est donc entachée d'incompétence ;

- à supposer que celle-ci se soit réunie, elle était irrégulièrement composée ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle renverse la charge de la preuve, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il ne s'est pas vu opposer quatre décisions portant obligation de quitter le territoire français mais seulement trois ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation du caractère frauduleux du mariage ;

- la commission de recours a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant kosovar né le 14 février 1988, a, le 2 mars 2019, épousé en mairie de Vénissieux Mme E..., ressortissante française née le 10 octobre 1966. Le 20 mars 2019, il a formé une demande de visa de long séjour auprès des autorités consulaires françaises à Skopje (Macédoine). Par une décision du 8 avril 2019, les autorités consulaires ont rejeté cette demande. Le recours formé le 15 avril suivant contre cette décision auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 7 juin 2019. M. D... et Mme E... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français, dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.

3. Pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par M. D..., la commission de recours s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'en l'absence de preuves suffisamment probantes du maintien d'échanges réguliers et constants de quelque nature que ce soit entre les époux depuis le mariage, d'un projet concret de vie commune et d'une participation de celui-ci aux charges du mariage selon ses facultés propres, il n'existe pas de maintien des liens matrimoniaux et le mariage doit être regardé comme présentant un caractère complaisant et comme ayant été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter son établissement en France, après qu'il ait fait l'objet d'un refus définitif d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, le 20 février 2012, et de quatre décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français entre juillet 2012 et octobre 2016, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon.

4. Il ressort des pièces du dossier que les requérants, qui soutiennent s'être rencontrés en France en 2016, ont d'abord résidé ensemble chez Mme E... depuis au moins le 20 juin 2017, avant de conclure ensemble, le 1er juillet 2018, un contrat de bail d'habitation dans un nouveau logement à Vénissieux. Après presque deux ans de résidence commune, ils se sont mariés le 2 mars 2019 en mairie de Vénissieux. Les requérants versent en outre au dossier de nombreuses photographies prises à l'occasion de leur mariage ainsi que d'autres photographies, certes non datées, de couple ou amicales justifiant de leur vie commune, de même que de nombreuses attestations de proches faisant état de la sincérité de leur relation. S'il est vrai que cette relation a débuté moins d'un an après la quatrième mesure d'éloignement prise, le 24 octobre 2016, à l'encontre de M. D... depuis 2012, sans qu'il soit établi qu'il ait exécuté ces obligations de quitter le territoire français - dont la légalité a été confirmée par quatre jugements du tribunal administratif de Lyon -, cette seule circonstance n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à démontrer que le mariage aurait été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est rendu en Macédoine, moins de 18 jours après son mariage, en vue d'y solliciter un visa de long séjour, et soutient être revenu en France auprès de son épouse - certes dans des conditions irrégulières - dès que lui a été notifiée la décision de refus de visa des autorités consulaires françaises à Skopje le 8 avril 2019. Il verse d'ailleurs au dossier une preuve de demande de rendez-vous, faite le 8 juillet 2019, en vue solliciter la délivrance d'un titre de séjour auprès de la préfecture du Rhône. Dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que le mariage contracté entre M. D... et Mme E... était entaché d'une fraude. Par conséquent, c'est par une inexacte application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que le mariage des requérants était entaché de fraude.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. D... et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de M. D.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité par M. D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 janvier 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 juin 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de M. D... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D... et de Mme E... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., à Mme E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2021.

Le rapporteur,

F.-X. B...Le président,

T. Célérier

La greffière,

C. Popsé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20NT00362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00362
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL BS2A BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-22;20nt00362 ?
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