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04/06/2021 | FRANCE | N°19NT04822

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 04 juin 2021, 19NT04822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à lui verser la somme de 243 541 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge le 5 novembre 2003 par le service des urgences de cet établissement de santé.

Par un jugement n° 1701902 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête

enregistrée le 15 décembre 2019 sous le n° 19NT04822 M. F..., représenté par Me A..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à lui verser la somme de 243 541 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge le 5 novembre 2003 par le service des urgences de cet établissement de santé.

Par un jugement n° 1701902 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 15 décembre 2019 sous le n° 19NT04822 M. F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 octobre 2019 ;

2°) de condamner le CHU de Rennes à lui verser la somme de 243 541 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Rennes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la responsabilité du CHU de Rennes pour retard et erreur de diagnostic des pathologies dont il souffrait aux deux pieds après la chute dont il a été victime le 5 novembre 2003 et en raison de l'absence de consignes adaptées lors de sa sortie ;

- il a droit aux indemnités suivantes : 3 021 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge, 1 260 euros et 49 783,50 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne, 3 316 euros au titre des frais divers, 1 276,50 euros au titre des dépenses de santé futures, 6 679,20 euros au titre des frais d'adaptation de son véhicule, 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 1 092 euros et 5 313 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 7 500 euros au titre des souffrances endurées, 800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 56 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 5 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 3 500 euros au titre du préjudice sexuel.

Par des mémoires enregistrés les 20 décembre 2019 et 30 novembre 2020 la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 octobre 2019 ;

2°) de condamner le CHU de Rennes à lui verser la somme de 132 487,72 euros en remboursement de ses débours ainsi que l'indemnisation de ses frais futurs et de la rente d'accident du travail versée à M. F... ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Rennes les sommes de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la responsabilité du CHU de Rennes est engagée, dès lors que la pathologie dont souffrait M. F... au pied gauche lors de son admission n'a pas été correctement diagnostiquée et qu'il n'a pas bénéficié de consignes adaptées à sa sortie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 septembre et 4 décembre 2020 le CHU de Rennes, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... et par la CPAM de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée le 16 décembre 2019 sous le n° 19NT04831 la CPAM de Loire-Atlantique, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 octobre 2019 ;

2°) de condamner le CHU de Rennes à lui verser la somme de 122 467,54 euros en remboursement de ses débours ainsi que l'indemnisation de ses frais futurs et de la rente d'accident du travail versée à M. F... ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Rennes les sommes de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la responsabilité du CHU de Rennes est engagée en raison de l'erreur de diagnostic de la pathologie dont souffrait M. F... au pied gauche lors de son admission et de l'absence de consignes adaptées par le service des urgences.

La requête a été communiquée au CHU de Rennes et à M. F..., qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la CPAM de la Loire-Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 novembre 2003, M. F..., né le 15 mai 1956, exerçant la profession d'électricien, a chuté d'une hauteur de six mètres sur la plante des pieds. Il a été conduit au service des urgences du CHU de Rennes, où des radiographies ont mis en évidence un hématome de la face interne du pied droit. Il a été autorisé à rentrer à son domicile le même jour avec une prescription d'antalgiques. Toutefois, en raison de douleurs persistantes aux talons, de nouvelles radiographies ont été réalisées le 12 novembre 2003 au CHU de Rennes. Une fracture non déplacée du calcanéum droit a été diagnostiquée qui a été traitée par immobilisation et rééducation. En l'absence de disparition de la douleur ressentie dans le pied gauche, divers examens et soins ont été prodigués à M. F... entre 2003 et 2006, sans succès. M. F... souffre toujours de douleurs au pied gauche, d'une déformation de ce pied et se déplace avec une canne.

2. M. F... a saisi le 16 février 2009 la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de Bretagne, qui a confié une expertise à un collège de médecins. Au vu du rapport d'expertise, remis le 10 avril 2011, la CCI a exclu la responsabilité du CHU de Rennes. M. F... a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes, qui a ordonné une nouvelle expertise. Les experts ont remis leur rapport le 23 juillet 2014. Le 23 décembre 2016, M. F... a adressé une réclamation préalable au CHU de Rennes, que cet établissement a implicitement rejetée. Il a ensuite saisi le tribunal administratif de Rennes d'un recours indemnitaire qui, par un jugement du 17 octobre 2019, a également été rejeté. Par des requêtes n° 19NT04822 et n° 19NT04831, qu'il y a lieu de joindre, M. F... et la CPAM de la Loire-Atlantique relèvent appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. Il résulte de l'instruction, en particulier des rapports concordants des deux collèges d'expert, que les radiographies réalisées lors de l'admission de M. F... au service des urgences du CHU de Rennes, le 5 novembre 2003, ne permettaient pas de déceler la fracture de la tubérosité du calcanéum droit, au demeurant très partielle et très limitée, dont était atteint ce patient. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que d'autres examens que ceux alors pratiqués auraient dû être prescrits, le retard de diagnostic d'une semaine dont a été victime M. F... n'est pas fautif.

5. S'agissant du pied gauche, le collège d'experts missionné par le tribunal administratif de Nantes a indiqué dans son rapport que l'accident subi par M. F... est probablement à l'origine d'une lésion du tendon du tibial postérieur, sans rupture, pathologie compatible avec une lésion micro-traumatique révélée par une scintigraphie osseuse réalisée le 24 décembre 2003. Toutefois, il ne résulte ni de ce rapport, ni de celui du premier collège d'experts que les médecins qui ont pris en charge M. F... au CHU de Rennes le 5 novembre 2003 auraient été, alors que le patient se plaignait principalement d'une douleur au pied droit, en mesure de poser ce diagnostic qui, selon les termes des experts, " était très difficile à faire " en l'absence de signes cliniques révélateurs et qui n'a d'ailleurs été posé qu'en 2012 par le corps médical.

6. Le second collège d'experts a écrit dans son rapport que " Cependant des consignes de suivi plus strict et précautionneux auraient dues être données par le service des urgences, puisque la fracture du calcanéum a été découverte 7 jours après l'accident devant la persistance des douleurs des pieds. ". Toutefois, et alors que les experts n'ont pas précisé quelles consignes auraient pu être données, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'en l'absence de tous résultats d'examen ou signes cliniques permettant de diagnostiquer les pathologies dont souffrait M. F..., la décision de le renvoyer chez lui avec une prescription de repos et une prescription d'antalgiques, traitement dont la pertinence n'est pas contestée, ne saurait être regardée comme fautive.

7. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité pour faute du CHU de Rennes ne peut être engagée et que, par suite, M. F... et la CPAM de Loire-Atlantique ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais de l'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Rennes une somme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CHU de Rennes, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. F... et à la CPAM de la Loire-Atlantique les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n°19NT04822 et n°19NT04831, présentées respectivement par M. F... et par la CPAM de la Loire-Atlantique, sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., au CHU de Rennes et à la CPAM de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

Le rapporteur,

E. C...La présidente,

I. Perrot

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 19NT04822, 19NT04831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04822
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;19nt04822 ?
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