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23/04/2021 | FRANCE | N°19NT04363

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 avril 2021, 19NT04363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier Erdre-et-Loire l'a sanctionnée d'une exclusion temporaire de fonctions pendant un an, ainsi que l'avis du

25 mai 2016 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière favorable au maintien de cette sanction, et d'enjoindre à son employeur de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 1605940 du 2 octobre 2

019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier Erdre-et-Loire l'a sanctionnée d'une exclusion temporaire de fonctions pendant un an, ainsi que l'avis du

25 mai 2016 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière favorable au maintien de cette sanction, et d'enjoindre à son employeur de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 1605940 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 novembre 2019 et 17 juillet 2020 Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 3 février 2016 du directeur du centre hospitalier Erdre-et-Loire et l'avis du 25 mai 2016 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière ;

3°) d'enjoindre à son employeur de lui verser les traitements dont elle a été privée pendant son exclusion de fonctions et de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision plus favorable dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Erdre-et-Loire et de l'EHPAD d'Oudon la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 3 février 2016 et l'avis du 25 mai 2016 sont insuffisamment motivés ;

- le directeur du centre hospitalier Erdre-et-Loire a méconnu les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ainsi que les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son dossier administratif étant incomplet et ne comportant pas certains éléments qui lui sont favorables ;

- la sanction est en partie fondée sur des faits prescrits, datant de 2010 ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et s'appuient sur des témoignages irréguliers, dès lors qu'ils n'ont été ni signés ni datés par leurs auteurs ;

- la sanction retenue est disproportionnée au regard notamment de ses antécédents professionnels et de l'absence de plainte des résidents ou de leurs familles.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2020 le centre hospitalier Erdre-et-Loire, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme E... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Nantes n'était pas compétent pour juger de la légalité de la décision contestée de la commission des recours ;

- la demande indemnitaire formée par Mme E..., tendant au versement d'une somme représentative d'une année de traitement, n'est pas recevable, faute pour la requérante d'avoir lié le contentieux ;

- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 2012-739 du 9 mai 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant Mme E..., et de Me F..., représentant le centre hospitalier Erdre-et-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., infirmière titulaire, a été recrutée le 1er janvier 2011 par le centre hospitalier Erdre-et-Loire et affectée à l'EHPAD d'Oudon. Elle a été suspendue le

22 janvier 2015 et a repris ses fonctions le 24 juin 2015, d'abord au sein du service des urgences du centre hospitalier d'Ancenis, puis dans le service des soins de suite et de réadaptation (SSR) du même établissement. Le 7 octobre 2015, Mme E... a fait l'objet d'une nouvelle mesure de suspension de ses fonctions. Son employeur a saisi le conseil de discipline qui, le

19 janvier 2016, a rendu un avis indiquant que Mme E... avait commis des fautes graves, avis toutefois non assorti d'une proposition de sanction. Le 3 février 2016, le directeur du centre hospitalier Erdre-et-Loire a infligé à Mme E... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pendant un an. Le 29 février 2016, Mme E... a saisi la commission des recours qui s'est prononcée, le 25 mai 2016, en faveur du maintien de cette sanction. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2016 et l'avis du 25 mai 2016. Par un jugement du 2 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Mme E... relève appel de ce jugement.

Sur la compétence du tribunal administratif de Nantes :

2. Aux termes de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : " Tous les litiges d'ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne. "

3. En vertu de ces dispositions, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier Erdre-et-Loire, le tribunal administratif de Nantes était compétent pour statuer sur le recours de Mme E... tendant à l'annulation de l'avis du 25 mai 2016 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, le tribunal administratif de Nantes était bien compétent pour statuer sur la requête et le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur la légalité de la décision du 3 février 2016 du directeur du centre hospitalier Erdre-et-Loire et de l'avis du 25 mai 2016 de la commission des recours :

4. En premier lieu, il convient d'écarter le moyen tiré de ce que la décision et l'avis contestés sont insuffisamment motivés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. ".

6. Mme E... admet qu'elle a pu consulter son dossier administratif avant la réunion du conseil de discipline du 19 janvier 2016. Si elle se prévaut de l'absence, dans ce dossier, de certificats établis les 10 février et 4 mai 2015 par le médecin du travail, le premier concluant à son inaptitude temporaire et le second à son aptitude à la reprise de ses fonctions, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette irrégularité aurait eu une incidence quelconque sur l'avis du conseil de discipline ou sur le sens de la décision et de l'avis contestés, alors au demeurant que tant son employeur que la commission des recours disposaient de cette information. Le moyen tiré de l'absence de ces certificats médicaux dans le dossier communiqué doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, et en tout état de cause, cette lacune n'emporte pas méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un procès équitable.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. "

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la rédaction de la décision contestée du 3 février 2016, que la sanction qui a été infligée à Mme E... reposerait sur des faits prescrits, alors même que le rapport de saisine du conseil de discipline préparé par le centre hospitalier Erdre-et-Loire mentionnait, à titre d'information, l'existence d'un précédent rapport administratif du 29 mars 2010 reprochant divers manquements à Mme E....

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des témoignages concordants de collègues de Mme E..., qui peuvent être retenus à titre d'éléments d'information alors même qu'ils ont été recueillis dans le cadre de l'enquête administrative menée par le centre hospitalier Erdre-et-Loire entre le 11 février et le 30 mars 2015, dès lors qu'ils émanent de personnes dont il n'est pas contesté qu'elles ont travaillé avec Mme E... dans ses différentes affectations, que celle-ci a, de manière répétée, commis de graves négligences dans la préparation des médicaments destinés aux résidents de l'EHPAD d'Oudon, certaines de ces négligences étant susceptibles, selon le témoignage d'un médecin de cet établissement, d'avoir des conséquences graves pour la santé de ces derniers. Il est également établi par les pièces du dossier, en particulier par des comptes rendus d'entretiens circonstanciés et par plusieurs témoignages de collègues de Mme E..., que celle-ci avait l'habitude, lorsqu'elle était de service le week-end à l'EHPAD, et donc la seule infirmière présente, de quitter son poste avant l'arrivée de sa remplaçante, laissant ainsi à des aides-soignantes la responsabilité de prodiguer des soins relevant de la responsabilité d'une infirmière. Il est aussi établi, là encore par plusieurs témoignages concordants et crédibles, qu'en 2014 et 2015 Mme E... a, à plusieurs reprises, manqué à son devoir de surveillance et d'assistance des résidents et des patients qui lui étaient confiés, négligeant par exemple de se rendre au chevet d'une résidente souffrant de vomissements, oubliant de retirer à une patiente une sonde urinaire ou augmentant le débit d'une perfusion alors même que celle-ci n'était plus en place et se déversait dans le lit du résident. Il est aussi clairement établi par les pièces du dossier que Mme E... a, de manière répétée et consciente, méconnu l'organisation des soins en vigueur au sein de l'EHPAD d'Oudon, en écoutant par exemple de la musique à plein volume pendant qu'elle préparait les piluliers hebdomadaires, ce qui peut expliquer les nombreuses erreurs commises par elle à cette occasion, ou en étant inattentive lors des transmissions d'informations par ses collègues au moment des relèves. Il ressort enfin de plusieurs témoignages que Mme E... a eu parfois un comportement inadapté, voire agressif, envers certains de ses collègues, en particulier les aides-soignantes. Dans ces conditions, même à supposer qu'elle n'aurait pas emprunté sans autorisation un fauteuil roulant le 10 mars 2015, fait qui lui est également reproché par son employeur, il est établi que Mme E... a commis en 2014 et 2015 plusieurs fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.

10. En dernier lieu, il résulte des pièces du dossier que, sans l'intervention de ses collègues, les erreurs et négligences commises par Mme E... dans l'exercice de ses fonctions d'infirmière auraient pu avoir des conséquences graves sur l'état de santé des personnes dont elle avait la charge. Par suite, et alors que les modalités d'organisation en vigueur au sein de l'EHPAD d'Oudon ne sauraient expliquer ces manquements, s'agissant en particulier de la préparation des piluliers hebdomadaires, la sanction prononcée à son encontre de l'exclusion temporaire de fonctions pendant un an n'est pas disproportionnée.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de la requête tendant au paiement des traitements non versés, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

3 février 2016 du directeur du centre hospitalier d'Erdre-et-Loire et de l'avis du 25 mai 2016 de la commission des recours. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction de la requête doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier Erdre-et-Loire, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme E... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... la somme demandée par le centre hospitalier Erdre-et-Loire au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier Erdre-et-Loire présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au centre hospitalier Erdre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

Le rapporteur

E. D...Le président

I. Perrot

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04363
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;19nt04363 ?
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