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20/04/2021 | FRANCE | N°19NT04728

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 avril 2021, 19NT04728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... et I... A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2018 par lequel le maire de Deauville a délivré à la société Immoclair un permis de construire une maison individuelle sur le terrain situé 74 rue Victor Hugo à Deauville ainsi que la décision par laquelle cette même autorité a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802726 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... et I... A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2018 par lequel le maire de Deauville a délivré à la société Immoclair un permis de construire une maison individuelle sur le terrain situé 74 rue Victor Hugo à Deauville ainsi que la décision par laquelle cette même autorité a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802726 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me Griffiths puis Me Desmonts, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Deauville une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité et de l'incomplétude du dossier de la demande de permis résultant de l'existence de plans de masse contradictoires ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il est contraire aux dispositions combinées de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme et du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ;

- il méconnaît les dispositions de l'article UA 12 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, la société Immoclair, représentée par la Selas FTPA, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du dossier de la demande de permis initial est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2020, la commune de Deauville, représentée par Me Labrusse, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Maudet, substituant Me Crespelle, représentant la société Immoclair.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 juillet 2018, modifié par un arrêté du 13 décembre 2018, le maire de Deauville a autorisé la société Immoclair à construire une maison de 289 mètres carrés de surface de plancher sur les parcelles cadastrées section AI n° 731 et n° 733 et situées 74 rue Victor Hugo à Deauville. M. et Mme A..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, ont formé un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du maire du 9 octobre 2018. Ils relèvent appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2018 et de la décision du 9 octobre 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de procédure que M. et Mme A... ont soulevé, devant le tribunal administratif de Caen, un moyen tiré de l'incomplétude du dossier de la demande au regard des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, moyen auquel le tribunal a répondu aux points 2 et 3 du jugement attaqué. Si les demandeurs ont, par un mémoire présenté le 6 septembre 2019, soulevé pour la première fois un moyen distinct tiré de ce que le dossier de la demande de permis comportait des plans contradictoires de nature à induire le service instructeur en erreur, ce mémoire a été enregistré au greffe du tribunal le 6 septembre 2019 à seize heures vingt-huit, soit postérieurement à la clôture de l'instruction prononcée le même jour par une ordonnance mise à la disposition des parties à quinze heures cinquante-cinq. Par suite, en s'abstenant de répondre à ce moyen, lequel ne revêt pas un caractère d'ordre public, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.

Sur la légalité des décisions contestées :

3. En premier lieu, à supposer que les requérants aient entendu soulever en appel le moyen tiré de ce que le dossier de la demande de permis comportait des plans contradictoires de nature à induire le service instructeur en erreur, il ne ressort pas des pièces du dossier que, au vu des documents soumis au service instructeur à l'appui des demandes de permis de construire et de permis de construire modificatif, celui-ci ait été induit en erreur, en particulier dans l'appréciation de la conformité du projet aux dispositions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie et à celles du chapitre 7 du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine.

4. En deuxième lieu, les dispositions du point 7.1.1 de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives latérales dans une bande de constructibilité de quinze mètres à compter de l'alignement, prescrivent que, lorsque la distance entre les deux limites séparatives latérales est inférieure à quinze mètres, le nu des façades des nouvelles constructions soit implanté sur toutes les limites séparatives latérales. Le règlement définit les limites séparatives latérales comme " les limites dont au moins une extrémité rejoint l'alignement, et qui sépare le terrain d'un terrain mitoyen ". Par ailleurs, les dispositions du point 2 du chapitre 7 du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine au sein de laquelle est situé le projet litigieux prévoient, s'agissant du tissu urbain continu, qu'à l'intérieur d'une bande de constructibilité de douze mètres pour le rez-de-chaussée, " les constructions doivent occuper la largeur de la parcelle jusqu'aux limites séparatives latérales, sauf dans le cas de la réalisation d'un portail d'accès ".

5. Pour l'application de ces dispositions, doit être regardée comme une limite séparative latérale la limite séparant le terrain d'assiette du projet de la propriété contigüe et aboutissant à la voie en bordure de laquelle les deux propriétés sont situées.

6. A l'appui de leur moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement de plan local d'urbanisme intercommunal et du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, relatives à l'implantation en limites séparatives latérales à l'intérieur des bandes de constructibilité, les requérants soutiennent que le projet aurait dû être implanté sur la limite séparant la parcelle cadastrée AI n° 731 et la parcelle cadastrée AI n° 725 ainsi que sur la limite séparant la parcelle cadastrée AI n° 731 et la parcelle cadastrée AI n° 724. Toutefois, d'une part, la parcelle cadastrée AI n° 725 et le terrain d'assiette du projet ne sont pas situés en bordure de la même voie. D'autre part, si les parcelles AI n° 731 et AI n° 724 sont toutes deux bordées par la rue Victor Hugo, la limite séparant ces deux propriétés n'aboutit pas à cette voie. Il suit de là que les limites considérées ne constituent pas des limites séparatives latérales. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 4 ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme : " Lorsque le règlement impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat. / Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant du premier alinéa, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions. / (...) ". D'autre part, en vertu des dispositions de l'article UA 12 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie toute nouvelle construction destinée à l'habitation doit prévoir au moins une place par tranche de 100 mètres carrés de surface de plancher, le nombre de places exigées se calculant par tranche entamée de plus de 25 %.

8. En l'espèce, le projet autorisé, tel qu'il résulte du permis de construire modificatif délivré le 13 décembre 2018, présente une surface de plancher de 289 mètres carrés. En prévoyant l'aménagement de deux places de stationnement sur le terrain d'assiette du projet et en justifiant d'un compromis de vente signé le 5 décembre 2018 et portant sur un box au sous-sol d'un bâtiment situé à proximité du projet, la pétitionnaire s'est conformée aux dispositions précitées de l'article UA 12 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, alors même que la réitération de la vente par acte authentique n'est intervenue que postérieurement à la délivrance du permis de construire modificatif.

9. En dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

10. Selon l'atlas des zones sous le niveau marin de Basse-Normandie, dont la notice d'utilisation précise toutefois qu'il " ne permet pas d'appréhender le risque à l'échelle de la parcelle ", le terrain d'assiette du projet litigieux serait en partie situé en dessous du niveau marin de référence. Ce projet porte sur l'édification d'une maison composée de trois niveaux au-dessus du rez-de chaussée ainsi que d'un sous-sol. Le rez-de-chaussée est surélevé par rapport au niveau du terrain naturel qui présente une déclivité. Par ailleurs, le permis délivré est assorti de plusieurs prescriptions spéciales tenant, notamment, à la création d'une zone refuge à l'étage, la mise en place de moyens d'occultation des voies d'eau, la surélévation des équipements sensibles, l'utilisation de revêtements hydrofuges ou peu sensibles et l'installation d'un volet non électrique. Enfin, les pièces de séjour et de sommeil sont situées aux étages uniquement. A cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le sauna, la piscine et les sanitaires prévus au sous-sol ne peuvent être regardés comme des pièces de vie. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que les prescriptions dont le maire a assorti le permis en litige seraient insuffisantes pour prévenir les atteintes à la sécurité résultant du risque de submersion marine, dont la situation du projet au regard du niveau de la mer ne constitue, au demeurant, pas le seul facteur explicatif. Dans ces conditions, en délivrant le permis de construire contesté, le maire de Deauville n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la conformité du projet aux dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Deauville, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des requérants le versement, d'une part, à la commune de Deauville et, d'autre part, à la société Immoclair, d'une somme de 1 200 euros chacune, au titre des frais de même nature qu'elles ont respectivement supportés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A... verseront la somme de 1 200 euros à la commune de Deauville et la somme de 1 200 euros à la société Immoclair sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à la commune de Deauville et à la société Immoclair.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Douet, président assesseur,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 avril 2021.

Le rapporteur,

K. Bougrine

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04728


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 20/04/2021
Date de l'import : 04/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NT04728
Numéro NOR : CETATEXT000043411034 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-20;19nt04728 ?
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