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20/04/2021 | FRANCE | N°19NT02635

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 20 avril 2021, 19NT02635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions implicites par lesquelles le directeur de la Poste a rejeté ses demandes d'aménagement de poste présentées les 21 août et 23 novembre 2017.

Par un jugement nos 1800675 ; 1800676 du 25 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 juillet 2019 et 2 juillet 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 25 avril 2019 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions implicites par lesquelles le directeur de la Poste a rejeté ses demandes d'aménagement de poste présentées les 21 août et 23 novembre 2017.

Par un jugement nos 1800675 ; 1800676 du 25 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 juillet 2019 et 2 juillet 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 25 avril 2019 ;

2°) d'annuler les décisions implicites mentionnées ci-dessus ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, à la Poste de procéder à sa réintégration et de l'affecter sur un poste conforme aux recommandations du médecin de prévention et tenant compte de sa qualité de travailleur handicapé, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses demandes étaient recevables ;

- la Poste ne respecte pas les préconisations du médecin de prévention en méconnaissance des dispositions de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 dès lors qu'il doit soulever les colis pour les placer sur le diable qui lui a été fourni ;

- en l'affectant à l'exercice de telles tâches, la Poste n'a pas pris les mesures appropriées pour lui permettre, en sa qualité de travailleur handicapé, de conserver et d'exercer un emploi correspondant à sa qualification, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2020, la Poste, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les demandes présentées M. D... devant le tribunal administratif étaient irrecevables et au surplus que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., agent professionnel qualifié de second niveau, assurait l'entretien des bâtiments et du matériel de la Poste lorsqu'il a été victime d'un accident de service le 7 juillet 1997 puis de plusieurs rechutes. Reconnu inapte au port de charges lourdes et à l'exercice de ses anciennes fonctions, il a repris son activité professionnelle en janvier 2011 sur un poste d'" agent courrier " à Caen, puis à May-sur-Orne. A la suite d'un second accident de service, il a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 3 octobre 2014 puis en disponibilité d'office du 15 octobre 2016 au 30 juin 2017. Le 3 juillet 2017, il a repris des fonctions à Colombelles, tout en acceptant une mission supplémentaire de renfort sur le " carré pro " de Vendeuvre pour l'établissement Verson Caen. Par courriers des 21 août et 23 novembre 2017, l'intéressé a contesté auprès de son employeur le fait que les préconisations du médecin de prévention n'étaient pas respectées et a sollicité l'aménagement de son poste de travail. M. D... relève appel du jugement du 25 avril 2019, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites nées du silence de la Poste.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / (...)Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le poste de travail de l'agent peut être aménagé pour respecter les recommandations du médecin de prévention, l'employeur n'est pas tenu de proposer un reclassement à l'intéressé.

3. A la suite de son placement en disponibilité d'office du 15 octobre 2016 au 30 juin 2017, et à compter du 3 juillet 2017, M. D... a été affecté à Colombelles. Selon sa fiche de poste, il était chargé de la saisie informatique de données en matière de gestion du personnel, de la supervision des contrôles des moyens de locomotion et du " petit tri ". Avec son accord, une mission complémentaire lui a été confiée sur la période du 17 juillet 2017 au 4 août 2017 afin de venir en renfort, entre 15h30 et 17 h, à ses collègues du " carré pro " de Vendeuvre. Il était cependant précisé qu'il ne devait accomplir des tâches de manutention que dans la limite de ses capacités physiques. Le 21 juillet 2017, le médecin du travail a validé ses nouvelles fonctions, tout en rappelant qu'il ne devait pas porter de charges supérieures à 10 kg et que l'utilisation d'un diable pour le port de colis de plus de 10 kg était recommandée. Il ressort des pièces du dossier que ce matériel lui a été fourni le 27 juillet 2017. M. D... a toutefois contesté à deux reprises le non-respect par son employeur des recommandations du médecin de prévention. Il produit à l'appui de ses dires, le courrier du médecin de prévention du 4 septembre 2017 ainsi que le certificat de son médecin traitant du 18 octobre 2017, lesquels ne reposent cependant que sur ses seules déclarations et non sur la constatation de ses conditions de travail. Le requérant se prévaut également de plusieurs témoignages, dont l'un précise qu'il était amené à porter des colis, des caissettes et des bacs de courriers pouvant peser plus de 15 kg. En défense, la Poste produit cependant des attestations des responsables de M. D... sur le site de Colombelles, mentionnant les différentes tâches qui lui étaient confiées, lesquelles étaient relativement variées et n'impliquaient pas toutes la manipulation de colis lourds. Par ailleurs, si le requérant soutient que la fourniture du diable recommandé par le médecin de prévention pour le port de charges de plus de 10 kg était insuffisante dès lors qu'il devait y placer les colis puis les décharger, la Poste indique que l'intéressé n'a toutefois pas repris ses fonctions à la suite de ses congés annuels, ce que confirme la fiche individuelle de gestion mentionnant qu'il était en arrêt maladie à partir du 21 août 2017. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait refusé d'accomplir certaines tâches ou sollicité un nouvel aménagement de son poste afin de limiter ses missions à des tâches ne nécessitant le port d'aucun colis ou bacs de courrier. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la Poste n'a pas respecté les préconisations du médecin de prévention. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, son employeur n'était dès lors pas tenu de lui proposer un reclassement. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la Poste aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions contestées : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur./ Ces mesures incluent notamment l'aménagement de tous les outils numériques concourant à l'accomplissement de la mission des agents, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. ".

5. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 3, que M. D... a bénéficié d'un aménagement de son poste de travail pour tenir compte des recommandations du médecin du travail et n'a fait l'objet d'aucune discrimination à raison de son handicap. En outre, la fiche de poste établie lors de sa reprise au mois de juillet 2017 indiquait expressément qu'un plan de développement individuel serait élaboré afin d'accroitre ses compétences dans les différentes activités qui lui étaient confiées. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'en l'affectant à l'exercice de ces tâches aménagées, la Poste n'aurait pas pris les mesures appropriées pour lui permettre de conserver et d'exercer un emploi correspondant à sa qualification. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 ne peut ainsi qu'être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la Poste, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction présentées en appel doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de M. D... le versement à la Poste de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Poste tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la Poste.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 avril 2021.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02635
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL DURAND LOYGUE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-20;19nt02635 ?
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