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23/02/2021 | FRANCE | N°20NT03678

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 23 février 2021, 20NT03678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juillet 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2007739 du 28 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 nove

mbre 2020, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juillet 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2007739 du 28 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2020, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007739 du tribunal administratif de Nantes du 28 août 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 23 juillet 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- son droit à l'information n'est intervenu que tardivement en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 13 du RGPD ; la délivrance de l'information, matérialisée par la délivrance des brochures, doit intervenir dès la présentation au point d'accueil des demandeurs d'asile en début de procédure ; cette information lui a été délivrée à l'issue de l'entretien, en fin d'entretien et non en temps utile ;

- ses empreintes ont été relevées sans lui délivrer d'information sur la collecte des empreintes dans Eurodac en méconnaissance de l'article 13 du RGPD, entré en vigueur en 2018 ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il appartient au préfet de démontrer que les garanties de cet entretien ont été respectées ; le préfet n'apporte pas la preuve de la personne ayant mené l'entretien, sa qualification en droit de l'asile et la confidentialité de leurs échanges ; la simple signature de l'agent ayant mené l'entretien sans son nom et sa qualité ne permet pas de vérifier qu'il s'agit d'un agent qualifié ;

- il existe une contradiction majeure entre les mesures d'urgence sanitaire et le transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; la décision ne peut être exécutée compte tenu des mesures de confinement et de couvre-feu adoptées par les autorités italiennes et françaises ;

- les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; les rapports établissent les défaillances du système italien notamment dans l'accès à l'hébergement des demandeurs d'asile ; la crise sanitaire aggrave la situation des demandeurs d'asile en Italie ; la décision d'acceptation indique qu'il faut éviter les transferts de personnes présentant des problèmes de santé ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il n'a pu bénéficier de soins adaptés à son état de santé en Italie, alors qu'il souffre de problèmes urinaires, de douleurs au dos et de douleurs aux dents ; sa compagne a fait une fausse couche en Italie en raison de l'absence de prise en charge de la part des autorités italiennes ; il n'existe aucune garantie quant à sa prise en charge médicale et sociale adaptée à son état de santé ; la décision d'acceptation indique qu'il faut éviter les transferts de personnes présentant des problèmes de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le délai de transfert de M. C... vers l'Italie a été reporté au 1er mars 2021 ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant ivoirien né en octobre 1986, a, selon ses déclarations, quitté son pays en compagnie de sa compagne Mme A..., en octobre 2019. Le couple est entré en France, après un passage en Italie, en mars 2020. M. C... et sa compagne ont déposé des demandes d'asile qui ont été enregistrées le 29 juin 2020 auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. Les autorités italiennes, saisies d'une demande en ce sens, ont accepté explicitement le transfert de M. C... le 8 juillet 2020. Par une décision du 23 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence dans le département de la Loire-Atlantique. M. C... relève appel du jugement du 28 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant transfert du 23 juillet 2020.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre, le 29 juin 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française. Il a attesté, sur le compte-rendu de l'entretien, que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis dans une langue qu'il déclarait comprendre et que les informations contenues dans le guide ainsi que dans les brochures A et B lui ont été communiquées oralement et qu'il les avait comprises. Si M. C... soutient que ces informations lui ont été remises à l'issue de l'entretien et non en temps utile et ne lui aurait pas permis de faire valoir ses observations, il ressort des observations portées sur le compte-rendu d'entretien du 29 juin 2020 que M. C... a pu faire valoir les motifs de son arrivée en France et les conditions, matérielles et sanitaires, de son séjour en Italie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; / c) des destinataires des données; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. / 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) 3. Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 est réalisée conformément à la procédure visée à l'article 44, paragraphe 2, dudit règlement. / La brochure est rédigée d'une manière claire et simple, et dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. / La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres peuvent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces informations spécifiques aux États membres portent au moins sur les droits de la personne concernée, sur la possibilité d'une assistance de la part des autorités nationales de contrôle, ainsi que sur les coordonnées des services du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle (...) ". Par ailleurs, l'article 13 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données dispose que : " 1. Lorsque des données à caractère personnel relatives à une personne concernée sont collectées auprès de cette personne, le responsable du traitement lui fournit, au moment où les données en question sont obtenues, toutes les informations suivantes : / a) l'identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement ; / b) le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données ; / c) les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel, ainsi que la base juridique du traitement ; / d) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point f), les intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers ; / e) les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel, s'ils existent ; et / f) le cas échéant, le fait que le responsable du traitement a l'intention d'effectuer un transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale, et l'existence ou l'absence d'une décision d'adéquation rendue par la Commission ou, dans le cas des transferts visés à l'article 46 ou 47, ou à l'article 49, paragraphe 1, deuxième alinéa, la référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d'en obtenir une copie ou l'endroit où elles ont été mises à disposition ; / 2. En plus des informations visées au paragraphe 1, le responsable du traitement fournit à la personne concernée, au moment où les données à caractère personnel sont obtenues, les informations complémentaires suivantes qui sont nécessaires pour garantir un traitement équitable et transparent : / a) la durée de conservation des données à caractère personnel ou, lorsque ce n'est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ; b) l'existence du droit de demander au responsable du traitement l'accès aux données à caractère personnel, la rectification ou l'effacement de celles-ci, ou une limitation du traitement relatif à la personne concernée, ou du droit de s'opposer au traitement et du droit à la portabilité des données ; / c) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point a), ou sur l'article 9 point a), l'existence du droit de retirer son consentement à tout moment, sans porter atteinte à la licéité du traitement fondé sur le consentement effectué avant le retrait ; / d) le droit d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle ; (...) 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s'appliquent pas lorsque, et dans la mesure où, la personne concernée dispose déjà de ces informations ".

6. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de la méconnaissance de l'obligation d'information résultant des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Dans ces conditions, la circonstance que M. C... n'aurait pas reçu l'information prévue par ces dispositions avant le relevé de ses empreintes est sans incidence sur la légalité de la décision portant transfert auprès des autorités italiennes. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

8. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. C... qu'il a bénéficié le 29 juin 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue française, que l'intéressé a déclaré comprendre. Il n'est pas établi que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

9. En quatrième lieu, les considérations relatives au contexte de pandémie du fait du virus de la Covid-19 sont, contrairement à ce que soutient M. C..., sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté mais relèvent de son exécution, le préfet disposant en tout état de cause, selon les cas, d'un délai de six à dix-huit mois pour ce faire. Dans ces conditions, la circonstance que les autorités italiennes et françaises ont adopté des mesures de confinement et de couvre-feu et que les transferts en direction de l'Italie seraient interrompus est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant transfert.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ".

11. M. C... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie et de l'absence de soins au moment de son arrivée dans ce pays, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, il n'est pas établi que l'Italie refuserait le transfert de personnes présentant des problèmes de santé. Ainsi, il ne démontre pas que la décision de transfert méconnaîtrait l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors surtout que l'Italie a explicitement accepté son transfert.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

13. M. C..., qui soutient souffrir de problèmes urinaires ainsi que de douleurs au dos et aux dents, ne produit pas de documents médicaux qui permettent de démontrer que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Les documents médicaux produits font état de la prescription d'antibiotiques, d'antidouleurs, de médicaments anti-acide et d'anxiolytique, mais ne permettent d'établir ni la gravité des pathologies dont souffre l'intéressé, ni qu'il ne pourrait, compte tenu des traitements prescrits, faire l'objet d'une prise en charge adaptée en Italie. De même, la circonstance selon laquelle ses conditions de vie ont été éprouvantes tout au long de son parcours migratoire, notamment en Lybie, ne suffisent pas à démontrer qu'il se trouve dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire portant transfert du 23 juillet 2019. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.

La rapporteure,

M. E...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03678
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-23;20nt03678 ?
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