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15/01/2021 | FRANCE | N°20NT00802

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 janvier 2021, 20NT00802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... B..., Mme Robina C..., agissant en leurs noms propres et pour le compte des jeunes K... I... et L... M..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé le 11 avril 2019 contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Islamabad rejetant les demandes de visa de long séjour présentées, au titre de la réunification famili

ale, par Mme Robina C... et les enfants Adnan I... et L... M....

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... B..., Mme Robina C..., agissant en leurs noms propres et pour le compte des jeunes K... I... et L... M..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé le 11 avril 2019 contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Islamabad rejetant les demandes de visa de long séjour présentées, au titre de la réunification familiale, par Mme Robina C... et les enfants Adnan I... et L... M....

Par un jugement n° 1908678 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle porte sur les refus de visa opposés aux jeunes K... I... et L... M....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 mars 2020 et le 30 juillet 2020, M. I... B..., Mme H... C..., agissant en leurs noms propres et pour le compte des jeunes K... I... et L... M..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande tendant à l'annulation du refus de visa opposé à Mme C... ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a implicitement maintenu le refus de visa opposé à Mme C... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C... un visa de long séjour, dans un délai d'un mois ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer sa demande ;

4°) subsidiairement, d'ordonner, avant-dire droit, aux autorités consulaires de consulter le registre d'état civil concernant Mme C... et d'obtenir une copie de la souche ainsi que de l'acte de naissance, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'identité et le lien matrimonial de Mme C... sont établis ;

- les conclusions incidentes du ministre de l'intérieur sont irrecevables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme J... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 juin 2016. Mme H... C..., qu'il présente comme son épouse, et les jeunes K... I... et N... M..., qu'il présente comme leurs enfants, ont sollicité la délivrance de visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Par des décisions du 11 février 2019, les autorités consulaires françaises en poste à Islamabad ont opposé des refus. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre ces décisions de refus. Par un jugement du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission en tant qu'elle a maintenu le refus de visa opposé aux enfants D... I... et N... M.... M. B... et Mme C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / (...) / II - (...) / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...). En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / Le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences, qui souhaite rejoindre ou accompagner l'un de ses parents mentionné aux articles L. 411-1 et L. 411-2 (...), peut, en cas d'inexistence de l'acte de l'état civil ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du code civil, demander que l'identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. En premier lieu, sont versées aux débats quatre copies, délivrées le 24 avril 2018, le 22 avril 2019, le 18 février 2020 et le 27 juillet 2020, de l'acte de naissance portant le numéro CRMS B 700421-16-12981, concernant O... C... et établi sur le fondement de la déclaration reçue du père, M. G... E..., le 7 janvier 1980. Il ressort des mentions concordantes de ces quatre copies d'acte de naissance que Mme H... C... est née le 1er janvier 1980 à Faisalabad. Ces éléments sont corroborés par les mentions figurant sur le registre de naissance tenu par le secrétaire du conseil municipal de Chak n° 119/JB Samana, du district de Faisalabad dont les requérants ont obtenu une photocopie, certifiée par le secrétaire.

5. D'une part, si, à l'occasion de vérifications menées en décembre 2018 par un cabinet d'avocats d'Islamabad mandaté par l'autorité consulaire française, le secrétaire du conseil municipal de Chak n° 119/JB a estimé que la copie du 18 février 2018 était un faux, cette autorité s'est prononcée sur un document relatif à " O... C... fille de P... " alors qu'il ressort des pièces du dossier que la copie d'acte considérée, portant la référence R 08961497 et ayant fait l'objet de la vérification, fait état, pour père, de M. G... E.... Dans ces conditions, la conclusion à laquelle est parvenue le cabinet d'avocats, sur le fondement de cette seule déclaration du secrétaire, ne présente pas un caractère suffisamment fiable et ne permet pas, par suite, de mettre en cause le caractère probant de cette copie d'acte.

6. D'autre part, la circonstance que le certificat d'enregistrement familial délivré par le Service national chargé des bases de données et de l'enregistrement (National Database and Registration Authority - NADRA) indique que le père de Mme C... est " Q... ", cette inexactitude, rectifiée depuis lors, ne suffit pas à démontrer que les informations contenues dans les pièces mentionnées au point 4 ne seraient pas conformes à la réalité.

7. Enfin, Mme C... justifie d'une carte nationale d'identité, sur laquelle est apposée une photographie, permettant aux autorités consulaires de s'assurer que la personne ayant déposé la demande de visa était bien celle concernée par l'acte de naissance CRMS B 700421-16-12981.

8. En second lieu, alors, au demeurant, que le rapport établi au terme de l'enquête locale confiée au cabinet d'avocats indique que Mme H... C... est l'épouse de M. B..., le ministre de l'intérieur ne conteste pas sérieusement, en produisant des extraits du Child Marriage Restreint Act de 1929, la réalité de l'union matrimoniale des requérants célébrée le 29 juillet 1998 ainsi qu'en atteste le certificat de mariage délivré le 4 juin 2018.

9. Il suit de là qu'en confirmant le refus de visa opposé à Mme H... C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur demande dirigées contre le refus de visa opposé à Mme C....

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour à Mme H... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants de la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 janvier 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle maintient le refus de visa opposé à Mme C... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C... un visa de long séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... et Mme C... la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B... et Mme H... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

M. A...'hirondel, premier conseiller,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 janvier 2021.

Le rapporteur,

K. J...

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00802
Date de la décision : 15/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CUKIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-15;20nt00802 ?
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