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15/01/2021 | FRANCE | N°18NT04377

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 janvier 2021, 18NT04377


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et Joëlle C... et M. et Mme H... et Marie-Odile B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a procédé à la délimitation de l'emprise de la servitude de marchepied le long de l'Erdre à la Chapelle-sur-Erdre.

Par un jugement n° 1604880, 1604904 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté notamment leur demande.

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Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2018, M. et Mme C... et M. et Mme B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et Joëlle C... et M. et Mme H... et Marie-Odile B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a procédé à la délimitation de l'emprise de la servitude de marchepied le long de l'Erdre à la Chapelle-sur-Erdre.

Par un jugement n° 1604880, 1604904 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté notamment leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2018, M. et Mme C... et M. et Mme B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de l'incompétence du département et de la méconnaissance des articles L. 341-10, R. 341-10 et R. 341-11 du code de l'environnement ainsi que de l'article L. 341-14 du même code ;

- la commune de la Chapelle-sur-Erdre n'avait aucune compétence pour solliciter l'application de la servitude de marchepied ;

- en tout état de cause, l'organe compétent de la commune est le conseil municipal ;

- l'arrêté du 12 avril 2016 méconnaît les articles L. 341-10, R. 341-10 et R. 341-11 du code de l'environnement ainsi que l'article L. 341-14 du même code ;

- l'arrêté du 12 avril 2016 porte sur des propriétés privées et procède d'une prérogative de puissance publique si bien que seul l'Etat pouvait le prendre ;

- l'arrêté est illégal du fait des illégalités qui entachent l'arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial avec lequel il forme une opération connexe et complexe ;

- les dispositions de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques dont il résulte une privation d'usage d'une partie de propriété sans procédure et indemnisation préalables et qui étendent, sans aucune condition restrictive, le bénéfice de la servitude de marchepied aux pêcheurs et piétons, ce qui ne saurait être regardé comme une nécessité publique, méconnaissent le droit de propriété protégé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- tant les dispositions de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques que l'arrêté du 27 mars 2013 méconnaissent le principe de précaution, lequel impliquait la mise en oeuvre d'une évaluation préalable résultant du simple passage piétonnier sur un site protégé en tant que site Natura 2000, site classé et espace naturel sensible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2019, le département de la Loire-Atlantique, représenté par le cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 241-14, R. 341-10 et R. 341-11 du code de l'environnement est inopérant ;

- le moyen tiré de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de l'arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial est irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant le département de la Loire-Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... et M. et Mme B... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a, en application de l'article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques, fixé la limite de l'emprise de la servitude de marchepied mentionnée à l'article L. 2131-2 du même code sur le territoire de la commune de la Chapelle-sur-Erdre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de procédure que, dans leurs écritures de première instance, les requérants ont invoqué la méconnaissance des articles L. 341-10, L. 341-14, R. 341-10 et R. 341-11 du code de l'environnement. Toutefois, d'une part, leur argumentation relative à ces articles ne portait pas sur l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté. Dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que seul le ministre chargé de la protection des sites aurait été compétent pour prendre l'arrêté portant délimitation de l'emprise de la servitude de marchepied. D'autre part, le moyen analysé ci-dessus est inopérant. Dès lors, en s'abstenant de se prononcer sur son bien-fondé, le tribunal, qui l'a néanmoins visé, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 avril 2016 :

3. Aux termes de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. / Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons. / (...) / La continuité de la servitude de passage, dite "servitude de marchepied", doit être assurée tout au long du cours d'eau ou du lac domanial ; la ligne délimitative ne peut s'écarter de celle du domaine fluvial, sauf à titre exceptionnel lorsque la présence d'un obstacle naturel ou patrimonial rend nécessaire son détournement. Dans ce cas, la ligne délimitative de la servitude est tracée au plus près de celle du domaine public fluvial, dans la propriété concernée. ". Le troisième alinéa de l'article L. 2131-4 du même code dispose : " Une commune, un établissement public de coopération intercommunale, un département, un syndicat mixte ou une association d'usagers intéressés peuvent demander à l'autorité administrative compétente de fixer la limite des emprises de la servitude de marchepied mentionnée à l'article L. 2131-2, dans les cas où celle-ci n'est pas déjà fixée. L'autorité administrative compétente en opère la délimitation dans le délai d'une année suivant la date de la demande. ".

En ce qui concerne la compétence du département :

4. D'une part, les dispositions des articles L. 341-10, L. 341-14, R. 341-10 et R. 341-11 du code de l'environnement relatifs aux monuments naturels et aux sites classés n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer une compétence au ministre chargé de ces sites pour fixer la limite de l'emprise de la servitude de marchepied, fût-ce au sein d'un site classé.

5. D'autre part, la servitude de marchepied mentionnée à l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques est établie dans l'intérêt de la protection, de la conservation ou de l'utilisation du domaine public. Ainsi, alors même que la servitude de marchepied grève des propriétés privées, le président du conseil départemental était compétent pour prendre l'acte, purement recognitif, par lequel est délimitée l'emprise de cette servitude qui longe les cours d'eau domaniaux appartenant au département.

En ce qui concerne la procédure :

6. En premier lieu, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques que la commune de la Chapelle-sur-Erdre a pu régulièrement saisir le département de la Loire-Atlantique d'une demande tendant à la délimitation de l'emprise de la servitude de marchepied sur son territoire. D'autre part, s'ils font valoir que cette demande émane non du conseil municipal mais du maire, ce dernier " seul chargé de l'administration " communale, en vertu de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, était compétent pour présenter une telle demande.

7. En second lieu, l'arrêté en litige est un acte recognitif qui se borne à constater l'emprise de la servitude de marchepied telle qu'elle résulte de l'observation sur le terrain des éléments objectifs définis par l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Il n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer la servitude de marchepied, laquelle lui préexiste et résulte des dispositions de l'article L. 2131-2. A cet égard, les piétons tiennent leur droit de passage sur l'emprise de la servitude de marchepied de ces dispositions législatives et non de l'arrêté qui se borne à en reconnaître l'étendue. Enfin, il n'implique par lui-même aucun projet ni a fortiori aucun aménagement susceptible d'avoir une incidence sur l'environnement. Il s'ensuit que les requérants ne sauraient utilement invoquer les dispositions des articles L. 341-10, L. 341-14, R. 341-10 et R. 341-11 du code de l'environnement relatifs aux modifications de l'état ou de l'aspect d'un site classé ou inscrit.

En ce qui concerne le principe de précaution :

8. Ainsi qu'il vient d'être dit, l'arrêté contesté ne peut être regardé, eu égard à son caractère recognitif, comme ayant une incidence sur l'environnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution consacré à l'article 5 de la Charte de l'environnement ne peut être qu'écarté.

En ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial :

9. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. D'autre part, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé.

10. Par un arrêt n° 16NT03177 du 9 novembre 2018, devenu définitif, la présente cour a jugé que l'arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité, sur le territoire de la commune de la Chapelle-sur-Erdre, le domaine public fluvial procédait à une inexacte délimitation de ce domaine en ce qui concerne les secteurs de marécages et de boires et en a, dans cette mesure, prononcé l'annulation. Cet arrêté du 27 mars 2013 ne constitue pas la base légale de l'arrêté en litige, lequel n'a pas été pris pour son application. Les requérants ne sauraient ainsi utilement invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté du 27 mars 2013. Ces deux actes ne forment aucunement une opération complexe. Par ailleurs, l'arrêté délimitant les emprises de la servitude de marchepied peut être pris même en l'absence d'un arrêté portant délimitation du domaine public fluvial. En l'espèce, l'arrêté litigieux est intervenu à la demande de la commune de la Chapelle-sur-Erdre et non en raison de l'arrêté du 27 mars 2013. Il s'ensuit que l'annulation partielle de ce dernier arrêté n'entraîne pas, par voie de conséquence, celle de l'arrêté du 12 avril 2016.

En ce qui concerne l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques :

11. Les requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques méconnaissent, d'une part, les dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, d'autre part, l'article 5 de la Charte de l'environnement. Cependant, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors du cas prévu par les dispositions de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 prise pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution, de connaître de la constitutionnalité de dispositions législatives. Par suite, les moyens d'inconstitutionnalité soulevés, lesquels n'ont pas été présentés par mémoire distinct, ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande, que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Loire-Atlantique, lequel, n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique présentées au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... et M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et Joëlle C... et M. et Mme H... et Marie-Odile B... et au département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

M. A...'hirondel, premier conseiller,

Mme G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 janvier 2021.

Le rapporteur,

K. G...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04377
Date de la décision : 15/01/2021
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SARL ANTIGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-15;18nt04377 ?
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