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08/01/2021 | FRANCE | N°20NT02814

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 janvier 2021, 20NT02814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 mars 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes.

Par un jugement n° 2003096 du 14 mai 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2020, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003096 du t

ribunal administratif de Nantes du 14 mai 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 mars 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes.

Par un jugement n° 2003096 du 14 mai 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2020, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003096 du tribunal administratif de Nantes du 14 mai 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 5 mars 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; les informations requises par ces dispositions lui ont été remises tardivement puisqu'il ne s'est vu remettre aucune information ni brochure lors de son passage au centre de pré-accueil alors que c'est le moment où il doit être considéré comme ayant introduit sa demande de protection internationale ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; aucune information n'étant communiquée quant à l'identité et la qualité de la personne ayant mené l'entretien, il n'est pas établi qu'il a été mené par une personne qualifiée ni que l'entretien a été mené dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 5 du règlement ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il craint, en cas de transfert en Allemagne, d'être retrouvé par la police russe ; il craint le traitement expéditif des demandes d'asile en Allemagne ; sa mère a des problèmes cardiaques ; il souffre de troubles psychiatriques ; sa fille ainée est scolarisée en classe de troisième et sa scolarité ne doit pas être interrompue en cours d'année.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le transfert de M. B... a été exécuté le 18 septembre 2020 ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant russe né en septembre 1979, est entré en France en novembre 2019. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 7 novembre 2019. Par une décision du 5 mars 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes. M. B... relève appel du jugement du 14 mai 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 mars 2020.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 7 novembre 2019, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue russe, qu'il a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

6. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. B... qu'il a bénéficié le 7 novembre 2019, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue russe, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'une interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur. Il n'est pas établi que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

8. Si M. B... indique craindre le traitement " expéditif " des demandes d'asile en Allemagne, ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'intéressé n'apporte aucun document de nature à établir que sa demande d'asile en Allemagne, pays qui lui a accordé un visa d'entrée, ne serait pas examinée dans ce pays de manière approfondie. S'il indique craindre des menaces contre sa vie formulées par des ressortissants russes ayant été informés qu'il se trouvait en Allemagne, il ne ressort d'aucune pièce produite que les autorités allemandes ne seraient pas à même d'assurer sa sécurité. Par ailleurs, M. B... ne produit pas de documents médicaux qui permettent de démontrer à eux seuls que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France, ni que son état de santé ne pourrait être pris en charge en Allemagne alors même qu'il est atteint d'un syndrome dépressif réactionnel important dans un contexte de stress post-traumatique. Il en va de même pour les troubles de santé de la mère de l'intéressé. Enfin alors que M. B... ne réside en France avec sa famille que depuis le début du mois de novembre 2019, soit environ quatre mois à la date de l'arrêté de transfert contesté, la circonstance que sa fille ainée est scolarisée depuis cette date en classe de troisième en France ne suffit pas à établir que la demande d'asile de l'intéressé devrait, pour ce motif, être examinée en France sur le fondement de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 5 mars 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.

La rapporteure,

M. C...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02814
Date de la décision : 08/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-08;20nt02814 ?
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