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18/12/2020 | FRANCE | N°20NT01083

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 décembre 2020, 20NT01083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 23 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Manche a prononcé le retrait de son agrément en qualité d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1902268 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mars et le 1er octobre 2020, Mme B..., représentée par Me D..., dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2020 du tribunal administratif de Cae...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 23 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Manche a prononcé le retrait de son agrément en qualité d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1902268 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mars et le 1er octobre 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du 23 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Manche a prononcé le retrait de son agrément en qualité d'assistante maternelle ;

3°) de mettre à la charge du département de la Manche la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier : elle n'a pas reçu les productions du département et n'a pas été convoquée à l'audience ;

- la décision contestée est irrégulière : en méconnaissance des articles L. 421-6 et R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles son temps de parole a été limité lors de la réunion de la commission consultative paritaire départementale, elle n'a pu s'assurer de la régularité de sa composition et de l'avis émis ; en méconnaissance de l'article R. 421-26 du même code aucun avertissement ne lui a été adressé ; les griefs fondant la décision de retrait sont inexacts et inconsistants ; la décision est disproportionnée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 juin et 5 octobre 2020, le département de la Manche, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête de première instance était irrecevable faute de mention du fondement juridique de la demande ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... a été agréée en qualité d'assistante maternelle à titre non permanent pour l'accueil de deux enfants à compter du 1er octobre 1992. Cet agrément a été renouvelé à deux reprises avant de lui être retiré en 2003, son nouveau logement ne remplissant pas les conditions de sécurité requises pour l'accueil d'enfants. A compter du 1er mars 2004, elle a obtenu un nouvel agrément en qualité d'assistante maternelle à titre non permanent pour l'accueil de trois enfants mineurs de 0 à 12 ans, agrément qui a été renouvelé à trois reprises, en dernier lieu par une décision du 10 décembre 2018 pour l'accueil de trois enfants de 0 à 18 ans. A la suite d'un signalement effectué par un des parents des enfants dont elle avait la garde et d'une évaluation réalisée en juillet 2019 par le service de protection maternelle et infantile du département de la Manche, le président du conseil départemental, au vu de l'avis émis en ce sens par la commission consultative paritaire départementale le 12 septembre 2019, lui a retiré son agrément en qualité d'assistante maternelle par une décision du 23 septembre 2019. Par un jugement du tribunal administratif de Caen du 24 janvier 2020, dont Mme B... relève appel, sa demande d'annulation de cet arrêté a été rejetée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-8-6 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie a accepté, pour une instance donnée, l'utilisation du téléservice mentionné à l'article R. 414-6, la juridiction peut lui adresser par cette application, et pour cette instance, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre. / Les parties sont réputées avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a accepté l'utilisation du téléservice dit " télérecours ". Ainsi elle a accusé réception le 18 décembre 2019 à 9H16 de l'avis d'audience qui lui a été communiqué par le tribunal administratif de Caen sous forme dématérialisée, tout comme, le 31 janvier 2020 à 8H41, de la notification du jugement contesté. Par ailleurs, l'unique mémoire en défense présenté par le département de la Manche en première instance a été mis à disposition de Mme B... selon les mêmes modalités le 4 décembre 2019 à 9H53. Si cette dernière n'a jamais accusé réception de ce document, elle est réputée, par application de l'article cité au point précédent, avoir reçu communication de ce document le 6 décembre 2019. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute pour elle d'avoir reçu communication du mémoire du département de la Manche ou d'avoir été conviée à l'audience du 10 janvier 2020 du tribunal administratif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. (...) " et aux termes de l'article R. 421-23 du même code : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel ou l'assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. La liste des représentants élus des assistants maternels et des assistants familiaux à la commission lui est communiquée dans les mêmes délais. L'intéressé peut se faire assister ou représenter par une personne de son choix. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., assistée d'une représentante syndicale et de la mère d'un enfant dont elle avait la garde, a été entendue le 12 septembre 2019 par la commission consultative paritaire départementale. Si elle soutient qu'elle a été informée en début de réunion que son temps de parole serait limité à quinze minutes, une telle circonstance, à la supposer exacte, n'établit pas, notamment au regard du compte-rendu d'entretien produit, qu'elle aurait été dans l'impossibilité de présenter utilement ses observations lors de cette réunion. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que Mme B... aurait dû se voir communiquer la composition nominative de la commission préalablement à la réunion. Enfin la circonstance qu'elle n'a eu communication du procès-verbal de cette réunion que postérieurement à la décision contestée est sans incidence sur les conditions de son entretien lors de son audition le 12 septembre 2019. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait intervenue en méconnaissance de ses droits à une procédure contradictoire régulière.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles : " Un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-38, R. 421-39, R. 421-40 et R. 421-41 ainsi que des dépassements du nombre d'enfants mentionnés dans l'agrément et ne répondant pas aux conditions prévues par l'article R. 421-17 peuvent justifier, après avertissement, un retrait d'agrément. ".

7. Si la décision du 23 septembre 2019 retirant l'agrément donné à Mme B... est notamment fondée sur des manquements à ses obligations de déclaration et de notification, telles que celles mentionnées à l'article R. 421-26 cité, il ressort de cette même décision qu'elle repose essentiellement sur une attitude éducative jugée inadaptée de Mme B... de nature à porter atteinte à la sécurité ou au développement des enfants accueillis. Par suite, le président du conseil départemental pouvait, sans avertissement préalable, procéder au retrait de son agrément sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et de la famille.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.

10. Ainsi qu'il a été exposé la décision contestée oppose principalement à Mme B... des attitudes éducatives inadaptées de nature à avoir des conséquences négatives pour la sécurité ou le développement des enfants. Il ressort ainsi des pièces du dossier, notamment, qu'alors qu'il lui a été demandé à plusieurs reprises, en 2014 puis en 2018, de retirer les matelas des lits parapluie utilisés puis la pose d'une barrière plus sûre bloquant l'accès à l'escalier interne de la maison, de telles modifications ne sont intervenues, à tout le moins, qu'après l'engagement de la procédure de retrait d'agrément. Par ailleurs, le père d'un enfant accueilli a, en juillet 2019, effectué spontanément un signalement à la PMI après avoir été le témoin du fait que Mme B... avait giflé et fessé une enfant de deux ans devant lui, le matin même. A cet égard Mme B... concède l'existence d'une petite tape et elle a évoqué une fessée auprès des parents de la fillette. La circonstance que la mère de cette dernière affirme que sa fille n'a pas été " battue " par Mme B... est ici sans incidence. Il est également reconnu que régulièrement Mme B... a laissé les plus jeunes enfants qui lui étaient confiés sous la surveillance de son conjoint lorsqu'elle sortait pour conduire d'autres enfants à l'école, alors qu'elle savait que cela était interdit, ou, qu'inversement, ce dernier a conduit un des enfants à l'école. A cela s'ajoute qu'en méconnaissance des règles de son agrément, Mme B... a accueilli régulièrement en 2019 un quatrième enfant et qu'au moins un matin par semaine avant le début de l'école, à partir de septembre 2018, elle accueillait deux autres enfants, fut-ce bénévolement. Enfin, il est constant que Mme B... a méconnu diverses obligations réglementaires qui lui étaient imparties telles que la tenue d'un planning effectif de son activité. Par suite, et alors même qu'elle produit des attestations favorables de parents d'enfants qui lui ont été confiés et de membres de sa famille, le président du conseil départemental de la Manche a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'elle ne remplissait plus les conditions requises pour assumer les fonctions d'assistante maternelle et prononcer le retrait de l'agrément dont elle bénéficiait.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le département de la Manche, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Mme B.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B..., sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département de la Manche.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Manche sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département de la Manche.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01083


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 18/12/2020
Date de l'import : 08/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT01083
Numéro NOR : CETATEXT000042701723 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;20nt01083 ?
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