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23/10/2020 | FRANCE | N°20NT01664

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 20NT01664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 16 décembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2000002 du 9 janvier 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2020,

M. F... C..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 16 décembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2000002 du 9 janvier 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2020, M. F... C..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et de transmettre sa demande d'asile à l'office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, Me E... B..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté de transfert

- il n'a pas reçu les informations prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi qu'il a bénéficié d'un entretien individuel mené par une personne qualifiée pour ce faire conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; de plus sa soeur a déjà obtenu le statut de réfugié ;

S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence

- il doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté de transfert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et au rejet des autres conclusions.

Il fait valoir que :

- l'arrêté décidant du transfert de M. F... C... aux autorités italiennes n'a pas été exécuté ;

- les moyens soulevés par M. F... C... ne sont pas fondés.

M. F... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... C..., ressortissant érythréen né le 21 février 1980, relève appel du jugement du 9 janvier 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 décembre 2019 du préfet de Maine et Loire décidant son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. F... C... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 9 janvier 2020 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus. Par suite, les conclusions de M. F... C... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre cet arrêté sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

5. Le requérant soutient que l'illégalité de l'arrêté de transfert du 16 décembre 2019 entache par voie de conséquence d'illégalité l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

6. En premier lieu, le requérant se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, les moyens invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté de transfert aux autorités italiennes méconnaît les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ".

8. Si M. C... se prévaut de rapports d'organisations non gouvernementales faisant état des difficultés rencontrées par les autorités italiennes face à l'afflux de migrants, ces documents non actualisés ne suffisent pas à établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie à la date de l'arrêté litigieux alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage établi que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Enfin l'intéressé étant célibataire et sans charge de famille, la seule présence de sa soeur ressortissante érythréenne bénéficiaire du statut de réfugiée en France n'est pas de nature à justifier que le préfet décide que le cas du requérant soit examiné en France. Par suite, le préfet n'ayant pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point précédent, le refus du préfet de déroger à l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas entaché d'erreur d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'illégalité de l'arrêté de transfert n'étant pas établie, M. F... C... n'est pas fondé à soutenir de l'arrêté portant assignation à résidence par voie de conséquence de cette illégalité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. F... C..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice du conseil de M. F... C....

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. F... C... aux fins d'annulation en tant qu'elles se rapportent à l'arrêté de transfert.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F... C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur, Le président,

F. D... O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT01664 2

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 23/10/2020
Date de l'import : 06/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT01664
Numéro NOR : CETATEXT000042471584 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;20nt01664 ?
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