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20/10/2020 | FRANCE | N°19NT03102

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 octobre 2020, 19NT03102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... L..., Mme F... O... E..., Mme B... N... et Mme M... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 avril 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 28 décembre 2015 par laquelle l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) a refusé de délivrer à Mme H... K..., Mme F... E... O..., Mme B... N... et Mme M... E... des visas

de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... L..., Mme F... O... E..., Mme B... N... et Mme M... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 avril 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 28 décembre 2015 par laquelle l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) a refusé de délivrer à Mme H... K..., Mme F... E... O..., Mme B... N... et Mme M... E... des visas de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1605632 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision attaquée en tant qu'elle concerne Mme H... K... et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2019 et 15 juin 2020, M. C... L..., Mme F... O... E..., Mme B... N... et Mme M... E..., représentés par Me Paccard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il concerne Mme F... O... E..., Mme B... N... et Mme M... E... ;

2°) d'annuler la décision du 27 avril 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 28 décembre 2015 par laquelle l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) a refusé de délivrer à Mme F... E... O..., Mme B... N... et Mme M... E... des visas de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Paccard, leur avocat, de la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation du caractère frauduleux des actes d'état civil produits et des passeports et du caractère contradictoire des déclarations de M. L... devant l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2010, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. L..., ressortissant congolais, bénéficie du statut de réfugié en France. Des visas de long séjour ont été demandés pour Mmes H... K..., B... N..., F... O...-E... et M...-E.... Par une décision du 28 décembre 2015, l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) a refusé de délivrer les visas demandés. Saisie d'un recours formé contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France l'a rejeté par une décision du 27 avril 2016. Par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision attaquée en tant qu'elle concerne Mme H... K... et rejeté le surplus de la requête. M. L... et Mmes B... N..., F... O...-E... et M...-E... relèvent appel de ce jugement en ce qui concerne ces trois dernières.

2. En premier lieu, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 avril 2016 cite les articles L. 211-2, L. 752-1 et L. 812-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle précise, d'une part, que les déclarations du réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), quant à sa situation familiale, sont en contradiction avec les actes d'état civil produits, suivant le jugement supplétif du 18 novembre 2013, pour les quatre enfants et, d'autre part, que les passeports, établis avant même la délivrance des actes d'état civil, ne peuvent être reconnus comme authentiques, de sorte que l'identité des requérants et leur lien familial allégué avec le réfugié ne sont pas établis et la production de tels documents relève d'une intention frauduleuse. Dans ces conditions, la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 29 juillet 2015 : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) / II. (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Par ailleurs, s'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint ou concubin ainsi qu'aux enfants mineurs d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent, elles peuvent toutefois opposer un refus à une telle demande pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude.

5. S'agissant de Mme B... N..., il ressort des pièces du dossier, notamment d'un jugement d'adoption rendu le 29 juillet 2014 par le tribunal pour enfants de Kinshasa produit dans la présente instance et dont la validité n'a pas été contestée par le ministre de l'intérieur, que l'intéressée, dont les parents sont décédés, a été adoptée par M. L.... La seule circonstance que ce dernier ait présenté Mme B... N... comme sa fille dans le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile qu'il a renseigné lui-même le 10 juillet 2009, soit antérieurement au jugement d'adoption du 29 juillet 2014, n'est pas de nature à remettre en cause la validité de cette décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère. Dans ces conditions, Mme B... N... doit être regardée comme étant la fille de M. L... et la décision de la commission de recours est illégale en ce qui la concerne.

6. S'agissant de Mmes F... O... E... et M... E..., il ressort des pièces du dossier et des écritures des requérants que les intéressées ne sont pas les filles de

M. L... et n'ont pas été adoptées par lui. Si les requérants font valoir qu'elles sont les filles de son épouse ou compagne Mme D... G... et nées d'une précédente union, ils n'apportent aucune précision sur la situation de Mme G... à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, la commission de recours n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la requête en ce qui les concerne. En outre, le lien de filiation n'étant pas établi entre Mmes F... O... E... et M... E... et M. L..., et en l'absence de toute précision sur la situation de Mme G..., les requérants ne sont pas fondés à invoquer une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande en ce qui concerne Mme B... N....

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard au motif d'annulation partielle retenu, le présent arrêt implique nécessairement et seulement que soit délivré à Mme B... N... le visa de long séjour demandé. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il ne résulte pas de l'instruction que M. L... aurait demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par conséquent, Me Paccard ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juin 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la requête dirigées contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 avril 2016 en ce qu'elle refuse la délivrance d'un visa de long séjour à Mme B... N....

Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 avril 2016 est annulée en tant qu'elle refuse la délivrance d'un visa de long séjour à Mme B... N....

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour demandé à Mme B... N..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement à Me Paccard d'une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... L..., à Mme F... O... E..., à Mme B... N..., à Mme M... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme Ody, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

C. Ody

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au

ministre de l'intérieur

en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis

en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir

à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03102
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CANIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-20;19nt03102 ?
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