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13/10/2020 | FRANCE | N°20NT01659

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 13 octobre 2020, 20NT01659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 26 décembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2000145 du 15 janvier 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2020,

Mme A..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 26 décembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2000145 du 15 janvier 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2020, Mme A..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et de transmettre sa demande d'asile à l'office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de l'arrêté de transfert :

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- elle n'a pas bénéficié de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence :

- il est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités portugaises.

Par un courrier du 3 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de la décision de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire, enregistré le 7 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et au rejet des autres conclusions.

Il fait valoir que :

- l'arrêté décidant du transfert de Mme A... aux autorités portugaises n'a pas été exécuté ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante angolaise, est entrée irrégulièrement en France et a demandé le bénéfice du statut de réfugié le 24 octobre 2019 auprès des services de la préfecture de Loire-Atlantique. Cependant la consultation du fichier Eurodac a permis d'établir que l'intéressée était initialement entrée dans l'espace de l'Union européenne en débarquant au Portugal. Au vu de cette constatation, le préfet du Maine-et-Loire a saisi les autorités portugaises le 25 octobre 2019 afin que celles-ci prennent en charge l'intéressée, ce qui a été explicitement accepté par ces dernières le 18 décembre 2019. Le préfet du Maine-et-Loire a alors pris, le 26 décembre 2019, un arrêté portant transfert de la requérante aux autorités portugaises ainsi qu'un arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique avec obligation de pointage au commissariat central de Nantes les mardis, mercredis et jeudis à 8 h. Mme A... a contesté ces deux arrêtés devant le tribunal administratif de Nantes le 7 janvier 2020 mais la magistrate désignée a rejeté sa demande par un jugement du 15 janvier 2020 dont Mme A... relève appel.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de Mme A... vers le Portugal a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 15 janvier 2020 rendu par cette dernière. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation du jugement du 15 janvier 2020 en tant qu'il rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 décembre 2019 portant transfert vers le Portugal.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

5. En premier lieu, Mme A... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, notamment en ce qui concerne son état de santé, les moyens invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté de transfert aux autorités portugaises méconnaitrait les dispositions des articles 5 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

6. En second lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

8. La circonstance que Mme A... n'aurait pas pu bénéficier de l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précitées, dès qu'elle s'est signalée auprès de la structure préalable d'accueil des demandeurs d'asile, gérée par une association agréée par l'administration pour faciliter la prise en charge des demandeurs d'asile nouvellement arrivés, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision prise à son encontre à raison de l'absence, à ce stade, de la communication des documents mentionnés à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort des pièces du dossier, en effet, que les documents en cause ont été communiqués à l'intéressée à l'occasion de l'entretien qui s'est tenu en préfecture, cette communication étant alors de nature à faire regarder comme respectée la condition fixée par l'article 4 mentionné précédemment. Par suite, le moyen tiré du non-respect de cet article doit également être écarté

9. Mme A... n'est, par ailleurs, pas fondée, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 8, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert contre la décision l'assignant à résidence.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2019 l'assignant à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions de la requérante aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 janvier 2020 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

O. COIFFET

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

.

N° 20NT01659 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01659
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-13;20nt01659 ?
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