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01/10/2020 | FRANCE | N°19NT01418

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2020, 19NT01418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mai 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) du 26 janvier 2018 refusant de délivrer un visa de long séjour à ses filles alléguées, les jeunes Marie G... Mbili E... et Maeva F... Nke E... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1806030 du 2

5 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mai 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) du 26 janvier 2018 refusant de délivrer un visa de long séjour à ses filles alléguées, les jeunes Marie G... Mbili E... et Maeva F... Nke E... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1806030 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2019, M. I... E..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2018 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 3 mai 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'administration de délivrer aux jeunes Marie G... Mbili E... et Maeva F... Nke E... les visas de long séjour sollicités dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont écarté la possibilité de justifier le lien de filiation par la possession d'état ;

­ la possession d'état est, en l'espèce, justifiée par les pièces produites en première instance et en appel, dès lors qu'il a maintenu une relation constante avec ses filles ;

­ alors que les actes d'état civil présentés à l'appui de la demande des visas bénéficient de la présomption d'authenticité prévue par les dispositions de l'article 47 du code civil, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui revient de leur caractère inauthentique, la préfecture ayant, de plus, donné son accord pour accepter le regroupement familial. Les autres pièces qu'il produit apportent la preuve de ce caractère authentique ;

­ la décision contestée viole les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ le code civil ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. I... E..., né le 10 avril 1984 à Yaoundé (Cameroun) et de nationalité camerounaise, a déposé une demande de regroupement familial en faveur de son épouse, Mme D... et leurs filles alléguées, les jeunes Marie G... et Maeva F..., nées respectivement les 17 août 2001 et 12 octobre 2003. La demande de regroupement familial a été accueillie favorablement par la préfète de Seine-Maritime suivant une décision du 3 juin 2016. Les demandes de visa de long séjour déposées dans le cadre de cette procédure auprès des autorités consulaires françaises à Douala ont été rejetées par ces autorités, en ce qui concerne les deux enfants, par une décision du 26 janvier 2018. Le recours formé le 9 mars 2018 à l'encontre de cette décision a été également rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France par une décision du 3 mai 2018. M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par un jugement du 25 octobre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. E... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La régularité d'un jugement ne dépendant pas du bien fondé de ses motifs, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient écarté à tort la possibilité de pouvoir justifier le lien de filiation par la possession d'état dès lors que la loi camerounaise n'admet pas ce mode de preuve ne peut être qu'écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, si la venue des jeunes Marie G... Mbili E... et Maeva F... Nke E... a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait cependant pas obstacle à ce que l'autorité consulaire rejette les demandes de visa dont elle est saisie à cette fin pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure le défaut de valeur probante des actes de filiation produits.

4. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

6. D'une part, pour établir le lien de filiation allégué entre la jeune C... G... et M. E... a été produit un acte de naissance n°3101 du 22 août 2001, dressé par l'officier d'état civil du centre de Yaoundé III. Toutefois, il résulte des pièces du dossier que la levée d'acte effectuée par les autorités consulaires auprès de ce centre d'état civil a révélé que l'acte de naissance produit correspond en réalité à celui d'une tierce personne dont le ministre produit, au demeurant, la copie.

7. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 11 de l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 de la République du Cameroun relatif à l'état civil : " L'officier d'état-civil est assisté d'un ou de plusieurs secrétaires nommés dans les conditions fixées par voie réglementaire. Le secrétaire prête serment, oralement ou par écrit devant le Tribunal de Première Instance compétent suivant la formule prévue à l'article 8 ou à l'article 9 ci-dessus ". Selon l'article 14 de cette même ordonnance : " Les actes de naissance et de décès sont conjointement signés par l'officier d'état-civil et par le secrétaire du centre, au vu d'une déclaration du père, de la mère, du chef de l'établissement hospitalier où a eu lieu la naissance ou le décès, ou de toute personne ayant eu connaissance de 1' évènement. / Mention de la qualité du déclarant doit figurer sur l'acte ". Aux termes de l'article 41 de cette ordonnance : " (1) La reconnaissance ou la légitimation d'un enfant né hors mariage se fait par jugement. Il en est de même de l'adoption. Toutefois, l'accouchement vaut reconnaissance à l'égard de la mère et le mariage célébré après la reconnaissance emporte légitimation des enfants reconnus nés des époux. / (2) La reconnaissance et la légitimation, à l'exception de la légitimation adoptive, sont fondées sur le lien de sang. Quand celui-ci est établi, nul ne peut faire obstacle à la reconnaissance. / (3) Les jugements de reconnaissance, légitimation ou adoption sont transcrits en marge des actes de naissance ".

8. Il résulte des pièces du dossier que l'acte de naissance n° 3001 présenté à l'appui de la demande formée pour la jeune B... F... K... ne comporte pas la signature du secrétaire du centre d'état civil ayant assisté l'officier d'état civil du centre de Yaoundé III en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 14 de l'ordonnance du 29 juin 1981. En outre, alors que l'intéressée est un enfant naturel, aucune mention d'un jugement valant reconnaissance ou légitimation de l'enfant par son père n'est transcrit en marge de l'acte en méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la même ordonnance. Par suite, compte tenu de l'ensemble de ces anomalies, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu écarter cet acte comme dépourvu de force probante sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.

9. Ni l'attestation d'existence de la souche de l'acte de naissance n°3001 établie le 13 février 2018 par le maire de la commune d'arrondissement de Yaoundé 3ème, ni la production du constat d'huissier dressé le 14 février 2018 à la demande du requérant ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la commission. Au surplus, la souche de l'acte de naissance concernant la jeune B... F... photographiée dans le constat d'huissier présente une écriture manifestement différente de celui présentée à l'appui de la demande de visa ainsi que des mentions discordantes s'agissant de la date de la déclaration, du nom du déclarant et du secrétaire d'état civil ainsi que de la signature de l'officier d'état civil.

10. En deuxième lieu, l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant. L'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état. Les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est arrivé en France en 2004 alors que les jeunes Marie G... Mbili E... et Maeva F... Nke E... étaient âgées respectivement de trois et un ans. Dans ces conditions, les transferts d'argent, qui n'ont été effectués qu'à compter de 2011, ne peuvent, en tout état de cause, établir une possession d'état au sens des dispositions de l'article 311-2 du code civil à défaut d'être continus. Il en de même des photographies produites par le requérant sur lesquels les enfants apparaissent comme étant déjà adolescents ainsi que des copies des communications effectuées par voie électronique. Par ailleurs, si M. E... s'est rendu à plusieurs reprises au Cameroun, cette circonstance n'est pas de nature à établir que ces voyages étaient destinés à rencontrer les enfants. Enfin, ni les avis d'imposition de M. E... entre 2012 et 2017, ni la lettre manuscrite, non datée et non signée, ni le bilan de consultation psychologique du 11 juin 2018, au demeurant très laconique, n'établissent une possession d'état au sens des dispositions précitées du code civil.

12. En dernier lieu, à défaut de produire des documents d'état civil probants établissant les liens de filiation des jeunes Marie G... Mbili E... et Maeva F... Nke E... ou d'établir une possession d'état, M. E... ne peut soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou méconnaîtrait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E:

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... E..., à Mme C... L... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

­ M. Pérez, président,

­ Mme Douet, président-assesseur,

­ M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

M. J...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 19NT01418


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 01/10/2020
Date de l'import : 13/10/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NT01418
Numéro NOR : CETATEXT000042392605 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-01;19nt01418 ?
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