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01/10/2020 | FRANCE | N°19NT00996

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2020, 19NT00996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Q... H..., M. B... N..., Mme C... L..., Mme E... J..., et Mme D... P... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 24 mai 2016 des autorités consulaires françaises à Kinshasa refusant de délivrer aux enfants allégués de Mme H... et à son petit-fils des visas de long séjour en qualité de membres de la famille d

'un réfugié.

Par un jugement n° 1607485 du 13 décembre 2018, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Q... H..., M. B... N..., Mme C... L..., Mme E... J..., et Mme D... P... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 24 mai 2016 des autorités consulaires françaises à Kinshasa refusant de délivrer aux enfants allégués de Mme H... et à son petit-fils des visas de long séjour en qualité de membres de la famille d'un réfugié.

Par un jugement n° 1607485 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2019, Mme Q... H..., agissant en son nom propre et aux noms des enfants R..., F... U... et Franchesco V... W..., M. B... N..., Mme C... L..., Mme E... J... et Mme D... P..., représentés par Me Bourgeois, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'Etat de délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à M. B... M..., à Mme C... L..., à Mme E... J..., à Mme D... P..., à M. R..., à Mme F... U... et à M. S..., les visas de long séjour sollicités ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait écarter comme irrecevables les demandes formées par M. B... M... et Mme C... L... dès lors qu'ils remplissaient la condition d'âge prévue à l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui doit s'apprécier à la date d'introduction de la demande de réunification familiale ;

­ la demande formée pour le jeune S... n'était pas irrecevable du seul fait qu'il était le petit-fils de Mme Q... H... dès lors que son état civil a été régulièrment établi et que le refus de visa le concernant viole les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ la réalité des liens de filiation entre Mme Q... H..., réfugiée et qui bénéficie, à ce titre, du principe d'unité de famille, est établie à l'égard de ses six enfants compte tenu du jugement supplétif et des actes de naissance produits dont le caractère inauthentique n'est pas établi par l'administration ;

­ la possession d'état est établie ;

­ la décision contestée méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'intérêt supérieur des enfants protégé par les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses observations produites en première instance.

Mme Q... H... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. L'hirondel,

­ et les observations de Me G..., substituant Me Bourgeois, représentant Mme H... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Q... H..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), née le 29 juin 1966, est entrée en France le 4 septembre 2009 où elle s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 mars 2011. Par une décision du 24 mai 2016, les autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) ont rejeté les demandes de visa présentées par ses enfants allégués Yves M..., Candy L..., Prisca J..., Olivia P..., R..., F... U... nés respectivement les 9 mars 1990, 1er avril 1995, 1er mars 1997, 3 mars 1999, 20 septembre 2001 et 2 août 2002, ainsi que pour son petit-fils allégué T..., né le 26 février 2015. Cette décision a été contestée devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 29 juillet 2016, la commission a rejeté ce recours. Les requérants relèvent appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour refuser de délivrer les visas sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés de ce que M. B... M... et Mme C... L... n'étaient pas éligibles à la procédure de rapprochement familial instituée pour les réfugiés compte tenu de leur âge ainsi que du caractère non probant de leurs actes de naissance, pour le jeune T..., de ce qu'il n'était pas éligible à la même procédure dès lors qu'il s'agit du petit-fils de la réfugiée, et pour les autres enfants, de ce que leurs actes de naissance ne présentaient pas un caractère probant.

En ce qui concerne les demandes déposées par M. B... M... et Mme C... L...:

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le formulaire de demande de regroupement familial n'a été renseigné par Mme H... que le 23 février 2016. A cette date, M. B... M... et Mme C... L..., nés respectivement les 9 mars 1990 et 1er avril 1995, étaient alors âgés de plus de dix-neuf ans. Le courrier du 6 avril 2011 adressé à la réfugiée par le bureau familles de réfugiés de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui se borne à apporter les informations demandées sur la procédure à suivre, ne saurait être regardé comme constituant la demande de réunification familiale à laquelle renvoient les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si les requérants allèguent que le retard pris pour déposer la demande de visa est imputable à l'administration qui aurait commis une faute en orthographiant mal le nom de Mme H... dans ce courrier, erreur qui n'a été corrigée que par une autre correspondance du 22 mars 2013, ils n'établissent pas les démarches qu'ils auraient vainement entreprises auprès des services consulaires. Le courrier de la Cimade du 25 février 2016, qui n'est accompagné d'aucun justificatif, ne saurait établir cette preuve. En tout état de cause, et à supposer même les faits allégués établis, M. B... M... avait déjà dépassé, en 2013, l'âge requis. S'agissant de Mme C... L..., alors que les requérants font valoir que l'erreur a été corrigée par le courrier du 22 mars 2013, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour pouvoir déposer une demande avant qu'elle ait atteint au plus l'âge de dix-neuf ans. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'apprécier le motif tiré du caractère inauthentique de leurs actes de naissance et qui présente un caractère superfétatoire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur de droit, ni fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer, pour ce motif, à M. B... M... et à Mme C... L... les visas qu'ils sollicitaient.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il n'est pas établi ni même allégué que M. B... M... et Mme C... L..., âgés respectivement de près de 26 ans et de 21 ans à la date de demande de réunification familiale, seraient dépourvus d'attaches personnelles et familiales dans leur pays d'origine où ils ont toujours vécu, et y ont été scolarisés. En outre, Mme C... L... est la mère d'un enfant né en République démocratique du Congo et y a ainsi constitué une cellule familiale distincte de celle de Mme H.... Il n'est pas établi que Mme H... serait dans l'impossibilité de rendre visite à ses enfants majeurs dans tout pays où, compte tenu de son statut de réfugié, elle serait légalement admissible, ce qu'elle a au demeurant fait dans le passé. De plus, le refus de leur délivrer des visas de long séjour ne fait pas obstacle à ce que ses enfants puissent lui rendre visite en France. Compte tenu de ces divers éléments, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas porté au droit de Mme H... ou de ses enfants majeurs au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision a été prise. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté en ce qui les concerne.

7. En dernier lieu, les intéressés étant majeurs à la date d'introduction de leur demande de visa, ils ne sauraient utilement invoquer, en ce qui les concerne, les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la demande déposée au nom du jeune T...:

8. D'une part, il est constant que le jeune T... est le fils de Mme C... L... et est né de père inconnu. Cet enfant étant la petite-fille de Mme H..., réfugiée statutaire, mais pas son enfant mineur, il n'entre dans aucun des cas prévus par les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir prétendre au bénéfice du regroupement familial.

9. D'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que le refus de visa opposé à la demande de Mme C... L... n'est entaché d'aucune illégalité. Dans ces conditions, alors que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui est titulaire à son égard de l'autorité parentale, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990. Pour le même motif, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les demandes déposées pour les enfants E... J..., Olivia P..., R... et F... U... :

11. A l'appui des demandes de visa ont été présentés, d'une part, le jugement supplétif concernant l'ensemble des enfants de Mme H... rendu, à la demande de cette dernière, par le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe le 6 août 2013, l'acte de signification de ce jugement et le certificat de non-appel du 16 septembre 2013 et d'autre part, la copie intégrale des actes de naissance de chacun de ces enfants établis le 15 mai 2014 par l'officier de l'état civil de la commune de Gombe.

12. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. Dans ces conditions, la circonstance que les actes de naissance aient été établis plusieurs années après la naissance des enfants et deux ans après l'obtention du statut de réfugié par Mme H... afin d'être produit au soutien des demandes de visas d'entrée en France ne révèle, par elle-même, aucune fraude s'agissant du jugement supplétif.

13. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

14. Pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre de l'intérieur a invoqué en première instance, dans son mémoire en défense enregistré le 14 février 2018 et communiqué aux requérants, dont il reprend au demeurant la teneur en appel, d'autres motifs qui, selon lui, seraient de nature à établir le caractère inauthentique des actes présentés à l'appui des demandes de visa.

15. En premier lieu, et quelles que soient les conditions dans lesquelles ils ont été délivrés, la circonstance que des certificats de naissance aient été dressés par l'hôpital général de Gbadolite, l'un le 3 mars 1997, les autres le 11 juin 2007, ne permet pas d'établir que les naissances des enfants auraient été déclarées à l'officier de l'état civil compétent et qu'elles auraient été, par suite, déjà inscrites dans le registre de l'état civil, de sorte qu'il ne pouvait être sollicité de jugement supplétif. En outre, les mentions qui sont portées sur ces certificats ne sont pas en contradiction avec celles contenues dans le jugement supplétif.

16. En deuxième lieu, si l'article 106 du code de la famille congolais prévoit que " l'initiative de l'action appartient à toute personne intéressée et au ministère public ", le ministre n'établit pas que la saisine du tribunal de grande instance de Kinshasa/ Gombe par Mme H..., qui se présente comme la mère des enfants, ne peut être regardée pour l'application de ces dispositions telles qu'interprétées par le droit local, comme émanant d'une " personne intéressée ". De même, et pour le même motif, il n'apporte pas la preuve que les dispositions de l'article 32 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant selon lesquelles dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, l'enfant capable de discernement doit être entendu soit directement soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'une organisation appropriée, s'appliquent pour une demande d'établissement d'un jugement supplétif d'acte de naissance.

17. En troisième lieu, l'erreur de plume contenue dans l'entête du certificat de non-appel délivré par la cour d'appel mentionnant " Kinshaa " au lieu de " Kinshasa ", laquelle n'apparaît au demeurant pas dans le corps du document, ne saurait lui retirer son caractère inauthentique. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cour d'appel de Kinshasa/Gombe, devant qui l'affaire aurait été appelée si un recours avait été formé, ne serait pas compétente pour délivrer un tel certificat. En tout état de cause, cette circonstance serait sans incidence dès lors qu'elle n'est pas de nature à remettre en cause les énonciations contenues dans le jugement supplétif. Enfin, la circonstance que les actes de naissance, qui ont été dressés en exécution du jugement supplétif, ne respecteraient pas le délai de transcription, n'est pas de nature à établir le caractère frauduleux du jugement, ni, au surplus, que les actes dressés seraient faux ou mensongers.

18. En quatrième lieu, si le ministre soutient qu'il convenait d'établir un jugement supplétif d'acte de naissance pour chaque enfant, il ne précise pas les dispositions légales ou réglementaires qui auraient été méconnues. Par suite, ce moyen ne peut être qu'écarté.

19. En cinquième lieu, les différentes orthographes du prénom de la jeune F... U... ont été portées dans des documents non officiels et n'ont aucune valeur pour établir l'état civil de l'intéressée. Par suite, cette circonstance ne saurait être opposée pour contester la sincérité du jugement supplétif. De même, si la note d'information du 14 mars 2016 adressée par l'OFPRA à l'administration indique que Mme H... aurait déclaré sa fille F... comme étant née le 22 août 2002 au lieu du 2 août 2002, l'intéressée a néanmoins été constante dans ses déclarations sur la composition de sa famille et la date de naissance de cet enfant, qui correspond à celui de ses documents d'état civil et qui a été correctement reportée dans la demande de regroupement familial. Dans ces conditions, l'erreur portée sur la date de naissance de la jeune F... lors de la demande de reconnaissance de statut de réfugié n'est pas, à elle seule, de nature à justifier que la qualité d'enfant mineur de réfugié lui fût déniée, ni à créer un doute sur son identité.

20. En sixième lieu, les irrégularités, à les supposer établies, dans la transcription du jugement supplétif dans les registres de l'état civil et dans l'établissement des actes de naissance, qui ont été dressés, en l'espèce, au vu de ce jugement et du certificat de non-appel, sont sans incidence sur la régularité et la sincérité de la décision rendue par les autorités judiciaires.

21. Il suit de là, et alors, ainsi qu'il a été dit, qu'il n'appartient pas aux autorités administratives françaises, hormis les cas de fraude, de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, que les motifs invoqués par le ministre ne sont pas de nature à établir que le jugement supplétif présenté pour les enfants E... J..., Olivia P..., R... et F... U..., lequel établit le lien de filiation avec Mme H..., présenterait un tel caractère frauduleux. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accueillir la substitution de motif demandée par le ministre.

22. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête se rapportant à la légalité de la décision contestée en tant qu'elle concerne ces enfants, que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande en tant qu'elle concerne Prisca J..., Olivia P..., R... et F... U....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. Le présent arrêt implique pour son exécution, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme E... J..., à Mme D... P... et aux jeunes R... et F... U..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les frais liés au litige :

24. Mme H... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me I... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D É C I D E :

Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 décembre 2018 et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 29 juillet 2016 sont annulés en tant qu'ils concernent Mme E... J..., Mme D... P... et les jeunes R... et F... U....

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme E... J..., à Mme D... P... et aux jeunes R... et F... U..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me Bourgeois est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Q... H..., à M. B... M..., à Mme C... O..., à Mme E... J..., à Mme D... P..., à M. R... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

­ M. Pérez, président,

­ Mme Douet, président-assesseur,

­ M. L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

M. K...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 19NT00996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00996
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-01;19nt00996 ?
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