La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2020 | FRANCE | N°19NT00878

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2020, 19NT00878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... B..., agissant en qualité de représentant de l'enfant D... I... dossier et Mme E... G... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mai 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Lomé refusant de délivrer un visa de long séjour en France à l'enfant D... I... B....

Par un jugement n° 1807738 du 19 d

cembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... B..., agissant en qualité de représentant de l'enfant D... I... dossier et Mme E... G... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mai 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Lomé refusant de délivrer un visa de long séjour en France à l'enfant D... I... B....

Par un jugement n° 1807738 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2019 et un mémoire enregistré le 26 avril 2019, M. et Mme B..., représentés par Me Bourgeois, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 24 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard subsidiairement, d'enjoindre au ministre de réexaminer la situation de l'enfant D... I... B..., dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de la demande de visa ;

- la décision n'est pas motivée en droit ; la commission s'est fondée sur l'article 202 du code civil togolais, qui n'était pas encore applicable à la date de naissance du demandeur de visa.

- elle est entachée d'une erreur de droit ; elle n'est pas fondée sur un motif d'ordre public, seul de nature à fonder légalement le refus de visa ;

- en estimant que le lien familial unissant le demandeur de visa et M. B... n'était pas établi, la commission de recours a commis une erreur manifeste d'appréciation ; le lien de filiation est établi par l'acte de naissance de l'enfant, par l'ensemble des documents délivrés par l'administration togolaise (carte nationale d'identité, passeport, certificat de nationalité togolaise), ainsi que par possession d'état ;

- elle porte une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant D... I..., en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par une ordonnance du 30 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juillet 2020.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Douet ;

- et les observations de Me Guilbaud, substituant Me Bourgeois, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 19 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 24 mai 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Lomé refusant de délivrer un visa de long séjour en France à l'enfant D... I... B..., présenté comme le fils de M. B....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La commission de recours a refusé de délivrer le visa au motif que l'acte de naissance de l'enfant I..., né hors mariage, et établi sur la déclaration d'un tiers, ne permettait pas d'établir la filiation à l'égard du père, en application du code de la famille togolais. Toutefois, le 22 août 2003, date à laquelle l'acte de naissance de l'enfant D... I... a été établi, ce code n'était pas encore entré en vigueur. Par suite, les premiers juges ont estimé, à juste titre, que la décision attaquée était fondée sur un motif erroné. Pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre de l'intérieur a, toutefois, invoqué dans son mémoire en défense en première instance un autre motif tiré de ce que l'acte de naissance de l'enfant soulé I..., né hors mariage, et établi sur la déclaration d'un tiers, ne permettait pas d'établir la filiation à l'égard du père, en application de l'ordonnance togolaise n° 80-16 du 31 janvier 1980.

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4 Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, constituées par la déclaration de naissance établie le 17 août 2003 de l'enfant D... I... B..., du passeport, de la carte d'identité de celui-ci et de son certificat de nationalité que celui-ci est l'enfant L... B.... La seule circonstance que la case relative au mariage des époux B... n'ait pas été cochée dans l'acte de naissance, ne suffit pas à elle seule à le priver de toute valeur probante. De plus, tous les éléments relatifs à l'état civil, concordants, sont corroborés par un jugement de confirmation de paternité dressé par le président du tribunal de première instance de première classe de Lomé rendu le 26 octobre 2018. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées en rejetant le recours de M. B....

5 Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

6 Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé à la délivrance du visa sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7 M. et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bourgeois de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2018 et la décision du 24 mai 2018 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Soulé I... B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bourgeois la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... B..., à Mme E... G... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, président-assesseur,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020 .

Le rapporteur,

H. Douet

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K . BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00878
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-01;19nt00878 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award