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01/10/2020 | FRANCE | N°19NT00792

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2020, 19NT00792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 mars 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Conakry refusant de délivrer à ses enfants allégués Ahmed D..., I... D... et Fatoumata D..., des visas de long séjour.

Par un jugement n° 1606547 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 mars 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Conakry refusant de délivrer à ses enfants allégués Ahmed D..., I... D... et Fatoumata D..., des visas de long séjour.

Par un jugement n° 1606547 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2019, Mme F... D..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 septembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 31 mars 2016 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen des demandes de visas ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation quant au caractère frauduleux des actes d'état civil produits ;

- la filiation est établie par la possession d'état ;

- la décision attaquée a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée a été prise en violation des stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance du protocole additionnel aux Conventions de Genève du 9 juin 1977, de la recommandation n° R(99) 22 du comité des ministres du conseil de l'Europe sur le regroupement familial pour les réfugiés et les autres personnes ayant besoin de la protection internationale, ainsi que de la directive 2003/86/CE du Conseil de l'Union européenne du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... D... ne sont pas fondés.

Mme F... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... ;

- les observations de Me B..., substituant Me G..., représentant Mme F... D....

Une note en délibéré, présentée pour Mme F... D..., a été enregistrée le 8 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... D..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mars 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Conakry refusant de délivrer des visas de long séjour en France à Ahmed D..., I... D... et Fatoumata D..., décédée depuis.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour rejeter les demandes de visas sollicitées par Mme F... D..., après qu'elle a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les circonstances qu'ont été produites deux séries d'extraits d'actes de naissance transcrits en 2015 et 2016, sans respect des délais d'appel, suivant jugements supplétifs rendus 18, 15 et 9 ans après la naissance des enfants, à la requête du père allégué pourtant déclaré décédé le 13 mai 2013 et a ainsi estimé que les actes d'état civil produits à l'appui des demandes de visas étaient frauduleux et que le lien entre la requérante et ses enfants allégués n'était pas établi.

3. En premier lieu, d'une part l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir l'identité et le lien de filiation des demandeurs de visas, Mme F... D... a produit des jugements supplétifs portant les nos 967, 968 et 969, rendus le 17 avril 2015 par le tribunal de première instance de Conakry III, tenant lieu d'actes de naissance de I... D..., Fatoumata D... et Ahmed D..., nés respectivement le 25 décembre 2000, le 7 octobre 2006 et le 22 juin 1997 ainsi que des jugements supplétifs portant les nos 457, 458 et 459 rendus par ce même tribunal le 27 janvier 2016 et tenant lieu d'actes de naissance des mêmes personnes. Ces jugements ont donné lieu à des transcriptions tenant lieu d'actes de naissance en date du 22 avril 2015 pour les premiers et du 28 janvier 2016 pour les seconds.

5. L'article 601 du code de procédure civil guinéen prévoit que " le délai de recours par une voie ordinaire est de dix jours en matière contentieuse comme en matière gracieuse. L'inobservation de ce délai emporte déchéance et court du jour du jugement, si celui-ci est contradictoire ou du jour de la notification si le jugement est rendu par défaut ". Cependant, ce code contient, en sa troisième partie, des dispositions particulières à certaines matières, notamment sur " Les personnes " et plus particulièrement sur les actes de l'état civil, aux articles 889 et suivants. Selon l'article 899 de ce code : " Toute décision dont la transcription ou la mention sur les registres de l'état civil est ordonnée, doit énoncer, dans son dispositif, les noms, prénoms des parties ainsi que, selon le cas, le lieu où la transcription doit être faite ou les lieux et dates des actes en marge desquels la mention doit être portée. Seul le dispositif de la décision est transmis au dépositaire des registres de l'état civil. Les transcription et mention du dispositif sont aussitôt opérées. ". Cet article prévoyant ainsi la transcription immédiate du dispositif des jugements supplétifs d'actes de naissance sur les registres d'état civil, la commission ne pouvait se fonder sur le motif tiré de ce que l'extrait d'acte de naissance produit avait été délivré avant l'expiration du délai de transcription prévu à l'article 601 du code de procédure civil guinéen qui concerne les matières contentieuses et gracieuses.

6. La circonstance que des jugements supplétifs aient été établis plusieurs années après l'acte qu'ils décrivent ne suffit pas, à elle seule, à démontrer leur caractère frauduleux, eu égard à l'objet même d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance, qui supplée l'absence de déclaration d'une naissance dans les délais prévus par la loi.

7. Le ministre de l'intérieur fait toutefois valoir dans ses écritures en défense de première instance que les jugements supplétifs successifs ont été prononcés à la requête du père allégué des enfants alors que ce dernier est décédé le 13 mai 2013, comme en atteste une déclaration de décès du service d'urgence du CHU de Conakry. Les explications apportées par Mme F... D..., qui se borne à indiquer que la mention du père décédé comme requérant est une erreur matérielle ou une erreur imputable aux démarches de sa soeur auprès des juridictions guinéennes et à la place traditionnelle du père dans la cellule familiale en Guinée, ne permettent pas d'expliquer l'incohérence de ces mentions dans plusieurs actes établis à des dates différentes ni l'existence de jugements supplétifs successifs en 2015 et 2016, transcrits sous des numéros différents dans les registres d'état civil. Dans ces conditions, le ministre établit que ces jugements présentent un caractère frauduleux et ne permettent pas de tenir le lien de filiation pour établi. Ainsi, Mme F... D... n'est pas fondée à soutenir que la commission a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en refusant de délivrer les visas sollicités.

8. En deuxième lieu, Mme F... D... n'apporte pas en appel d'autres éléments que ceux présentés devant le tribunal administratif pour établir la filiation par possession d'état. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nantes.

9. En dernier lieu, le lien familial entre Mme F... D... et les demandeurs de visa n'étant pas établi, soit par des actes authentiques, soit par la possession d'état, les moyens tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés, de même que les moyens tirés de la méconnaissance du protocole additionnel aux Conventions de Genève du 9 juin 1977, de la recommandation n° R(99) 22 du comité des ministres du conseil de l'Europe sur le regroupement familial pour les réfugiés et les autres personnes ayant besoin de la protection internationale et de la directive 2003/86/CE du Conseil de l'Union européenne du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme F... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme F... D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de faire droit aux demandes de visas de long séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer les demandes, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme F... D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... F... D..., à M. C... D..., à Mme I... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme E..., président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

H. E...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00792
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-01;19nt00792 ?
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