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18/09/2020 | FRANCE | N°19NT04680

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 septembre 2020, 19NT04680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer aux autorités néerlandaises et l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans le délai de huit jours à compte

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer aux autorités néerlandaises et l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans le délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour examen.

Par un jugement n° 1911031 du 15 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2019, M. A... B..., représenté par Me F... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 15 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 3 octobre 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert viole l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que l'information mentionnée par cet article ne lui a pas été donnée dès sa présentation en structure de premier accueil des demandeurs d'asile ; l'article 5 du même règlement a été méconnu dès lors que l'entretien n'a pas été mené par un agent qualifié ; la décision est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 de ce règlement dès lors qu'il a plusieurs membres de sa famille en France ;

- la décision portant assignation à résidence repose sur une décision de transfert illégale.

Par un mémoire, enregistré le 7 février 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tchadien né le 14 mars 1984, a déposé le 2 septembre 2019 une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'il avait déposé une première demande d'asile auprès des autorités néerlandaises, ses empreintes digitales ayant été enregistrées de ce fait le 5 septembre 2018 dans le système Eurodac par ces autorités. Consécutivement à leur saisine le 4 septembre 2019, ces autorités ont explicitement accepté de reprendre en charge M. A... B... le 13 septembre 2019. Par deux arrêtés du 3 octobre 2019 notifiés le 8 octobre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer à ces autorités et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable dans le département de la Loire-Atlantique. Par un jugement du 15 octobre 2019, dont il est relevé appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la décision de transfert vers les Pays-Bas :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la notification à l'administration du jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet pour procéder à l'exécution de la décision de transfert du requérant vers les Pays-Bas a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 15 octobre 2019, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du requérant relatives à l'annulation de l'arrêté de transfert vers les Pays-Bas.

Sur la décision d'assignation à résidence :

5. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu, le 2 septembre 2019, le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' ". L'intéressé, qui a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, réalisé à l'aide d'un traducteur en arabe, doit être regardé comme ayant reconnu, ainsi que cela est précisé dans ce document, que ces informations lui avaient été remises antérieurement dans une langue qu'il comprenait. Le requérant ne conteste pas que les documents ainsi remis et expliqués avec l'aide de l'interprète comportaient l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, et alors même que les informations en cause n'ont pas été délivrées dès la présentation du requérant dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

10. En l'espèce, si le requérant soutient que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 d'instruire sa demande d'asile en France, il ne se prévaut, à l'appui de ce moyen, spécialement peu étayé, d'aucun élément factuel de nature à révéler une telle erreur.

11. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'exception d'illégalité de la décision de transfert vers l'Italie doit être écartée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle visait l'arrêté portant assignation à résidence. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit, dans cette mesure, être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer aux autorités néerlandaises.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.

Le rapporteur,

T. C...Le président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT04680

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04680
Date de la décision : 18/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-18;19nt04680 ?
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