La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2020 | FRANCE | N°19NT02597

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 19NT02597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.

Par un jugement n° 1901995 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juillet 2019 et 2 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.

Par un jugement n° 1901995 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juillet 2019 et 2 juillet 2020, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler son arrêté, sur la méconnaissance des articles L. 313-15 et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés ; il s'en rapporte, s'agissant de ces moyens, à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 12 septembre 2019, 9 juillet 2020 et 29 juillet 2020, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que le moyen soulevé par le préfet de la Loire-Atlantique n'est pas fondé et que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraîne l'annulation de décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraîne l'annulation de cette décision par voie de conséquence.

Par une décision du 21 août 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, a été enregistré le 31 juillet 2020, postérieurement à la clôture d'instruction qui est intervenue le 30 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen se disant né le 16 janvier 2001, déclare être entré irrégulièrement en France en novembre 2016. Après une évaluation sociale portant avis défavorable quant à l'appréciation de la minorité de l'intéressé, le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a mis fin, à compter du 24 janvier 2017, à la mesure de recueil provisoire dont il faisait l'objet. Le 10 octobre 2017, le juge pour enfants près le tribunal de grande instance de Nantes, sur la base de nouveaux éléments d'état civil produits par l'intéressé, a confié M. A... au conseil départemental de la Loire-Atlantique. Le 7 décembre 2018, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-15, L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 janvier 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel il établit être admissible. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel du jugement n° 1901995 du 27 juin 2019 par lequel le tribunal a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". L'article R. 311-2-2 de ce même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, deux extraits d'acte de naissance ainsi qu'une copie intégrale de cet acte de naissance, certifiée conforme le 21 février 2017. Le préfet de la Loire-Atlantique a constaté que cet acte portait le n° 125, alors qu'il était inscrit sur un feuillet n° 23 du registre n° 2. Doutant de l'authenticité de cet acte, le préfet, afin d'obtenir une confirmation sur l'authenticité de ce document, a alors interrogé la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée et Sierra Léone. Par un courriel du 1er juillet 2019, les services consulaires ont indiqué qu'il était " tout simplement impossible " qu'un acte n° 125 corresponde au feuillet n° 23. Les services consulaires ont également joint des extraits du guide des officiers de l'état civil afin de confirmer cette analyse. En outre, le préfet de la Loire-Atlantique fait valoir que les actes produits par l'intéressé ne respectent pas les dispositions des articles 175 et 196 du code civil guinéen. Il précise qu'en méconnaissance de ces dispositions, les extraits d'actes n'indiquent aucune heure et que les dates y figurent en chiffres et non en lettres. M. A... se prévaut pour sa part de l'avis favorable émis par la direction interdépartementale de la police aux frontières de la Loire-Atlantique sur l'authenticité des actes de naissance. Toutefois, ce rapport précise que " l'analyse documentaire ne porte pas sur les conditions de délivrance ". Dans ces conditions, ce seul élément ne saurait permettre d'établir l'authenticité des documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour. De plus, il ressort des pièces du dossier que, à son arrivée en France, M. A..., qui n'avait présenté aucun document d'identité, a fait l'objet d'une évaluation sociale par les services du départent de Loire-Atlantique qui a émis un avis défavorable quant à l'appréciation de la minorité de M. A.... Dans ces conditions, compte tenu d'une part de la contrariété de ces actes d'état civil avec les obligations du code civil guinéen, d'autre part de la réponse dépourvue de toute ambiguïté qui a été apportée par les autorités consulaires sur l'authenticité de l'acte, et enfin de l'évaluation sociale qui a été réalisée lors de l'arrivée en France de M. A..., c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que les documents d'état civil présentés à l'appui de la demande de titre de séjour n'étaient pas authentiques et a, pour ce motif, refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté en se fondant sur la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-15 et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

7. L'arrêté contesté a été signé par Mme E... D..., qui disposait pour ce faire d'une délégation de signature du 11 janvier 2019 régulièrement publiée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

En ce qui concerne décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que cette décision n'est pas entachée d'un défaut d'examen particulier.

9. En deuxième lieu, à la date de la décision contestée, M. A... était présent en France depuis seulement deux ans. Il ne dispose en France d'aucun attache familiale, tandis que ses frères et soeurs résident dans son pays d'origine. Si M. A... fait valoir qu'il a manifesté de réels efforts d'intégration, et notamment dans son parcours scolaire et professionnel, et qu'il a tissé en France des liens amicaux, cela ne saurait caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les circonstances mises en avant par M. A... ne sauraient davantage établir une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas plus qu'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'intimé n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, l'intimée n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

12. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a accordé un délai de trente jours à M.A... pour quitter le territoire français. Par suite, une telle décision n'ayant pas été édictée, les moyens dirigés contre cette décision ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. La décision de refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, l'intimé n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 11 janvier 2018, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai d'un moi et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me C..., avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... A... et à Me C....

Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02597
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LEUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;19nt02597 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award