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10/09/2020 | FRANCE | N°18NT03488

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 18NT03488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, ou, à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1607766 du 26 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre 2018 et 7 novembre 2019, M. F...,

représenté par Me C... et Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prono...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, ou, à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1607766 du 26 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre 2018 et 7 novembre 2019, M. F..., représenté par Me C... et Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence d'engagement d'une vérification de comptabilité, la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'il exerce une activité de commerçant de mobiliers de sorte qu'il ne peut être considéré comme ayant exercé une activité occulte dans le cadre de la vente présumée des statuettes et que l'administration fiscale a procédé à une analyse de ses comptes personnels et professionnels ; la dispense prévue par l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales ne trouve pas, en l'espèce, à s'appliquer ; l'administration fiscale a adressé une proposition de rectification numéro 3924 SD et non 2120 SD ; il n'a pas bénéficié de toutes les garanties offertes dans le cadre de la vérification de comptabilité ;

- la preuve de l'appréhension de la somme de 330 000 euros en espèces n'est pas rapportée ;

- la preuve de l'appréhension et de la valeur du véhicule Porsche, prise en compte à hauteur de 100 000 euros, n'est pas rapportée ;

- si la cour retient que les impositions supplémentaires sont fondées, la somme litigieuse doit être répartie entre les différents prévenus de l'affaire en ce qu'ils ont agi dans le cadre d'une société de fait ;

- l'absence de preuve de l'encaissement des sommes réintégrées fait obstacle à l'application de la majoration de 80% pour manoeuvres frauduleuses ; la preuve d'un manquement délibéré et de mise en oeuvre de procédés destinés à masquer l'existence de l'infraction n'est pas rapportée.

Par des mémoires, enregistrés les 29 mars 2019 et 29 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des montants dégrevés et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2009 et de contributions sociales au titre de l'année 2010 sont irrecevables dès lors que la réclamation préalable ne portait que sur la seule cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 et que le contrôle n'a abouti qu'à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 ;

- les autres moyens présentés ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, si la cour estime que la procédure est irrégulière en l'absence de qualification de la vente de statuettes en activité occulte, il se prévaut du caractère occulte de cette activité dans la mesure où M. F... n'a pas fait connaître son activité de vente d'objets d'arts à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ni souscrit de déclaration fiscale au titre de cette activité ;

- à titre subsidiaire, si la cour entendait retenir la nature occulte de la vente de statuettes, l'administration demande la substitution, par voie de base légale, de la majoration de 80% prévue au c du I de l'article 1728 du code général des impôts à celle du b de l'article 1729 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. F..., qui exerçait à titre individuel une activité de vente au détail sur les marchés imposable selon le régime des micro-entreprises dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, l'administration fiscale lui a notifié, par proposition de rectification du 26 décembre 2013, un rehaussement de son revenu imposable au titre de l'année 2010 par majoration de son chiffre d'affaires d'une somme de 430 000 euros correspondant au produit de la vente de vingt-trois statuettes. Au terme de la procédure contradictoire et après saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a examiné le litige dans sa séance du 4 juin 2015, la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en résultant a été mise en recouvrement le 31 décembre 2015 pour un montant total, en droits et pénalités, de 384 010 euros. Après le rejet, par décision du 11 juillet 2016, de sa réclamation préalable, M. F... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de cette imposition. Il relève appel du jugement du 26 juillet 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En vertu de l'aticle L. 47 du livre des procédures fiscales, une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Aux termes de l'article L. 47 B du même livre : " Au cours d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, l'administration peut examiner les opérations figurant sur des comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel et demander au contribuable tous éclaircissements ou justifications sur ces opérations sans que cet examen et ces demandes constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 47 C du même livre : " Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité. ".

3. Il résulte de la proposition de rectification du 26 décembre 2013, à la suite de l'examen de situation fiscale personnelle, qu'après avoir rappelé la réception, le 17 mai 2011, d'une communication effectuée par le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance du Mans et l'exercice d'un droit de communication autorisé le 3 janvier 2012 par le juge d'instruction du Mans, le vérificateur a corrigé le montant du bénéfice industriel et commercial déclaré par M. F... au titre de l'année 2010 du produit des ventes de statuettes réalisées auprès de M. H... (430 000 euros) et en retenant des charges supplémentaires, correspondant au prix d'achat des statuettes et de frais de déplacement entre Le Mans et Deauville liés à l'acquisition de ces statuettes (12 500 euros).

4. D'une part, il résulte de la chronologie rappelée au point 3 que l'activité de vente de statuettes exercée par M. F... a été portée à la connaissance de l'administration fiscale dès le mois de mai 2011, soit bien antérieurement au début de l'examen de contradictoire de situation fiscale personnelle dont M. F... a été informé par avis du 6 août 2013, de sorte que cette activité ne peut être regardée comme ayant été découverte ou ses conditions mises en évidence au cours de ce contrôle au sens de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales. Par suite, le débat sur le caractère occulte de cette activité est inopérant.

5. D'autre part, le chiffre d'affaires réalisé par M. F... à l'occasion des ventes de statuettes a été reconstitué par le vérificateur sur la base, s'agissant des produits, des éléments figurant dans le procès-verbal de synthèse générale du 13 avril 2010, à savoir de sommes perçues en espèce pour un montant total de 330 000 euros et de la remise d'un véhicule estimé à 100 000 euros et, s'agissant des charges, du rapport d'expertise réalisé par Me D... sur la valeur des statuettes figurant dans le dossier pénal. Il est constant qu'aucun de ces produits n'a donné lieu à une opération figurant sur les comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel par M. F... qui ont pu être examinés par le vérificateur dans le cadre de l'examen de situation fiscale personnelle. Par suite, l'administration fiscale s'est fondée, pour établir cette reconstitution, uniquement sur des éléments extérieurs à toute comptabilité.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière au motif qu'elle n'a pas revêtu les formes d'une vérification de comptabilité et qu'il n'a pas bénéficé des garanties afférentes à cette vérification.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. En vertu de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation.

8. M. F..., qui ne produit pas le jugement de relaxe dont il se prévaut dans l'affaire pénale d'escroquerie en bande organisée dans laquelle il figurait au nombre des prévenus, ne conteste pas la réalité de la cession à titre onéreux de statuettes à M. H..., ainsi qu'il l'a expressément reconnu d'ailleurs devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, mais celle de la perception de produits correspondants à hauteur de la somme de 430 000 euros prise en compte par le vérificateur.

9. En premier lieu, le vérificateur a pris en compte des produits à hauteur de 330 000 euros correspondant à des sommes en espèces reçues par M. F... en contrepartie de la remise de statuettes sur le fondement des éléments consignés dans le procès-verbal de synthèse du 13 avril 2010 établi par l'officier de police judiciaire de la brigade des recherches du Mans, lequel mentionnait la remise directe par M. H... des sommes en espèces de 215 000 euros et 115 000 euros à M. F... alias " B... ". S'il est constant qu'aucun mouvement de dépôt de ces sommes n'a été relevé sur les comptes bancaires de M. F..., les faits relatifs aux rencontres entre les deux protagonistes et à leur objet, mentionnés dans ce procès-verbal ne sont pas précisément contestés. Par ailleurs, la proposition de rectification fait également état de ce que les extraits de comptes bancaires attestant des retraits de fonds des 12 et 15 mars 2010 à hauteur de 215 000 euros et 115 000 euros ont été produits le 6 juillet 2010 à la brigade de recherches. Dans ces conditions, l'administration fiscale, qui a pu se fonder sur ce procès-verbal, dont la légalité n'est pas remise en cause, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la perception de recettes à hauteur de 330 000 euros.

10. En deuxième lieu, le vérificateur a également pris en compte, sur le fondement des mêmes éléments que ceux mentionnés au point 9, un produit à hauteur de 100 000 euros correspondant à la valeur d'un véhicule de marque Porsche remis à M. F... en contrepartie de la remise de statuettes, ce que l'intéressé a, par ailleurs, reconnu devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Si M. F... conteste désormais la valeur retenue pour ce bien, il ressort des éléments produits que cette somme correspondait au prix convenu entre les parties. La proposition de rectification mentionne à ce sujet que M. H... a fourni la copie de la facture de vente de son véhicule, qui a été versée au dossier pénal, remise le 19 mars 2010, date à laquelle M. F... a pris possession du véhicule. Dans ces conditions, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de la perception de cette somme.

11. En dernier lieu, les éléments évoqués aux points 9 et 10 mettent en évidence une appréhension directe des sommes en litige par M. F.... Si l'intéressé soutient que ces sommes doivent être réparties entre les différents prévenus dans l'affaire pénale d'escroquerie en bande organisée dès lors qu'ils ont agi dans le cadre d'une société de fait, aucun élément ne justifie d'une répartition ultérieure au profit des autres membres prévenus des sommes appréhendées.

Sur les pénalités :

12. En premier lieu, le bien-fondé des impositions étant confirmé, M. F... n'est pas fondé à soutenir que les pénalités doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des impositions.

13. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". L'administration peut appliquer la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts, si l'intéressé a fait usage d'artifices destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

14. L'administration fiscale a assorti les rectifications de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses en se fondant sur la circonstance qu'au vu des éléments dont elle avait eu communication, qui mettaient au jour un procédé de dissimulation systématique d'une partie des recettes perçues en espèces, M. F... avait l'intention délibérée d'éluder une partie de l'impôt avec des moyens destinés à égarer l'administration. Il résulte de ce qui précède que M. F... a encaissé personnellement des produits en espèces pour un montant total conséquent de 330 000 euros et en nature pour un montant de 100 000 euros. Les agissements par lequel un commerçant dissimule des recettes en les encaissant à son compte personnel en espèces ou en nature sont destinés, en masquant les transactions, à égarer l'administration. Dès lors l'administration apporte la preuve qui lui incombe du bien-fondé de l'application de la majoration de 80% prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre, M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme G..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

P. G...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 18NT034882


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL ZAMOUR et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 10/09/2020
Date de l'import : 22/09/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18NT03488
Numéro NOR : CETATEXT000042325955 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;18nt03488 ?
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