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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT03714

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT03714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 novembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Oran rejetant sa demande de visa de long séjour présentée en qualité de conjoint d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 1700067 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 novembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Oran rejetant sa demande de visa de long séjour présentée en qualité de conjoint d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 1700067 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juillet 2019 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder sans délai au réexamen de sa demande et de lui délivrer le visa sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est en droit d'obtenir un visa de long séjour sur le fondement de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de visa qui lui est opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 23 décembre 1984, a épousé le 20 août 2015 à El Matmar (Algérie) une ressortissante française. Le mariage a été transcrit sur les registres de l'état civil français le 12 octobre 2015. M. D... a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français. Par une décision du 3 novembre 2016, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que le mariage avait été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale dans le seul but de faciliter l'établissement de M. D... en France et maintenu le refus de visa que lui avaient opposé les autorités consulaires françaises à Oran le 3 août 2016. M. D... relève appel du jugement du 15 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission du 3 novembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, par des éléments précis et concordants, que le mariage est entaché d'une telle fraude de nature à légalement justifier le refus de visa.

4. En se bornant à se prévaloir du caractère non établi de liens entre les époux avant et après le mariage ainsi que du défaut de contribution de la part du requérant aux charges du ménage, sans apporter le moindre élément tangible de nature à démontrer le caractère complaisant du mariage, ni la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ni le ministre de l'intérieur n'apportent la preuve qui leur incombe du caractère frauduleux du mariage.

5. Au surplus, il ressort des copies de passeport de l'épouse du requérant ainsi que des diverses factures de téléphonie établies à son nom que celle-ci a, au moins depuis 2013, séjourné à plusieurs reprises en Algérie et émis vers ce pays de nombreux appels et de courts messages textuels (sms). Si le ministre fait valoir que la durée des communications est particulièrement courte, il ressort du témoignage de l'intéressée que ces appels avaient pour seul objet de prévenir M. D... en vue de converser au moyen d'outils de communication par internet. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant et son épouse ont passé des vacances en Tunisie en 2018 et que cette dernière, qui a, par ailleurs, déclaré son mariage auprès de l'administration fiscale et des organismes de protection sociale, lui envoie régulièrement des sommes d'argent depuis au moins février 2018. Si les photographies versées au dossier ne sont pas datées, elles témoignent de la réalité des contacts. Ces faits postérieurs à la décision contestée sont de nature à confirmer l'existence d'une communauté de vie à compter du mariage. Ainsi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, la délivrance à M. D... d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juillet 2019 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 3 novembre 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, sous réserve d'un changement dans les circonstances de doit ou de fait, de délivrer à M. D... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, président,

M. A...'hirondel, premier conseiller,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

K. E...

Le président,

C. BRISSONLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT003714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03714
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt03714 ?
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