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17/07/2020 | FRANCE | N°18NT02244

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 juillet 2020, 18NT02244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juin 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a refusé de prolonger son stage et de le titulariser, l'arrêté du 16 septembre 2017 de la même autorité rapportant les dispositions de l'arrêté collectif du 14 juin 2017 l'affectant à compter du 1er septembre 2017 à titre définitif à la section d'enseignement professionnel du lycée Jean Bertin à Saumur ainsi que l'arrêté du 25 se

ptembre 2017 du ministre de l'éducation nationale prononçant son licenciement.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juin 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a refusé de prolonger son stage et de le titulariser, l'arrêté du 16 septembre 2017 de la même autorité rapportant les dispositions de l'arrêté collectif du 14 juin 2017 l'affectant à compter du 1er septembre 2017 à titre définitif à la section d'enseignement professionnel du lycée Jean Bertin à Saumur ainsi que l'arrêté du 25 septembre 2017 du ministre de l'éducation nationale prononçant son licenciement.

Par un jugement n° 1708071, 1708336, 1709500 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 juin 2018, 6 décembre 2019 et 6 janvier 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 29 juin 2017 ainsi que les arrêtés des 16 et 25 septembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le détournement de pouvoir allégué ;

- la décision du 29 juin 2017 est entachée d'une inexactitude matérielle des faits dès lors que le rapport établi par le chef d'établissement comporte de nombreuses erreurs ;

- en suivant l'avis de l'inspectrice de l'éducation nationale du 17 mai 2017 et du jury académique, le recteur a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision contestée n'est motivée que par son âge et est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la décision prononçant son licenciement est intervenue sans préavis, sans entretien préalable et sans le respect des droits de la défense contrairement à ce que prévoient les articles 46 et 47 du décret du 17 juillet 1986 ;

- les arrêtés des 16 et 25 septembre 2017 sont entachés d'illégalités à raison de l'illégalité de la décision du 29 juin 2017 ;

- l'arrêté de licenciement ne comporte aucun motif ;

- le ministre de l'éducation nationale a entachée sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me E..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir exercé les fonctions de professeur de mathématiques et de sciences physiques en collèges et lycées pendant de nombreuses années en qualité de contractuel, M. C... a été reçu au concours interne en vue de l'obtention du certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel, au titre de la session 2016, dans la discipline " mathématiques et sciences physiques ". A compter du 1er septembre 2016, il a été nommé professeur stagiaire au lycée professionnel Henri Dunant d'Angers. Par une décision du 29 juin 2017, le recteur de l'académie de Nantes a refusé la prolongation de son stage ainsi que sa titularisation. Par un arrêté du 16 septembre 2017, le recteur a rapporté les dispositions de l'arrêté collectif du 14 juin 2017 l'affectant à compter du 1er septembre 2017 à titre définitif à la section d'enseignement professionnel du lycée Jean Bertin de Saumur. Par un arrêté du 25 septembre 2017, le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement. M. C... relève appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées :

2. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. Pour apprécier la légalité d'une telle décision, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée se fonde notamment sur l'avis défavorable émis le 26 juin 2017 par le jury académique, lequel se réfère aux avis de l'inspectrice académique et du chef d'établissement. Le jury propose le non renouvellement du stage de M. C... en mettant en avant le fait qu'il ne remet pas en cause sa pratique et n'a donc " pas de marges de progrès ". Au cours d'une visite d'inspection réalisée le 2 mai 2017, dont les conclusions ont été reprises dans son rapport du 15 mai 2017, l'inspectrice de l'éducation nationale a constaté un nombre important d'exclusions des cours de plusieurs élèves prononcées par M. C..., impliquant, selon elle, la nécessité pour ce dernier d'engager une réflexion avec les membres de la communauté éducative sur le suivi des élèves. Elle lui reprochait en outre une prise en compte insuffisante de la diversité des élèves, son manque de clarté dans ses explications et dans la progression des activités proposées et enfin une utilisation insuffisante des outils numériques. Elle soulignait qu'il était capable de prendre du recul sur son enseignement et de remettre en cause sa pratique mais restait " au niveau des constats ". Selon elle, plusieurs compétences du métier d'enseignant n'étaient pas suffisamment maitrisées par M. C.... Dans son avis du 17 mai 2017, le chef d'établissement a confirmé cette analyse, en indiquant qu'à sa connaissance, l'intéressé n'avait pas participé aux réunions des instances du lycée, que les exclusions de cours qu'il avait prononcées n'avaient donné lieu à aucun travail avec le conseiller principal d'éducation et traduisaient une difficulté à asseoir son autorité et à instaurer un climat serein et de confiance dans sa classe. Le chef d'établissement précisait cependant qu'il avait été victime d'un accident de service au deuxième trimestre de l'année scolaire 2016/2017 et que son appréciation était basée sur les observations du 1er trimestre et sur les échanges, non produits, qu'il avait eu avec son remplaçant.

4. Pour contester ces avis, le requérant produit le rapport établi par son tuteur de stage le 23 janvier 2017. Ce dernier précise qu'il a eu des entretiens réguliers avec M. C.... Il note que l'intéressé prépare ses cours dans le respect des programmes officiels et selon un axe de progression réfléchi. Toujours selon ce rapport, M. C... prend en compte les conseils qu'on lui donne, notamment pour donner plus de rythme à ses cours tout en appréhendant l'hétérogénéité de ses élèves. Ce même rapport souligne le risque de décrochage des élèves de sa classe qui présentent, pour certains, des difficultés comportementales mais indique que M. C... en a rapidement pris conscience et s'est bien intégré à l'équipe pédagogique. Il conclut que l'intéressé a su instaurer dans sa classe un climat propice au travail même s'il doit encore approfondir certains points. Le rapport final de son tuteur rédigé le 15 mai 2017 confirme que M. C... s'est investi sérieusement et avec responsabilité dans sa formation, a pris conscience des problèmes de sa classe notamment en terme d'hétérogénéité, a rapidement pris à coeur d'interroger sa pratique pour susciter l'intérêt de ses élèves, et a appris " avec le temps " à évaluer ses élèves. Il s'est montré à l'écoute des conseils prodigués et " adopte toujours un positionnement d'adulte responsable tant au sein de la classe que de l'établissement ". Il souligne son respect des élèves et sa volonté de contribuer à leur réussite. Il conclut que l'intéressé " a su tirer pleinement profit de cette année de formation pour nourrir sa réflexion sur un métier exigeant. L'évaluateur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation confirme, le 15 mai 2017, que M. C... est en cours d'acquisition d'un niveau satisfaisant de compétences, qu'il tire profit de la formation et poursuit sa réflexion didactique et pédagogique. Par ailleurs, le requérant produit plusieurs témoignages attestant de son intégration à l'équipe pédagogique, de sa participation à au moins deux conseils pédagogiques, à un conseil d'administration, à une réunion parents-professeurs et à des conseils de classe. En outre, M. C... fait également valoir que l'inspectrice avait elle-même constaté que les élèves exploitaient la courbe obtenue lors d'une expérimentation avec ExAO réalisée lors de la séance précédente, ce qui démentait son affirmation selon laquelle il ne maîtrisait pas les techniques du numérique et ne les utilisait pas en classe. Par ailleurs, les pièces du dossier démontrent la réalité du caractère " difficile " de la classe tenue par M. C... alors qu'il n'a été aucunement tenu compte dans son évaluation. Elles démontrent également que l'intéressé n'était pas le seul professeur à prononcer l'exclusion de cours de certains élèves. Enfin, il est constant qu'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été proposé à M. C... à compter du 19 février 2018 pour exercer les fonctions d'enseignant du 2nd degré en sciences physiques et chimiques, son contrat précisant qu'il avait les mêmes obligations de service que les agents titulaires exerçant les mêmes fonctions. Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, le requérant est fondé à soutenir que la décision du 29 juin 2017 du recteur de l'académie de Nantes repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. L'illégalité de cette décision entache en conséquence d'illégalité les arrêtés contestés des 16 et 25 septembre 2017, pris sur son fondement.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1708071 / 178336 /1709500 du tribunal administratif de Nantes en date du 24 avril 2018, la décision du 29 juin 2017 du recteur de l'académie de Nantes refusant la prolongation du stage de M. C... et sa titularisation ainsi que l'arrêté du 16 septembre 2017 de la même autorité rapportant la décision l'affectant à Saumur et l'arrêté du 25 septembre 2017 du ministre de l'éducation nationale prononçant son licenciement sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Une copie sera adressée au recteur de l'académie de Nantes.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

V. GELARD Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT02244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02244
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : NAITALI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;18nt02244 ?
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